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Une mise à mal du nouveau taux de remboursement à 15 % ?

06/09/2011

Le 27 mai 2011, le Conseil d'État a annulé les dispositions du décret du 5 janvier 2010 qui prévoyaient l'application du taux de remboursement à 15% aux médicaments dont le service médical rendu avait été qualifié de faible par la HAS avant l'entrée en vigueur du décret, ainsi que plusieurs décisions du directeur général de l'UNCAM faisant application du taux fixé à différentes spécialités pharmaceutiques.

Le 1er octobre 2009, la ministre annonçait l'instauration d'un nouveau taux de remboursement destiné aux médicaments dont le service médical rendu (SMR), tel qu'apprécié par la Commission de la transparence (CT), était « faible ». Cette décision, effective le 16 avril 2010, fut l'aboutissement d'un processus complexe, que le Conseil d'État vient de déclarer partiellement illégal(1). Quel est ce processus ? Pourquoi le Conseil d'Etat l'a-t-il partiellement invalidé ? Quelle est la portée de cette décision ? Telles sont les trois questions qui se posent.

Un processus complexe

L'instauration du nouveau taux de remboursement est une première depuis la réforme de 2004 qui a modifié les règles en la matière. En l'espèce, pas moins de quatre séries d'actes ont été nécessaires. Ils font intervenir le pouvoir politique - Premier ministre et ministre de la santé - et le payeur, l'Union nationale des Caisses d'assurance maladie (UNCAM). Ce processus laisse donc de côté la Haute Autorité de santé (HAS), pourtant au coeur du motif d'illégalité pointé du doigt par la Haute Instance.

Reprenons chacune des quatre étapes ayant permis la mise en place du nouveau taux.

  • Etape 1 : un décret

La loi de 2004 organise, en matière de remboursement, un mécanisme bipolaire : les taux sont arrêtés par l'UNCAM dont la marge de manoeuvre est encadrée par le politique, agissant par voie de décrets en Conseil d'État. Ce dispositif bipolaire explique deux des quatre étapes du processus. Le décret en cause ici est du 5 janvier 2010(2). Il a un double objet. D'une part, il modifie l'article R 163-18 du CSS, afin d'y introduire les notions de SMR « modéré » et « faible » qui, antérieurement, n'étaient consacrées que par la pratique de la CT. D'autre part, il prévoit que le taux de remboursement d'un médicament à SMR « faible » sera compris entre 10 et 20 %. S'agissant des médicaments admis au remboursement au 5 janvier 2010 et dont l'avis de transparence, antérieur à cette date, avait qualifié leS MR de « faible », le II de l'article 5 prévoit, en substance, que le nouveau taux est applicable, sous réserve d'une procédure contradictoire devant l'UNCAM.

  • Étape 2 : une décision de l'UNCAM

Sur le fondement de ce décret, une décision de l'UNCAM du 11 février 2010(3) a fixé à 15 % le taux de prise en charge des médicaments à SMR « faible ». Les recours formés contre cette décision ayant été rejetés par un autre arrêt du 27 mai 2010(4), celle-ci n'est donc pas concernée par le dispositif d'annulation analysé plus loin.

  • Étape 3 : les décisions individuelles du directeur général de l'UNCAM

Sur le fondement de la décision du 11 février 2010, le directeur général de l'UNCAM a fait application du taux ainsi fixé. Une première liste a été identifiée par une série de décisions du 9 avril 2010, publiée au JORF du 16 avril(5). C'est cette liste qui est concernée par l'arrêt du Conseil d'Etat.

  • Étape 4 : un arrêté modifiant les caractéristiques de la vignette

Enfin, l'introduction d'un nouveau taux impliquait que les spécialités concernées puissent être identifiées par les payeurs : il était donc nécessaire de leur affecter une vignette spécifique. Tel est l'objet de l'arrêté du 15 février 2010(6). Cet arrêté, applicable à la date d'entrée en vigueur de la décision du directeur général de l'UNCAM relative à la spécialité en cause, a prévu que la vignette apposée sur les spécialités pour lesquelles la participation des assurés serait fixée entre 80 et 90 % serait de couleur orange. Il n'est pas non plus concerné par l'arrêt du Conseil d'État.

Telles sont les quatre étapes qui ont permis un nouveau taux de prise en charge des médicaments. Quelles sont les fragilités de ce dispositif ?

Quelles sont les fragilités pointées du doigt par le Conseil d'État ?

Le 27 mai 2011, le Conseil d'État a annulé le II de l'article 5 du décret, ainsi que les décisions du directeur général de l'UNCAM applicables à plusieurs médicaments. Le Conseil d'État a jugé que le décret ne pouvait prévoir que le nouveau taux serait applicable aux spécialités ayant fait l'objet d'un avis de la CT antérieur au décret : la CT aurait dû statuer à nouveau, afin qu'elle « puisse réexaminer le classement de ces spécialités au regard des nouvelles catégories définies pour l'appréciation du service médical rendu par (...) l'article R. 163-18 du CSS », tel qu'issu du décret du 5 janvier 2010.

Quelle est la portée de cette décision ? Telle est la troisième question.

Quelle est la portée de cette décision ?

Le raisonnement tenu le 27 mai vaut pour toute la liste du 9 avril 2010. Tous les laboratoires concernés peuvent donc demander à l'UNCAM le retrait de la décision les concernant. Pour autant, des incertitudes subsistent sur la portée de cette décision. En effet, le Gouvernement a fait savoir qu'il prendrait « toute disposition (. . .) pour que la HAS puisse réévaluer les médicaments concernés » (7). S'agit-il de soumettre à la CT tous les médicaments figurant sur la liste du 9 avril 2010 ou les seuls dossiers faisant l'objet de l'arrêt du Conseil d'État ou encore ceux des laboratoires ayant formé une demande de retrait de la décision les concernant ? La réponse à cette question est d'autant moins certaine que le Conseil d'État a fixé au 1er novembre 2011 la date d'effet de l'annulation qu'il a prononcée. On devrait donc bientôt en savoir plus sur les intentions des pouvoirs publics. D'ici là, les entreprises concernées ont tout intérêt à préserver leurs droits en sollicitant de l'UNCAM le retrait des décisions les concernant.

Quant à la morale de l'histoire, elle est d'ordre institutionnel et vient rappeler le rôle central de la HAS, by-passée, à tort, dans le processus de fixation du nouveau taux.


1. Conseil d'État, 27 mai 2011, Laboratoires Pharma 2000 e.a.. 337369, 337370, 337371, 337372, 338898, 338899, 339074. 339248, 339493, à paraître aux tables du recueil Lebon.

2. Décret n" 2010-6 du 5 janvier 2010 relatif à la participation de l'assuré prévue à l'article L. 322-2 du Code de la sécurité sociale, JORF, 6 janvier 2010, p. 338.

3. Avis relatif à la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie fixant la participation de l'assuré prévue au 14° de l'article R 322-2 du Code de la sécurité sociale, JORF, 17 février 2010, p. 2956.

4. Conseil d'État, 27 mai 2011, Laboratoires Expanscience e.a., req.337658,3 37659, 337660,3 37661.

5. Avis relatif aux décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie portant fixation du taux de participation de l'assuré applicable à des spécialités pharma eutiques, JORF, 16 avril 2010, p. 7180,

6. Arrêté du 15 février 2010 relatif aux caractéristiques de la vignette pharmaceutique, JORF, 18 février 2010, p. 2978.

7. Ministère de la santé, Communiqué depresse du 30 mai 2011

par Bernard Geneste, avocat associé

Article paru dans la revue Décideurs de Juillet 2011

Authors: GENESTE, Bernard

Auteurs

Bernard Geneste