La distinctivité des marques de position enregistrées pour des services s’apprécie de manière classique, au regard de la perception du signe par le public, sans besoin de démontrer que le signe diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur économique concerné.
Dans un arrêt du 8 octobre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de mettre en lumière les critères d’appréciation de la distinctivité des marques dites “de position“, qui ont pour singularité de revendiquer la façon dont elles sont placées sur les produits ou services qu’elles désignent (CJUE, 8 octobre 2020, C-456/19).
En 2016, la société suédoise Östgötatrafiken avait déposé auprès de l’Office suédois trois marques de position en classe 39 (pour des services de transport de passagers) avec pour description : "Coloration de véhicules dans les couleurs rouge, blanche et orange, comme indiqué [dans la représentation des marques]" :
L‘Office suédois puis le tribunal de Stockholm avaient refusé l’enregistrement de ces marques, au motif que les signes ne divergeraient pas suffisamment de la norme ou des habitudes du secteur.
Saisie à son tour, la Cour d’appel s’est interrogée quant à l’application de ce critère pour apprécier la distinctivité intrinsèque des marques de position enregistrées pour des services. Elle a décidé de surseoir à statuer afin de solliciter l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne sur ce point.
Le critère relatif à la divergence de la norme ou des habitudes du secteur avait été mis en évidence par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne s’agissant de l’appréciation de la distinctivité intrinsèque de deux types de marques atypiques :
- les marques tridimensionnelles se confondant avec l’apparence d’un produit, comme par exemple la marque suivante représentant une bouteille cylindrique (CJUE, 7 mai 2015, C-445/13)
- les marques tridimensionnelles représentant l’aménagement d’un espace de vente, comme la marque suivante déposée par la société Apple (CJUE, 10 juillet 2014, C-421/13)
La Cour de justice justifiait le recours à ce critère, compte tenu du caractère atypique de ces marques, soulignant que le consommateur moyen n’avait pas pour habitude de présumer de l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur l’aménagement de leur espace de vente. Pour la Cour, face à de telles marques, seule la divergence de l’apparence du produit ou de l’aménagement du lieu par rapport aux normes et habitudes du secteur pouvait permettre aux consommateurs de percevoir le signe comme une marque permettant de distinguer l’origine des produits.
En l’espèce, même si la marque de position pour des services est, par nature, une marque peu commune, la Cour de justice estime que ce critère contraignant n’a pas à s’appliquer et que la distinctivité de la marque doit s’apprécier de manière classique.
La Cour de justice pointe une différence notable entre la marque de position et les marques tridimensionnelles représentant l’apparence d’un produit ou l’aménagement d‘un espace de vente du produit : la première est constituée "d’éléments graphiques destinés à être apposés sur les biens qui sont utilisés pour fournir les services désignés par la demande d’enregistrement", contrairement aux deux autres. Pour la Cour, cette différence est primordiale en ce que le consommateur moyen identifiera plus facilement la première comme une marque, même lorsqu‘elle ne s’écarte pas des pratiques dans le secteur.
La Cour invite donc la juridiction de renvoi à apprécier de manière classique si les marques de position sont distinctives intrinsèquement, en analysant "si les combinaisons de couleurs, apposées sur les véhicules de transport de la requérante au principal permettent au consommateur moyen de distinguer sans confusion possible les services de transport fournis par cette entreprise des services fournis par d’autres entreprises". A noter que, si la marque n’est pas considérée comme revêtant un caractère distinctif intrinsèque, elle pourra toujours éventuellement revêtir un caractère distinctif par son usage.
En conclusion : le recours au critère de la divergence par rapport aux normes et habitudes du secteur doit rester exceptionnel et limité aux cas où les marques se confondent avec l’apparence du produit ou représentent l’aménagement d’un espace de vente.
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