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Fiducie sur titres ou sur les actifs sociaux

La fiducie est régie en droit français par les articles 2011 et suivants du Code civil

07/04/2021

Souvent annoncée de manière un peu prématurée comme étant l’équivalent du trust en droit anglo-saxon, la fiducie est régie en droit français par les articles 2011 et suivants du Code civil qui la définissent comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ». Outil juridique dont l’une des particularités est d’être, à titre de gestion (fiducie-gestion) ou de sûreté (fiducie-sûreté), translatif de propriété, la fiducie se distingue également par une grande liberté contractuelle laissée par le législateur aux acteurs du monde des affaires qui souhaitent y avoir recours.

Intérêt de la fiducie-sûreté dans les opérations de financement

Lorsqu’elle est utilisée à titre de sûreté dans une opération de financement, la fiducie permet à l’emprunteur agissant en qualité de constituant, de transférer dans le patrimoine d’un fiduciaire des titres de filiales ou des actifs sociaux qu’il détient afin de garantir auprès des banques le remboursement de sa dette. Le recours à la fiducie était initialement privilégié dans des situations « tendues » entre créancier et débiteur, par exemple dans le cas de renégociation de dettes ouvertes en raison de l’incapacité de l’emprunteur à faire face à ses obligations de remboursement selon les modalités prévues dans la documentation de financement. Dans cette situation, les banques peuvent accepter de renégocier certains covenants ou certaines modalités initiales de remboursement, et ce afin que leur débiteur retrouve les ressources et la respiration nécessaires pour assumer la charge de la dette. En échange de cette souplesse accordée à l’emprunteur, la fiducie permet de donner un confort supplémentaire aux banques qui voient un actif stratégique de leur débiteur être transféré dans un patrimoine distinct de celui de leur débiteur et ce, à leur profit.

Au regard du risque croissant de défaillance des emprunteurs, notamment en période de crise économique et financière comme nous le vivons aujourd’hui, la fiducie présente les atouts pour devenir un outil de sûreté privilégié dès la mise en place d’un financement, y compris lorsque celui-ci répond au cahier des charges recherché par les prêteurs. D’une part, elle sécurise les banques bénéficiaires en cas de procédures collectives ouvertes à l’encontre de l’emprunteur, et ce en raison du transfert initial de propriété au sein du patrimoine d’affectation du fiduciaire. D’autre part, la liberté contractuelle instaurée par le régime de la loi n°2007- 211 du 19 février 2007 permet notamment au créancier d’isoler du patrimoine de l’emprunteur presque n’importe quel actif social détenu initialement par de dernier et de s’assurer que ce bien, le jour où la situation de remboursement se crispera, ne sera pas totalement à la main de son débiteur. Ce schéma peut également être avantageux pour l’emprunteur lui-même : l’expérience montre que si la banque est confiante quant à la solidité de la sûreté dont elle bénéficie, elle sera plus apte à être à l’écoute des demandes de son débiteur (waivers, etc.) pendant la vie du financement.

Naturellement, dès lors que la fiducie emporte un transfert de propriété de l’actif fiduciaire au fiduciaire, sa mise en place peut impliquer un formalisme plus ou moins contraignant pour assurer la validité et l’opposabilité de ce transfert à l’égard des tiers : autorisations préalables, formalités déclaratives, publicité, enregistrement, immatriculation, etc. Ces démarches et formalités doivent être étudiées au cas par cas, en fonction de la nature de l’actif concerné. Si l’idée pour un créancier de bénéficier de ce type d’outil pour garantir la dette qu’il détient sur une entreprise présente des avantages indéniables, la liberté contractuelle prévue par le régime légal exige qu’une attention particulière soit portée sur la rédaction des clauses qui lieront le constituant, le fiduciaire et le bénéficiaire.

Principaux points d’attention dans la négociation du contrat de fiducie

Le contrat de fiducie doit anticiper et prévoir un maximum de situations possible afin de permettre au créancier, en fonction de la survenance de certains éléments identifiés, de reprendre progressivement la main sur les titres ou les actifs sociaux isolés dans le patrimoine d’affectation du fiduciaire, et ce dans des conditions satisfaisantes.

Ainsi, au premier rang des négociations contractuelles concernant la mise en place d’une fiducie, se trouvent souvent celles relatives aux instructions que le fiduciaire devra obtenir dans le cadre de la gestion de l’actif dont il est propriétaire au titre de la fiducie. Dès lors que la fiducie est mise en place en tant que sûreté uniquement, le fiduciaire n’a pas vocation, a priori, à gérer l’actif de manière indépendante. Dans le cadre du contrat de fiducie, les parties s’accordent sur le fait de savoir auprès de qui (le constituant ou le bénéficiaire) il doit prendre les instructions nécessaires à la gestion de l’actif. Le principe général est souvent que, dès lors que la dette continue d’être remboursée conformément aux stipulations du contrat de financement, alors le constituant reste celui vers qui le fiduciaire doit se tourner pour obtenir les instructions liées à la gestion de l’actif fiduciaire. Aussi, notamment, lorsque la fiducie-sûreté porte sur des titres de société, le contrat de fiducie doit prévoir les conditions dans lesquelles, tant qu’aucun cas de défaut n’est notifié au fiduciaire, ce dernier s’engage à suivre les consignes du constituant dans le cadre de l’exercice de ses droits d’associé. Cela implique en particulier que le fiduciaire s’engage à informer le constituant de la convocation aux assemblées générales et à recueillir et suivre ses instructions dans l’exercice des droits de vote attachés aux actions en fiducie. De même, le contrat de fiducie pourra prévoir que le fiduciaire s’engage à reverser au constituant les dividendes versés sur le compte fiduciaire, tant qu’aucune inexécution de l’obligation garantie ne lui a été notifiée. L’enjeu sera de savoir précisément à partir de la survenance de quel évènement (tout ou partie des cas de défaut ou des cas d’accélération de la dette, non-respect d’une certaine catégorie d’engagement) les banques reprendront la main et seront les seules à pouvoir instruire le fiduciaire sur la marche à suivre concernant l’actif placé en fiducie.

En cas de défaillance du débiteur, les banques bénéficiaires d’une fiducie-sûreté constituée sur des titres de société pourront par exemple, selon les termes du contrat de fiducie, donner instruction au fiduciaire de prendre en sa qualité d’associé des décisions telles que le remplacement du dirigeant par un nouveau mandataire social ayant la confiance des créanciers, voire de mettre en œuvre le processus d’attribution ou de cession de l’actif fiduciaire. La réalisation et le processus d’attribution des actifs sécurisés, notamment lorsque les créanciers sont regroupés au sein d’un pool de prêteurs, est une autre clause souvent sujette à discussion dans les contrats de fiducie. Le fiduciaire étant propriétaire du bien, lorsque l’évènement entrainant la réalisation de la fiducie survient, c’est à lui de gérer la liquidité de l’actif en question, à charge pour lui ensuite de répartir le produit de cession auprès des créanciers et, le cas échéant, de reverser au constituant la part de ce produit de cession qui excède la créance des prêteurs.

Article paru dans La lettre des Fusions-Acquisitions de mars 2021


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