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L’évolution de la legaltech en période de Covid-19

le secteur de la legaltech est amené à profiter de la crise sanitaire

13/10/2020

Regroupant les entreprises qui proposent des services juridiques à l’aide des nouvelles technologies, le secteur de la legaltech est amené à profiter de la crise sanitaire, sous l’effet notamment de l’inflation de textes réglementaires et des restrictions de déplacements qui imposent la dématérialisation de nombreuses démarches. De nombreux responsables juridiques et financiers se posent toutefois encore la question de savoir jusqu’où l’on peut faire confiance aux solutions automatisées…

La crise sanitaire et économique que nous vivons actuellement soulève un nombre considérable de questions juridiques, comme celle de savoir si la pandémie constitue une situation de force majeure ou si les associés d’une SAS peuvent prendre des décisions par consultation écrite dans le silence de leurs statuts. Au-delà des questions touchant au fond du droit, le contexte actuel amène aussi à s’intéresser à l’évolution de la legaltech. Indiquons à titre liminaire qu’il est toujours difficile de parler de la legaltech dans son ensemble, tant les activités que recouvre ce terme sont diversifiées. Le point commun des entreprises rassemblées sous le vocable de legaltechs est de proposer des approches innovantes relatives à telle ou telle tâche des juristes, généralement en automatisant et en dématérialisant les processus à l’œuvre. Simplement, tant la diversité des métiers (de la magistrature au notariat, en passant par les huissiers de justice) que celle des tâches accomplies rendent toujours l’exercice difficile, au risque de tomber dans l’approximation.

Des centaines de nouveaux textes

La crise liée à la Covid-19, qui a commencé en mars 2020 en France, a eu plusieurs effets sur l’activité des juristes. Les mesures de confinement édictées de mars à mai 2020 les ont tout d’abord contraints, comme le reste de la population, à limiter leurs interactions sociales et leurs déplacements. Cela a pu geler complètement certaines activités, des constats d’huissier à une partie de l’activité judiciaire. En revanche, le confinement a été à peu près dépourvu d’effets sur d’autres missions. Par exemple, les missions de conseil ont pu continuer sans interruption, du moins lorsque le client concerné le souhaitait. Même après la sortie du confinement, des restrictions diverses ont perduré. Si le port du masque est requis, on peut se demander dans quelle mesure la justice est rendue différemment lorsque le juge n’est pas en mesure de «lire» le visage des justiciables.

Le deuxième effet de la crise sanitaire a été purement juridique. La Covid-19 a produit son propre système juridique, serait-on tenté de dire. Ce sont en effet des centaines de textes spéciaux qui ont été adoptés. La date du 25 mars 2020 reste gravée dans les esprits, puisque ce sont pas moins de 25 ordonnances (les «25 du 25») qui sont datées de ce jour, toutes tendant à aménager en urgence notre droit pour réagir à la crise. Objectifs : donner une base juridique aux différentes restrictions des libertés justifiées par la crise sanitaire, soutenir notre système économique gravement affecté et adapter de très nombreuses règles préexistantes à la situation. La nécessité d’adapter le droit existant à la situation a été un exercice particulièrement délicat. Ainsi, après avoir procédé à une suspension d’un certain nombre de délais, il a été décidé d’autoriser la reprise du cours de certains d’entre eux, et il a fallu un décret spécifique, par exemple, pour que reprennent leur cours les délais relatifs à la procédure d’adoption de l’arrêté relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux (décret n° 2020-453 du 21 avril 2020)…

Un attrait renforcé

Le troisième effet de la crise de la Covid-19 sur les juristes est à la fois rétrospectif et prospectif. La crise nous a donné une expérience, puisqu’en imposant à beaucoup de travailler à distance pendant une période prolongée, elle nous a fait comprendre qu’une partie des activités qui étaient jusqu’à présent exercées en présentiel pouvaient être accomplies à distance. Ce télétravail forcé a pu être vécu différemment par les uns et par les autres, mais si le «100 % télétravail» n’est accessible qu’à une minorité et n’est sans doute souhaitable à long terme pour personne (perdre tout contact humain direct est tout de même compliqué), il a permis un certain nombre de prises de conscience, notamment de la part de ceux qui n’avaient jamais fait l’effort de réfléchir à la question. De même que les universités ont le devoir de réfléchir à la modernisation des enseignements – ce qu’elles ne font en général pas assez, particulièrement s’agissant des facultés de droit –, les juristes ont le devoir de s’interroger sur la pertinence de leurs pratiques au regard de la situation de crise actuelle.

Instinctivement, on sent qu’une crise sanitaire qui impose aux juristes et aux autres acteurs de la société de restreindre leurs contacts physiques devrait nécessairement être favorable à un développement de la legaltech. Les entreprises de ce secteur proposent des instruments qui sont, souvent, fondés sur une utilisation d’algorithmes et/ou reposent sur une dématérialisation des activités des juristes. On ne voit dès lors pas en quoi la crise pourrait ralentir le recours, par exemple, aux logiciels d’aide à l’analyse des contrats. Ces logiciels tendent plutôt à supprimer les contacts physiques. Il n’était certes pas nécessaire, même sans recourir à ces logiciels, de se rendre physiquement sur le lieu où étaient stockés les documents contractuels à analyser (les data rooms virtuelles sont aujourd’hui la norme semble-t-il), mais l’aide à l’analyse que ces logiciels fournissent devrait plutôt être l’occasion de réduire encore davantage la circulation physique des documents. De même, si le règlement des litiges ne peut plus être opéré du fait de l’impossibilité de mettre en présence les parties, leurs conseils et les juges ou arbitres concernés, toutes les solutions de e-justice devraient s’en trouver grandement favorisées. Maintenant, il ne faut pas oublier que les entreprises de la legaltech peuvent aussi être fragilisées par la crise sanitaire et économique. Non seulement elles souffrent indirectement des difficultés des entreprises qui sont leurs clientes, mais il n’est pas acquis que toute legaltech soit rompue au télétravail ou à la prise de décisions à distance…

Des questions délicates en perspective

Au-delà de cette possible accélération du recours à la legaltech en raison des circonstances, les juristes sont invités à réfléchir à des questions délicates, qui remettent parfois en question les certitudes qu’ils pouvaient avoir. Il est possible que la crise actuelle favorise en réalité le retour de l’humain sur le devant de la scène. Prenons l’exemple simple d’un chatbot de première réponse aux «clients» des juristes – clients de l’avocat ou du notaire, clients internes du juriste d’entreprise, justiciables ayant affaire au greffe de la juridiction, etc. Jusqu’à présent, le recours à ce type d’outil était vu comme nécessairement positif. On allait tout à la fois mieux orienter les clients et faire gagner du temps aux juristes, en effectuant à leur place le travail de premier contact. Mais dans une période anxiogène comme celle que nous vivons, ne souhaite-t-on pas entendre la voix chaleureuse d’un être humain lorsque l’on appelle son avocat ou son notaire, plutôt que l’assemblage de phrases d’une voix de synthèse nous demandant de formuler notre question, puis si la question comprise par la machine est bien celle-là ? Il est possible que la crise sanitaire ait vu certains utilisateurs demander à leur technicien de débrancher le chatbot, pour favoriser l’interaction humaine.

Une autre question délicate est celle de savoir jusqu’où la legaltech doit aller dans la gestion de la complexité du droit, et jusqu’où ses utilisateurs peuvent lui faire confiance. Une entreprise peut avoir mis en place une solution de gestion automatisée de ses contrats, qui va notamment assurer un suivi des délais contractuels et alerter son utilisateur, voire adresser une notification à l’autre partie en cas de retard de paiement par rapport au calendrier contractuel. Or, l’une des questions les plus délicates soulevées par les dispositions spéciales prises pour réagir à la crise a été précisément celle de la gestion des délais. L’une des ordonnances adoptées le 25 mars 2020 a affecté les effets de certaines clauses (clauses pénales, clauses résolutoires) sanctionnant l’inexécution des obligations contractuelles dans un délai déterminé (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période). Une solution d’automatisation de la gestion des contrats peut-elle gérer correctement la survenance d’un dispositif d’exception affectant les délais contractuels aussi complexe que l’a été l’ordonnance précitée ? Ou bien là aussi, ne faudrait-il pas repasser en «commandes manuelles», cette fois-ci non pas pour préserver le lien social mais pour éviter que le logiciel de gestion automatisée ne commette des erreurs ?

Article paru dans le magazine Option Finance du 28/09/2020 


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