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L’ordonnance blockchain publiée in extremis !

La technologie Blockchain permettra de représenter et de faire circuler les titres financiers

03/01/2018

Très attendue, l’ordonnance blockchain est parue le 9 décembre 2017. Elle va permettre de recourir à cette technologie pour représenter et faire circuler les titres financiers. La publication d’un décret sera toutefois nécessaire pour que le dispositif soit pleinement applicable.

On se rappelle que la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite loi Sapin 2 avait habilité le Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières afin de permettre l’introduction de la technologie blockchain (désignée par l’ordonnance sous l’expression « dispositif d’enregistrement électronique partagé », ci-après DEEP). Le texte, dont l’élaboration a donné lieu à une large consultation en mai 2017, vient enfin de paraître avec la promulgation de l’ordonnance n°2017-1674 du 8 décembre 2017 (Journal officiel du 9 décembre 2017). On relèvera que le Gouvernement aura attendu l’extrême limite pour promulguer l’ordonnance puisque l’habilitation expirait le 9 décembre 2017.

Ce faisant, notre droit contient désormais deux séries de normes législatives autorisant expressément la possibilité de recourir à un DEEP : avant que ne paraisse l’actuelle ordonnance, une précédente ordonnance du 28 avril 2016 avait déjà admis cette possibilité à propos des minibons, formes particulières de bons de caisse pouvant faire l’objet d’une offre au moyen d’un site Internet (C. mon. fin., art. L. 223-13). Il est heureux que le législateur français ait ainsi clairement rendu possible le recours à une telle technologie, sans s’en remettre à l’éventuelle élaboration d’une norme communautaire. Norme qui, en tout état de cause, ne saurait entrer en application avant au moins un délai de trois ans (à supposer que la Commission européenne confirme sa volonté politique de publier une initiative avant la fin de l’année 2018) et qui pourrait d’ailleurs viser, dans un premier temps, un des usages les plus impactants de la blockchain, à savoir l’émission et la vente de tokens dans le cadre d’Initial Coin Offerings ou Initial Token Offerings). S’agissant de l’ordonnance du 8 décembre 2017, il faudra attendre la parution de textes réglementaires pour que le recours à un DEEP comme instrument de représentation et de circulation des titres soit effectif. De fait, ses dispositions n’entreront en vigueur qu’au jour de la publication d’un décret et, au plus tard, le 1er juillet 2018.

L’objectif de la loi Sapin 2 était de favoriser aussi rapidement que possible les expérimentations s’appuyant sur le droit français. C’est pourquoi le champ de l’habilitation a été limité aux seuls titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d’un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d’instruments financiers, avec l’idée que, dans un second temps, la possibilité d’utiliser un DEEP pourrait être élargie aux titres « cotés ». Les rédacteurs de l’ordonnance ont évidemment scrupuleusement respecté la contrainte mais ont fort opportunément choisi d’ouvrir l’accès à la technologie blockchain à toutes les catégories de titres financiers visées à l’article L. 211-1, II, du Code monétaire et financier, c’est-à-dire les titres de capital (actions), les titres de créance (obligations et titres de créances négociables) ainsi que les parts ou actions d’organismes de placement collectif.

Sur le fond, l’ordonnance s’attache à poser un principe d’équivalence entre la traditionnelle inscription en compte et l’inscription dans un DEEP. La règle, logée à l’article L. 211-3, alinéa 2, du Code monétaire et financier (« l’inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé tient lieu d’inscription en compte »), est déclinée en particulier à propos de deux éléments essentiels du régime des titres :

  • le transfert de propriété, qui pourra donc également résulter de l’inscription des titres au bénéfice de l’acquéreur dans un DEEP (C. mon. fin., art. L. 211-17, I, mod.) ;
  • la présomption de propriété qui pourra s’évincer de ce que la propriété d’un titre financier a été acquise de bonne foi par la personne identifiée par un DEEP.

Ce faisant, le recours à la technologie blockchain permettra de réaliser toute opération affectant le droit de propriété au-delà des seules cessions : prêt, aliénation fiduciaire, location, etc. La question du nantissement est également traitée par l’ordonnance, mais qui se contente de renvoyer à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser les modalités du nantissement de titres financiers inscrits dans un DEEP. Notons toutefois que, dans ce dernier cas, le nantissement ne portera plus sur le compte, mais directement sur les titres (d’où la modification de l’intitulé : « Nantissement de comptes-titres et de titres financiers ») ; ce qui, paradoxalement, marque ici un retour à l’époque d’avant la dématérialisation des valeurs mobilières !

S’attachant à édicter des principes directeurs qui seront déclinés et précisés dans la partie réglementaire du Code monétaire et financier et dans le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, le contenu de l’ordonnance appelle de notre part deux observations.

D’une part, ses rédacteurs n’ont pas repris la précision qui figurait dans le projet de texte, selon laquelle une modification des statuts serait nécessaire pour pouvoir recourir au DEEP. Le texte indique que le choix en faveur de cette technologie se fera « sur décision de l’émetteur » (C. mon. fin., art. L. 211-17, I, mod.) ; il nous semble qu’une telle rédaction mériterait d’être clarifiée, par décret, comme visant tout acte positif de l’émetteur ce compris une décision des dirigeants publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). D’autre part, n’a pas été reprise la précision importante (compte tenu de la nature intrinsèquement supranationale de la blockchain), également présente dans le projet, selon laquelle les droits sur des titres financiers inscrits dans un DEEP seraient régis par la loi française lorsque le siège social de l’émetteur est situé en France ou que l’émission est régie par le droit français afin d’opérer un alignement express sur les dispositions applicables aux titres inscrits en compte de titres. Il faudra donc attendre l’extension du dispositif aux titres « cotés » ou les négociations sur un texte européen avant de ré-envisager ce point important en termes de sécurité juridique et de prévention de contentieux.

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 18 décembre 2017


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Arnaud Reygrobellet
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