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Transposition de la directive ECN +

encore plus de pouvoirs pour l’ADLC, attention aussi aux effets secondaires

21/06/2021

Le 27 mai 2021, a été publiée l’ordonnance n°2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive 2019/1 du 11 décembre 2018 dite ECN +, ordonnance prévue par la loi Dadue du 3 décembre 2020 qui comportait déjà des mesures procédurales de simplification de nature à faciliter l’action de l’Autorité de la concurrence (ADLC).

Si l’ADLC rappelle que « ce texte constitue la dernière étape du processus de modernisation du droit de la concurrence et des outils dont dispose l’Autorité », sous couvert de « modernisation », sont opérés de nouveaux tours de vis en droit de la concurrence.

Sans prétendre ici à l’exhaustivité, on signalera les principales modifications suivantes :

  • l’aggravation du régime des sanctions pécuniaires pour les associations professionnelles dont le plafond d’amende de 3 millions d’euros est porté à 10 % du total des chiffres d’affaires des membres actifs sur le marché concerné par l’infraction. Cette mesure, justifiée par la nécessité d’une harmonisation européenne, se double d’un principe de responsabilité financière entre les membres de l’entente ;
  • la possibilité pour l’ADLC de prononcer des injonctions structurelles (et non plus seulement comportementales) à l’occasion d’un contentieux ;
  • la faculté pour l’ADLC de se saisir d’office pour imposer des mesures conservatoires (et non plus à la seule initiative d’une entreprise) ;
  • la possibilité pour les directeurs, gérants et autres membres des entreprises ou associations d’entreprises d’obtenir, dans certaines conditions dont leur coopération active, une exemption de peine pénale, lorsque ces dernières bénéficient d’une exonération totale d’amendes au titre de la clémence (ie dénonciation à l’ADLC de pratiques anticoncurrentielles en contrepartie, sous certaines conditions, d’une exemption totale d’amende). En effet, une entente peut tomber sous le coup d’une infraction pénale (art. L. 420-6 C. com.). Or, l’article 40 du Code de procédure pénale obligeant notamment une autorité à dénoncer toute infraction pénale dont il a connaissance, l’ADLC risquait de voir compromis l’attrait pour les procédures de clémence. En outre, si après avoir accordé une exonération totale de sanction financière, l’ADLC estime que les faits justifient une qualification pénale, elle transmet le dossier au procureur de la République en mentionnant les personnes physiques qui lui semblent devoir bénéficier de l’exemption de peine ;
  • l’autorisation de « tout mode de preuve » devant l’ADLC qui semblerait tolérer la possibilité de produire dans un dossier des enregistrements non révélés entre opérateurs privés comme le suggère la directive s’ils ne sont pas l’unique source, alors que ce sujet avait fait l’objet de débats dans le passé ;
  • la révision des articles L 464-2 V et L450-8 et la création de deux nouveaux articles ( L450-9 et L450-10) introduisant une distinction entre l’opposition aux enquêtes émanant d’une personne physique ou  d’une personne morale. Cette adaptation est présentée comme visant à répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2021 qui a reconnu la non-conformité du V de l’article L464-2 du Code de commerce relatif aux sanctions en matière d’obstruction aux enquêtes en raison notamment de son possible cumul avec l’infraction d’opposition de l’article L450-8 du même code ;
  • la suppression du critère du « dommage à l’économie » - l ’un des trois piliers sur la base desquels pouvait être prononcée une sanction pécuniaire par l’ADLC - « afin de lever toute ambiguïté à l’égard de la notion de réparation d’un dommage subi par une victime » selon les termes du rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance. Il est vrai que les notions pouvaient partiellement se recouper, la victime faisant partie de l’économie ;
  • la consécration de la faculté pour l’ADLC de rejeter des saisines lorsqu’elle ne les considère pas prioritaires, marquant ainsi la reconnaissance d’un principe d’opportunité de leur examen.

En définitive, l’ordonnance doit permettre à l’ADLC de mieux lutter contre les pratiques non conformes au droit de la concurrence. Ce renforcement des pouvoirs devrait être l’occasion d’une mise en perspective avec le contentieux en réparation des pratiques anticoncurrentielles. On ajoute en effet aux diverses présomptions, reposant en pratique sur les termes des décisions de l’ADLC, qui encadrent déjà l’office du juge de la réparation, des moyens encore renforcés grâce à des outils ad hoc facilitateurs. Cela peut avoir des répercussions sur le droit de la responsabilité civile individuelle d’autant plus notables que les critères de faute sont aussi plus souples en droit de la concurrence. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que la position dominante donnée au droit de la concurrence, au prétexte de son caractère répressif, produit sur le terrain civil des effets secondaires qui dépendent en grande partie de la précision, de la mesure et du contenu des décisions de l’ADLC.  

Article paru dans Option Finance le 07/06/2021


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