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Action de groupe : le rebond ?

23/01/2012


Favorable à l'instauration d'une action de groupe à la française, le Sénat vient de saisir l'occasion du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs pour tenter d'introduire ce mécanisme de recours collectif, en dépit de l'hostilité du gouvernement (art. 12du projet).

La nouvelle action, remplacerait l'action en représentation conjointe (art. L. 422-1 s. C. cons). Elle serait réservée aux litiges liés à la consommation et ne permettrait que l'indemnisation des dommages matériels trouvant leur origine dans un manquement contractuel ou précontractuel d'un professionnel à l'égard d'un consommateur ou d'un manquement aux règles de la concurrence. Elle ne pourrait être introduite que par une association de défense des consommateurs spécialement agréée à cet effet. Se trouveraient ainsi exclus du bénéfice d'une telle action les opérateurs économiques susceptibles d'être également victimes d'une pratique anticoncurrentielle.

Engagée exclusivement devant un nombre limité de tribunaux de grande instance spécialisés, l'action se déroulerait selon une procédure organisée en deux phases.

Au cours de la première phase, le juge statuerait sur la responsabilité du professionnel à partir d'un certain nombre de cas exemplaires présentés par l'association. A l'issue de cette phase, il rendrait une décision établissant le principe de responsabilité du professionnel et définirait le groupe des consommateurs concernés ainsi que les mesures de publicité, à la charge du professionnel, permettant de porter à la connaissance des intéressés la possibilité de se joindre à l'action de groupe à des fins d'indemnisation.

La jonction à l'action s'effectuerait selon le principe de l'«opt-in» et donc sur une base exclusivement volontaire.

Une fois la décision du juge devenue définitive et le délai d'adhésion expiré, la seconde phase s'ouvrirait. Le juge statuerait alors sur la liste des personnes recevables à percevoir du professionnel une indemnisation ainsi que sur le montant de cette indemnisation ou le mode de calcul à retenir.

La réparation du préjudice pourrait être effectuée, si le préjudice s'y prête, en nature.

Au-dessous d'un certain montant individuel d'indem nisation défini par décret, la décision du juge serait rendue en dernier ressort. Dans tous les cas, elle n'aurait autorité de la chose jugée qu'à l'égard du professionnel et des consommateurs qui se seraient joints à l'action.

Par ailleurs, des médiations pourraient être organisées entre le professionnel et les consommateurs lésés en vue d'un accord indemnitaire soumis à homologation du juge. En cas d'action de groupe fondée sur une pratique anticoncurrentielle, le juge devrait consulter pour avis l'Autorité de la concurrence et surseoir à statuer le temps de cette consultation.

Pour l'heure, reste à savoir si l'Assemblée nationale maintiendra l'action de groupe lors de la deuxième lecture du texte.

On peut en douter et il y a fort à parier que les initiatives européennes se concrétiseront avant que la France ne se dote de son propre dispositif de traitement des litiges de masse.


Par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 23 janvier 2012

Auteurs

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris