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Affaire « PIP »

après la CJUE, la Cour de cassation met en cause l’ON

30/11/2018

Alors que dans la perspective de l’entrée en application respectivement les 26 mai 2020 et 26 mai 2022 des règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, lesquels renforcent sensiblement les obligations imposées aux organismes notifiés (ON), la France publie un appel à candidatures afin d’être en mesure d’accréditer de nouveaux ON pour faire face au déficit de l’offre en langue française de ce service, la Cour de cassation a, par une série d’arrêts rendus le 10 octobre 2018 dans l’affaire généralement dénommée « PIP » (Poly implant prothèse) retenu la responsabilité de l’ON, en l’occurrence TUV Rheinland.

Cette coïncidence entre le futur proche - l’entrée en application des nouveaux règlements – et le passé en cause devant les juridictions, notamment françaises, n’est pas tout à fait un hasard. C’est ce que l’on retiendra des arrêts rendus par la Cour de cassation le 10 octobre dernier1.

Questions de procédure : recevabilité des pourvois, juridiction compétente et loi applicable

Avant de se prononcer sur le bien-fondé des cinq arrêts qui lui étaient renvoyés et par lesquels la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait débouté plusieurs centaines, voire milliers, de plaignantes porteuses des prothèses mammaires PIP de leur plainte dirigée contre l’ON qui avait délivré, puis renouvelé à plusieurs reprises le certificat de conformité CE au fabricant PIP, la Cour de cassation a dû trancher trois questions de procédure.

La première est celle de la recevabilité des pourvois. La Cour a dû s’attacher à déterminer, dossier par dossier, les modalités de signification de l’arrêt d’appel dans un grand nombre de pays et jusqu’en Thaïlande pour décider, au cas par cas, de la régularité formelle de cette signification, telle qu’organisée par une convention internationale signée à La Haye,  et, en conséquence, se déterminer sur le point de savoir si cette signification avait été régulière et si, en conséquence, elle avait pu faire valablement courir le délai de pourvoi et vérifier ainsi si le pourvoi était ou non recevable ou tardif. Au terme de cette première étape, un grand nombre de recours ont été déclarés irrecevables du fait de la tardiveté de leur pourvoi.

La deuxième question de procédure est celle de la compétence des juridictions françaises qui était contestée, s’agissant d’un organisme dont le siège social est en Allemagne. Pour conclure à la compétence des juridictions françaises, la Cour de cassation a jugé que le fait à l’origine du dommage subi par les plaignantes était constitué par les inspections effectuées par l’ON ou son sous-traitant (TUV France) à l’occasion de l’examen de la demande de renouvellement du certificat de conformité CE, inspections qui n’avaient pas été effectuées en conformité avec la réglementation applicable. Le fait à l’origine du dommage étant survenu en France, les juridictions françaises sont donc, en vertu de la législation européenne applicable, compétentes, estime le juge de cassation.

De la compétence des juridictions françaises, la Cour de cassation a déduit que la loi applicable au litige était, en application de la convention internationale applicable aux litiges, dite Rome II, la loi française. C’est la troisième et dernière question de procédure. 

Pourquoi la responsabilité de l’ON est-elle engagée ?

Comme elle l’indique dans le communiqué de presse qui a accompagné les arrêts, la Cour de cassation, pour trancher les litiges sur le fond, s’est implicitement référée à une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui avait été saisie il y a quelques années par la juridiction suprême allemande également saisie d’une plainte dirigée contre l’organisme notifié2 d’une question préjudicielle en interprétation de la directive 93/42 relative aux dispositifs médicaux. Dans cette affaire, la CJUE a jugé que l’intervention de l’ON dans le cadre de la procédure de déclaration de conformité « vise à protéger les destinataires finaux des dispositifs médicaux », en précisant que les conditions dans lesquelles un manquement fautif de cet organisme peut être de nature à engager sa responsabilité relèvent du droit national et non pas du droit de l’Union. Dans le même arrêt, la CJUE a également jugé que si, en règle générale, l’ON n’avait pas à effectuer d’inspections inopinées, de contrôles des dispositifs ou d’examen les documents commerciaux du fabricant, il lui appartenait toutefois, en présence d’indices suggérant qu’un dispositif médical est susceptible d’être non conforme, prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’acquitter de ses obligations.

S’appuyant sur cette dernière partie de la décision de la CJUE, la Cour de cassation a jugé qu’en l’espèce l’organisme notifié, en s’abstenant d’examiner les données du fabricant relatives aux achats de gel de silicone effectués par PIP, ce qui lui aurait permis de constater que celles-ci étaient manifestement sans rapport avec le nombre de prothèses produites, n’avait pas adopté les mesures appropriées à la situation et que cette carence était susceptible d’engager sa responsabilité.  En conséquence, le juge de cassation a cassé les arrêts qui lui étaient soumis et a renvoyé les plaignantes déclarées recevables devant la cour d’appel de Paris.


1 Cass., civ. 1, 10 octobre 2018, RG 15-26115 et 15-26388 ; 15-28531 ; 15-28891 ; 16- 19430 ; 17 – 14401, accessibles sur Legifrance.

2 CJUE, 16 février 2017, C-219/15, Elisabeth Schmitt.


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