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Budgets du comité d'entreprise et compte 641 : la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence !

Cass. soc., 7 févr. 2018, n° 16-24.231

08/02/2018

1. Le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, représentant une entreprise opposée à son comité d’entreprise, avait obtenu un arrêt important de la cour d’appel de Versailles du 22 juillet 2016 (n° 15/04436) refusant de se conformer à la jurisprudence de la Cour de cassation sur la référence au compte 641 pour déterminer la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la subvention pour les activités sociales et culturelles du comité d’entreprise.

La cour d’appel avait jugé que "que la référence aux DADS apparaît plus claire et adaptée pour constituer la masse salariale brute, base de calcul des deux subventions du comité d'entreprise" en se fondant :

  • d’une part, sur le fait que "la référence à la déclaration annuelle des salaires pour le calcul de l'assiette des cotisations sociales (ou DADS) apparaît conforme au principe de l'adéquation du montant des subventions au nombre de salariés présents dans les sociétés et ayant vocation à bénéficier de ces subventions" ;
  • d’autre part, sur le fait que "la référence au compte 641 du plan comptable général, s'avère moins pertinente comme le soulèvent à raison les sociétés appelantes, car elle suppose d'exclure certains postes, ce qui revient en définitive, comme démontré ci-après, à un montant équivalent aux salaires bruts figurant dans la DADS, laquelle, comme cela a été dit, n'inclut déjà pas ces postes".

2. Le comité d’entreprise ayant formé un recours en cassation contre cet arrêt, la Chambre sociale a profité de cette affaire pour abandonner sa jurisprudence sur le compte 641 par une décision du 7 février 2018 (n° 16-24.231) rendue sous la présidence du président Jean-Yves Frouin, au rapport de Laurence Pecaut-Rivolier.

Elle l’a fait de façon spectaculaire par une autocritique de sa jurisprudence en considérant "que l'évolution de la jurisprudence, qui a exclu de l'assiette de référence du calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles diverses sommes figurant au compte 641 mais n'ayant pas la nature juridique de salaires, conduit à priver de pertinence le recours à ce compte pour la mise en œuvre des dispositions des articles L.2325-43 et L.2323-86 alors applicables du Code du travail".

Après avoir rappelé le principe selon lequel "sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise comme de la contribution aux activités sociales et culturelles, s'entend de la masse salariale brute constituée par l'ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale".

Elle en a déduit que "c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a refusé d'intégrer dans la masse salariale brute les provisions sur congés payés, les indemnités légales et conventionnelles de licenciement et les indemnités de retraite, ainsi que les rémunérations versées aux salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, toutes sommes qui ne figurent pas dans la déclaration annuelle des données sociales de l'entreprise".

3. Le président Jean-Yves Frouin avait indiqué, lors d’un colloque, que la jurisprudence sur le compte 641 avait été inspirée par un ancien comptable membre de la Chambre sociale et que, depuis son adoption, la chambre avait pris conscience qu’elle avait fait une erreur.

Désormais, le critère pertinent pour définir la masse salariale est la DADS.

Les dispositions de l’ordonnance Macron destinées à contrer explicitement cette jurisprudence ont sans doute conduit la chambre à profiter de l’arrêt de la cour de la d’appel de Versailles pour opérer un revirement de jurisprudence.

L’intérêt majeur de cette décision est que, comme tout revirement de jurisprudence, elle a une portée rétroactive et est donc applicable à toutes les affaires pendantes sur cette question, même si la Chambre sociale a réservé l’hypothèse d’un "engagement plus favorable" qui peut prendre soit la forme d’un accord collectif, soit la forme d’une décision expresse et délibérée de l’employeur correspondant à une pratique constante.

Compte tenu de ce caractère rétroactif, il conviendra d’étudier, avec les entreprises ayant versé une subvention calculée sur la base du compte 641, les possibilités d’un recours en restitution des sommes trop-perçues par le comité d’entreprise, dans la limite, naturellement, des règles de prescription.