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Caractère abusif de la clause entravant la contestation des factures

Un non-professionnel peut se prévaloir de ce caractère abusif

18/02/2020

Après avoir reconnu de façon inédite la qualité de non-professionnel d’une coopérative de consommation, la cour d’appel de Paris retient le caractère abusif de la clause subordonnant la contestation d’une facture au paiement de 90 % de son montant et au respect d’un délai impossible.

Rappels : champ d’application et effets des textes encadrant les clauses abusives

Selon l’article L. 212-1 du Code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Ces clauses abusives sont réputées non écrites (art. L. 241-1 C. cons.)

Ces dispositions sont applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels (art. L. 212-2 C. cons.).

Le contexte de l’affaire

Une société civile coopérative de consommation gérant la restauration d’une résidence pour seniors avait conclu un contrat de prestations de service avec une société spécialisée dans la restauration collective.

Condamnée par le Tribunal de grande instance à la suite de diverses factures impayées, elle se prévalait en appel de sa qualité de non-professionnel pour invoquer le caractère abusif et non écrit de la clause relative à la contestation des factures qui avait pour effet d’entraver sensiblement toute possibilité de contestation.

Avant de se prononcer sur le caractère abusif de cette clause, la cour d’appel de Paris devait déterminer si la coopérative pouvait être qualifiée de non-professionnel et ainsi se prévaloir de la règlementation consumériste sur les clauses abusives.

La reconnaissance inédite de la qualité de non-professionnel des sociétés coopératives de consommation

Après avoir rappelé que l’article liminaire du Code de la consommation, issu de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, définit le non-professionnel comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles » - ce qui permet d’inclure les personnes morales ne poursuivant aucun but lucratif - la cour d’appel de Paris a estimé que la société civile coopérative de consommation avait la qualité d’un non-professionnel (CA Paris, 5 septembre 2019, n° 17/02353).

En effet, cette société coopérative avait pour objet la restauration avec services, la vente de tous produits alimentaires, tous services de nature à faciliter la vie quotidienne des résidents et à fournir à ceux-ci des loisirs et des distractions. Elle avait aussi en charge la répartition du coût de ces produits entre les coopérateurs et le recouvrement de ce coût ; elle n’exerçait pas son activité à titre lucratif mais uniquement dans le but de satisfaire les besoins alimentaires de ses associés.

La cour d’appel de Paris étend ainsi, de manière inédite à notre connaissance, le champ de la réglementation sur les clauses abusives aux sociétés coopératives de consommation. Ces dernières, régies notamment par la loi du 7 mai 1917 et la loi n° 47-1775 du 10 septembre 2017, ont pour but de « vendre à leurs adhérents les objets de consommation qu’elles achètent ou fabriquent », de sorte qu’elles n’exercent pas leurs activités à des fins lucratives mais « dans le but de satisfaire les besoins alimentaires de leurs associés ».

Si la reconnaissance de la qualité de non-professionnel se conçoit aisément pour les coopératives de consommation, la question se pose quant à sa transposition aux autres types de coopératives telles que les coopératives de détaillants dans lesquelles les membres poursuivent une activité commerciale.

Le caractère abusif de la clause portant sur la contestation des factures

La clause litigieuse subordonnait la contestation des factures mises à la charge de la coopérative au paiement préalable de 90% de leur montant d’une part, et au respect d’un délai de contestation de 30 jours à compter de l’établissement des factures d’autre part.

La cour d’appel de Paris a estimé que cette clause présentait un caractère abusif dans la mesure où elle entravait la contestation des factures car :

  • le paiement préalable était rédhibitoire pour l’exercice de toute contestation ;
  • en prévoyant un délai de contestation ayant pour point de départ la date de la facture et non la date de son envoi ou de sa réception, la société prestataire pouvait priver sa cocontractante de la possibilité de contester la facture en l’adressant postérieurement à l’expiration du délai imparti pour la contester.

En effet, l’article R. 212-2 du Code de la consommation présume abusives, sauf à ce que le professionnel rapporte la preuve contraire (clauses grises), les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur (ou le non-professionnel).

La clause litigieuse devait donc être réputée non écrite, faute pour le prestataire d’avoir rapporté la preuve de l’absence de tout caractère abusif, comme le prévoit l’article L. 241-1 précité.


Actualité du droit de la concurrence : 

Cet article a été publié dans notre Lettre Concurrence/Economie de mars 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Elisabeth Flaicher-Maneval
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Paris