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Comment être ou ne pas être imposé sur des distributions occultes ?

21/09/2009

Le rehaussement des résultats d'une société de capitaux ne se limite pas à un complément d'impôt sur les sociétés : les bénéficiaires sont imposables sur les sommes réputées appréhendées. Faute de pouvoir les identifier, l'administration exige de la société qu'elle dénonce les bénéficiaires, sous peine d'une lourde amende. Cela étant, ces désignations ne sont pas "ipso facto" opposables à ces bénéficiaires.

1 - L'étendue de la notion de distribution occulte

L’assiette des revenus distribués par les sociétés soumises à l’IS en France est déterminée par les articles 109 et suivants du Code général des impôts (CGI).

Aux termes de l’article 109-1 1°, sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices qui ne sont pas mis en réserves ou incorporés au capital. Selon les dispositions de l’article 110 du CGI, ces bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’IS. Ils comprennent ainsi ceux résultant d'un rehaussement effectué par l’administration fiscale.

La masse des revenus distribués comprend aussi toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (CGI, art. 109-1 2°).

Aux termes de l’article 111-c du CGI : " sont notamment considérés comme revenus distribués… les rémunérations et avantages occultes… ". Il ressort de la jurisprudence que l’article 111-c du CGI constitue une base légale autonome par rapport à celles des articles 109-1 et 110 du CGI, susceptible d’être invoquée par l’administration même lorsque les exercices sociaux sont déficitaires, si bien que les avantages en cause sont considérés comme des revenus distribués, qu’ils soient ou non prélevés sur des bénéfices (CE, Plénière, 26 avril 1985, n° 40799 ; CAA Paris, 6 avril 1993, n° 91-699, Metaleurop). Il s’ensuit que les dispositions de l’article 111-c du CGI peuvent toujours être invoquées pour fonder l’imposition de la distribution, résultant notamment d'une d’insuffisance ou d’une absence de facturation d’un bien ou d’un service (CE, 10 août 2005, n° 275983 ; CE, 6 février 1984, n° 20325).

Or, l’administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de substituer une base légale (ici, l'article 111-c du CGI) à celle qui a été primitivement invoquée pour justifier le bien-fondé d’une imposition, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable d’une garantie de procédure. Il ne peut lui être fait utilement grief d’invoquer tardivement ce fondement (CE, 9 février 1977, n° 85633).

2 - La nécessaire désignation des bénéficiaires par la société

Lorsque l'administration procède à un rehaussement portant sur des résultats désinvestis, et donc réputés distribués, l'entreprise est invitée à désigner les bénéficiaires dans un délai de trente jours en application de l’article 117 du CGI.

Les sociétés et autres personnes morales passibles de l’IS qui versent ou distribuent des revenus à des personnes dont elles ne relèvent pas l’identité sont soumises à une pénalité de 100% prévue à l’article 1759 du CGI (qui peut être ramenée à 75% lorsque l’entreprise fait spontanément figurer dans sa déclaration de résultat les sommes en cause). C’est donc dans son propre intérêt, afin d’échapper à l’application mécanique d’une lourde pénalité, que la société procède à la désignation des bénéficiaires de distributions irrégulières lorsque l’administration l’y invite.

Le fait que la société conteste le bien-fondé du rehaussement effectué par l’administration ne la dispense pas de désigner les bénéficiaires de la distribution présumée (CE, 27 juillet 1984, n° 16580).

On relève aussi que les dispositions de l’article 117 du CGI, qui ont pour objet d’inciter la personne morale à désigner le bénéficiaire des distributions présumées afin d’échapper à l’application de la pénalité prévue à l’article 1759 du CGI, n’ont ni pour effet ni pour conséquence de contribuer à l’incrimination de la personne morale et ne méconnaissent donc pas le principe reconnu par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme de ne pas avoir à contribuer à sa propre incrimination (TA Versailles, 14 juin 2005, n° 04-3019).

3 - Hypothèse d’un bénéficiaire non-résident

Lorsque la distribution est réputée s’effectuer au profit d’un contribuable établi hors de France, la distribution est susceptible d’entraîner l’application de la retenue à la source visée aux articles 119 bis, 2 et 187 du CGI, alors même que les résultats imposables de la société distributrice seraient demeurés déficitaires. Et il ressort même d’un arrêt récent que les bénéfices réputés distribués résultant de l’absence de facturation de prestations de recherche effectuées par l’établissement stable français d’une société britannique au profit d’une filiale allemande du groupe peuvent être taxés sur le fondement des dispositions combinées des articles 109-1 1° et 119 bis, 2 du CGI (TA Paris, 18 juillet 2008, n° 02-8642, BP France).

4 - Hypothèse d'une auto-désignation par le dirigeant de la société

Lorsque le dirigeant d’une société se désigne lui-même comme le bénéficiaire des distributions, la preuve de l’appréhension des sommes par ce bénéficiaire est réputée établie et l’administration conserve uniquement la charge de prouver, en cas de litige, l’existence et le montant des distributions correspondant aux redressements opérés (CE, Section, 8 novembre 1974, n° 83219 ; CE, 13 décembre 1989, n° 63599 ; CE, 6 décembre 2006, n° 255492).

Et dès lors que la personne désignée, mais non signataire du courrier de désignation, conteste être le bénéficiaire de la distribution présumée, il incombe alors à l’administration d’apporter la preuve de l’appréhension effective par l’intéressé des revenus imposés à son nom.

La question s’est posée de savoir si la réponse faite par l’avocat d’une société à une demande de désignation du bénéficiaire des distributions occultes, non contresignée par le dirigeant, faisait jouer la présomption de l’appréhension de ces distributions prévue par l’article 117 du CGI. Le juge a répondu par la négative dès lors que l’avocat n’a été mandaté par ce contribuable qu’en sa qualité de gérant pour représenter la société dans le cadre de la procédure d’imposition et que la lettre ne comporte pas la signature dudit gérant qui conteste être le bénéficiaire de cette distribution (CE, 31 décembre 2008, n° 296472, Multari). En l’occurrence, le Conseil d’Etat a considéré que le mandat signé par le dirigeant en tant que représentant de la société ne permettait pas de conclure que ce dirigeant avait également mandaté l’avocat pour le représenter personnellement comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées. Cette question de droit n’était pas évidente (et la solution retenue préserve les intérêts du contribuable) puisque, il faut le rappeler, les avocats qui déclarent agir pour le compte d’un contribuable ont la possibilité de représenter celui-ci au cours de la procédure d’imposition sans avoir à justifier du mandat écrit (CE, 5 juin 2002, n° 227373, Brandeau et avis CE, 5 juin 2002, n° 242862, Touati).

L'administration apporte toutefois la preuve de l'appréhension des revenus distribués au profit du dirigeant dès lors qu'elle démontre que celui-ci est le seul maître de l'affaire en en tant que gérant et associé détenteur de la quasi totalité des parts sociales. Dans ce cas, l'administration est fondée à imposer entre les mains de l'intéressé la totalité des recettes non portées dans la comptabilité sociale, TVA incluse (Arrêt Multari, précité).

En conclusion, une société qui subit des rectifications de son résultat imposable conduisant à la constatation de revenus irrégulièrement distribués aura souvent intérêt à désigner des bénéficiaires à titre conservatoire, même si elle conteste le bien-fondé des rectifications, ceci afin d’éviter la lourde pénalité visée à l’article 1759 du CGI. Dès lors que cette désignation n’est pas contresignée par le bénéficiaire désigné, l’administration supporte alors la charge de prouver tant le bien-fondé des rehaussements effectués que l’appréhension effective des somme par la personne ainsi désignée.

Article paru dans la revue Option Finance du 25 mai 2009


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Mr. Patrick Philip