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Contrôle URSSAF

Quand une erreur de destinataire entraîne l’annulation de la procédure

18/09/2019

De l’envoi d’un avis de contrôle à l’établissement d’une mise en demeure, la procédure de contrôle des entreprises par les URSSAF fourmille de règles de procédure dont la méconnaissance est susceptible d’entraîner l’annulation des opérations de contrôle ou de la mise en demeure. Il en est une dont les contours sont difficiles à appréhender : l’obligation d’adresser les courriers à « l’employeur ». 

Avis de contrôle, lettre d’observations, mise en demeure de l’URSSAF : quel destinataire pour quel document ?

Destinataire de l’avis de contrôle et de la lettre d’observations : de « l’employeur » au représentant légal de la société

Toute opération de contrôle effectuée par une URSSAF est précédée, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l'agent chargé du contrôle, de l'envoi d'un avis de contrôle (CSS, art. R. 243-59).

Cet avis constitue un élément déterminant de la procédure de contrôle puisqu’il permet au cotisant de connaître la date de début du contrôle et de préparer sa défense.

Afin que le cotisant puisse exercer ses droits, encore faut-il qu’il soit réellement en mesure de prendre connaissance de l’avis dans le court délai entre sa réception et la date du contrôle. Il est ainsi essentiel que l’avis soit correctement adressé par l’URSSAF au destinataire identifié par le Code de la sécurité sociale.

Pendant longtemps, les textes se sont contentés d’indiquer que l’avis de contrôle devait être adressé à « l’employeur ».

Un contentieux nourri s’est développé autour de cette notion, d’où il ressortait essentiellement que l’avis de contrôle devait être adressé exclusivement à la personne qui est tenue en sa qualité d’employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l’objet du contrôle (Cass. 2e civ., 6 novembre 2014, n° 13-23.433).

Dans les entreprises à établissements multiples, il en résultait une situation confuse : en fonction de la répartition des obligations, en particulier en matière de traitement de la paie, « l’employeur » pouvait être constitué par l’établissement où est situé le siège social ou par un ou plusieurs établissements secondaires.

Dans une affaire en date du 4 mai 2017, la Cour de cassation a eu l’occasion de mettre en évidence certains critères permettant de déterminer l’employeur tenu aux obligations de paiement des cotisations et contributions sociales (Cass. 2e civ., 4 mai 2017, n° 16-14.144). Dans cette affaire, était ainsi qualifié d’employeur le siège social de la société (correspondant également à l’établissement principal) :

  • qui assurait le traitement de la paie du personnel de l’entreprise ;
  • et qui procédait au paiement des cotisations sociales.

Ces principes étaient entièrement transposables s’agissant de la lettre d’observations qui devait être adressée à « l’employeur » à l’issue du contrôle, ainsi qu’à la réponse de l’URSSAF aux observations du cotisant faisant suite à la lettre d’observations (CSS, art. R. 243-59).

À l’occasion d’une réforme globale de la procédure de contrôle URSSAF, le Gouvernement a entendu définir précisément le destinataire des différents courriers que l’organisme de recouvrement doit adresser au cotisant contrôlé.

C’est ainsi que, depuis le décret du 8 juillet 2016 (n° 2016-941), l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale prévoit :

  • que l’avis de contrôle est adressé « au représentant légal de la personne morale contrôlée et envoyé à l’adresse du siège social de l’entreprise ou le cas échéant à celle de son établissement principal » ;
  • et que la lettre d’observations est adressée « au représentant légal de la personne morale contrôlée ».

Force est néanmoins de constater qu’un document essentiel manque à l’appel : la mise en demeure de régulariser le paiement des cotisations.

Destinataire de la mise en demeure de l'URSSAF : un flou persistant

La mise en demeure est l’aboutissement du contrôle URSSAF : c’est l’acte préalable à toute action ou poursuite, qui cristallise les débats et sur lequel les Commissions de recours amiable des URSSAF et les magistrats ont le plus souvent à se prononcer.

Au même titre que l’avis de contrôle et la lettre d’observations, il est capital que la mise en demeure soit adressée au bon destinataire afin de pouvoir pleinement déployer ses effets.

L’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale prévoit que toute action ou poursuite est précédée d’un avertissement ou d’une mise en demeure « invitant l’employeur à régulariser sa situation dans le mois ».

Avant la réforme du 8 juillet 2016, il était possible de faire un parallèle avec la notion d’employeur telle que définie par la jurisprudence s’agissant de l’avis de contrôle et de la lettre d’observations.

Ainsi, s’agissant de contrôles opérés avant l’entrée en vigueur de la réforme, la Cour d’appel de Nancy a très récemment jugé que « le destinataire de l'avis de contrôle, de la lettre d'observations et de la mise en demeure doit être tenu, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions » (CA Nancy, 5 juillet 2019, n° 19/00160).

Depuis la réforme susvisée, aucun texte n’est venu préciser la notion d’employeur s’agissant de l’envoi de la mise en demeure.

Deux thèses s’affrontent désormais s’agissant du destinataire de la mise en demeure :

  • dans un esprit de cohérence, il pourrait être soutenu que la mise en demeure doit, de la même façon que l’avis de contrôle et la lettre d’observations, être adressée au représentant légal de la personne morale contrôlée et envoyée à l’adresse du siège social de l’entreprise ou le cas échéant à celle de son établissement principal. Pour autant, le Gouvernement ne s’est pas saisi de la possibilité qui était sienne d’ajouter cette précision à l’occasion du décret du 8 juillet 2016 ;
  • mais on pourrait tout aussi bien arguer du fait qu’en l’absence de précision apportée par le législateur ou par le Gouvernement, il incombe au juge d’apprécier la notion d’employeur, comme il l’a fait par le passé. Si cette seconde solution était confirmée sous l’empire du décret du 8 juillet 2016, il en résulterait que la mise en demeure, en fonction des circonstances propres à chaque entreprise, ne doit pas nécessairement être adressée au siège social de l’entreprise ou à son établissement principal.

Ces principes étant dégagés, il est essentiel de s’interroger sur les conséquences pratiques de leur non-respect sur la validité des opérations menés par les URSSAF.

Destinataire erroné, annulation assurée ?

La dynamique du contrôle URSSAF repose sur une délicate balance entre les prérogatives d’intérêt général dévolues aux organismes de recouvrement et les droits fondamentaux du cotisant, au premier rang desquels figurent les droits de la défense et le principe du contradictoire.

La conséquence directe en est que le non-respect des règles de procédure destinées à garantir les droits du cotisant entraîne la nullité de l’intégralité des opérations de contrôle ainsi que de tous les actes subséquents, dont une éventuelle mise en demeure, sans que le cotisant n’ait à démontrer l’existence d’un grief (Cass. 2e civ., 3 avr. 2014, n° 13-11.516 ; Cass. 2e civ., 10 oct. 2013, n° 12-26.586).

Tel est le cas de l’envoi irrégulier d’un avis de contrôle (Cass. 2e civ., 6 nov. 2014, n° 13-23.433) ou d’une lettre d’observations, dans la mesure où un envoi irrégulier équivaut à une absence de lettre d’observations.

S’agissant de la mise en demeure, l’envoi à un destinataire erroné conduit à la nullité de la seule mise en demeure, ainsi que l’a récemment jugé la Cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 5 juillet 2019, n° 19/00160).

Au regard de l’importance de ces conséquences pour le cotisant, il est fortement recommandé de vérifier systématiquement le destinataire de chaque courrier adressé par l’organisme contrôleur.


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