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Créances de loyers antérieures au redressement judiciaire du preneur

Conditions de résiliation du bail commercial

18/10/2019

Un arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 4 juillet 2019 vient rappeler qu’il n’est pas possible de poursuivre une procédure en résiliation du bail commercial pour des créances antérieures à un jugement d’ouverture de procédure collective.

Le principe : la neutralisation de la clause résolutoire à l’ouverture de la procédure collective

Lorsque le preneur bénéficie d’une procédure collective, la clause résolutoire d’un bail commercial n’est acquise que si elle été constatée par une décision de justice passée en force jugée avant la date d’ouverture (Cass. 3e civ., 18 septembre 2012, n°11-19.571 ; Cass. 3e civ., 26 mai 2016, n° 15-12.750).

La présente espèce

Comme cela arrive malheureusement fréquemment, le titulaire d’un bail commercial s’était placé sous le bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire au cours de la procédure d’appel interjetée à l’encontre d’une décision de première instance qui avait constaté l’acquisition de la clause résolutoire.

À la suite de l’arrêt d’un plan de redressement, la procédure d’appel interrompue avait été reprise, ce qui avait conduit la Cour d’appel à constater l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion du locataire.

La solution retenue par l’arrêt commenté

La 3e chambre civile a censuré la Cour d’appel sur le fondement de l’article L.622-21 du Code de commerce, qui prévoit le principe d’interruption des poursuites, en rappelant, sous la forme d’un attendu de principe que « la clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges n'est définitivement acquise avant l'ouverture de la procédure collective du preneur qu'en vertu d'une décision de justice passée en force de chose jugée avant la date d'ouverture ; qu'en l'absence d'une telle décision, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail » (Cass. 3e civ., 4 juillet 2019, n° 18-16.453).

Les conséquences de l’arrêt commenté :  sans clause résolutoire définitivement acquise, les compteurs sont remis à zéro

Au regard de la décision du 4 juillet 2019, dès lors que la décision qui avait constaté l’acquisition de la clause résolutoire n’était pas passée en force de chose jugée, la Cour d’appel ne pouvait pas considérer que le bail pouvait être résilié sur ce fondement.

En d’autres termes, pour qu’une telle décision soit efficace malgré l’ouverture postérieure d’une procédure collective, il convient qu’elle ne soit plus susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Si elle est susceptible d’un tel recours, la décision devient efficace à l'expiration du délai du recours si celui-ci n'a pas été exercé (art. 500 du Code de procédure civile).

À défaut, l’acquisition de la clause résolutoire ne pourra être obtenue que pour les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, lesquelles, en application de l’article L. 622-17 du Code de commerce, doivent être payées à leur échéance.

Le bailleur devra donc agir sur le fondement de loyers et charges impayés pour la période postérieure au jugement d’ouverture.

L’inapplicabilité de ce principe à l’action en résiliation du bail commercial pour inexécution d’une obligation de faire

L’article L.622-21 du Code de commerce ne vise que la demande en paiement d'une somme d'argent. En conséquence, ce principe ne s’applique pas si la sommation visant la clause résolutoire a été délivrée non pour le défaut de paiement de sommes dues au titre du bail mais sur le fondement d’une inexécution d’une obligation de faire (Cass. com., 11 avril 1995, n° 93-12.093 ; Cass. com., 15 octobre 1999, n° 96-21.745 ; Cass. com., 16 octobre 2007, n° 06-16.713 ; Cass. com., 28 octobre 2008, n° 06-20.862).

En application de l’article L.622-23 du Code de commerce, il conviendra, pour poursuivre la procédure de résiliation à l’encontre du débiteur au cours de la période d’observation, de mettre en cause le mandataire judiciaire et l’administrateur lorsqu’il a une mission d’assistance.

L’applicabilité de ce principe au seul bail commercial

Enfin, ce principe pourrait s’expliquer par la possibilité pour les juges saisis d’une demande de délais, de suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, sur le fondement du second alinéa de l’article L.145-41 du Code de commerce, qui ne vise que les baux commerciaux.

Cela justifierait que ce principe ne s’applique pas :

  • au crédit-bail (Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-15.678 ; Cass. 3e civ., 7 mai 1997, n° 95- 15.504 ; Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-23.997) ;
  • au bail à construction (Cass. 3e civ., 11 mai 1988, n°86-19.563 ; Cass. 3e civ., 28 janvier 2004, n° 01-00.893) ;
  • au bail dérogatoire de l’article L.145-5 du Code de commerce (CA Versailles, 29 novembre 2011, n° 10/09025).
 
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Lire également : Le juge des référés n’a pas le pouvoir de prononcer la résiliation d’un bail


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Cet article a été publié dans notre Lettre des baux commerciaux de novembre 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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