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Deux ans de jurisprudence sur la prescription biennale

Baux commerciaux et paiement des loyers

24/10/2018

Afin de limiter le contentieux entre le locataire commercial et son bailleur, l’article L.145-60 du Code de commerce institue un bref délai de prescription de deux années.

Cette prescription biennale n’a toutefois pas l’apanage de toutes les actions mettant en jeu un bail commercial. Elle est limitée aux actions fondées sur le statut des baux commerciaux c’est-à-dire sur les articles L.145-1 à L.145-60 du Code de commerce.

À titre illustratif, sont soumises à la prescription biennale :

Si l’article L.145-60 du Code de commerce est explicite quant à son domaine d’application, il reste toutefois silencieux sur le régime du délai de prescription qu’il instaure. Le recours au régime de droit commun de la prescription extinctive s’impose donc naturellement (art. 2219 et s. du Code civil).

Pour autant, l’application de ces règles à la prescription biennale nécessite quelques adaptations compte tenu des spécificités inhérentes au bail commercial. C’est dire à quel point le rôle de la jurisprudence est important en la matière comme en témoignent les décisions rendues au cours de ces deux dernières années à propos du point de départ de la prescription biennale et des évènements qui en affectent le cours.

Le point de départ de la prescription biennale

Loyer du bail renouvelé

Point névralgique de la relation locative, le renouvellement du bail commercial est à l’origine d’un abondant contentieux concernant le point de départ de l’action en fixation du loyer du bail renouvelé. Sur cet aspect, la Cour de cassation a posé deux principes.

Le premier fixe le point de départ du délai de prescription à la date de prise d'effet du nouveau bail. Cette règle s’applique en cas de congé avec offre de renouvellement signifié par le bailleur (Cass. 3e civ., 8 janvier 1997, n° 95-12.060) et en cas d'acceptation du principe du renouvellement par le bailleur avant la date de prise d'effet du nouveau bail (Cass. 3e civ., 3 novembre 2016, n° 15-19.598 ; Cass. 3e civ., 7 septembre 2017, n° 16-17.174).

Le second fixe ce point de départ à la date d'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement lorsque le nouveau bail a pris rétroactivement effet avant cette date (Cass. 3e civ., 29 novembre 2006, n° 05-19.736). Précisons à cet égard que l’acceptation peut être expresse ou tacite à défaut pour le bailleur d'avoir fait connaître ses intentions dans le délai de trois mois à compter de la demande de renouvellement (art. L.145-10 al. 4 du Code de commerce).

Indemnité d’éviction

Le locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu'au paiement de cette indemnité (art. L.145-28 du Code de commerce).

Sur ce point, la Cour de cassation a récemment rappelé qu’il résulte des articles L.145-28 et L.145-60 du Code de commerce que le locataire qui entend demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit agir avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. Le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction ne vaut à cet égard pas reconnaissance de ce droit à indemnité. En outre, lorsque l'action en paiement de l'indemnité d'éviction est prescrite, le locataire ne peut plus se prévaloir, fût-ce par voie d’exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire (Cass. 3e civ., 30 mars 2017, n° 16-13.236 ; V. aussi CA Paris, 22 mars 2017, n° 15/03290).

Indemnité d’occupation

S’il dispose d’un droit au maintien dans les lieux tant que l’indemnité d’éviction ne lui a pas été versée, le locataire évincé demeure toutefois redevable d’une indemnité d’occupation en contrepartie de la jouissance des locaux (art. L.145-28 du Code de commerce). L’action en paiement de cette indemnité d’occupation est soumise à la prescription biennale contrairement à l’action en paiement de l’indemnité d’occupation due par l’occupant sans droit ni titre, qui se prescrit quant à elle par cinq ans (Cass. 2e civ., 26 janvier 2017, n° 16-10.235).

Selon la Cour de cassation, le délai de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation prévue à l’article L.145-28 ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d'une indemnité d'éviction. Doit donc être cassé l’arrêt qui, pour déclarer prescrite l'action en paiement de l'indemnité d'occupation, retient que, le bailleur ayant exercé son droit de repentir, le délai de prescription biennale de son action en paiement de l'indemnité d'occupation a couru à compter du lendemain de la date d'expiration du bail (Cass. 3e civ., 18 janvier 2018, n° 16-27.678 ; V. aussi Cass. 3e civ., 15 décembre 2016, n° 15-23.508).

Le cours de la prescription biennale

Suspension du délai

La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru (art. 2230 du Code civil). Aux termes de l’article 2239 du Code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès jusqu’au jour où la mesure a été exécutée.

En application de ce texte, la Cour de cassation a jugé qu’une ordonnance de référé ayant accueilli une demande d’expertise en vue d’évaluer le montant de l’indemnité d’éviction avait pour effet de suspendre le délai de prescription biennale prévu à l’article L.145-60 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 6 juillet 2017, n° 16-17.151).

Interruption du délai

Contrairement à la suspension, l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait donc courir un nouveau délai de même durée que l'ancien (art. 2231 du Code civil). En matière de fixation du loyer de renouvellement, la prescription biennale est interrompue par la notification du mémoire préalable par l’une ou l’autre partie (décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 33). Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 novembre 2016 (Cass. 3e civ., 3 novembre 2016, n° 15-19.598).

La Cour de cassation a également eu l’occasion de rappeler que le point de départ de la prescription de la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial se situe à la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs (Cass. 3e civ., 14 septembre 2017, n° 16-23.590 ; V. aussi Cass. 3e civ., 17 novembre 2016, n° 15-12.136 ; CA Paris, 24 janvier 2017, n° 16/07440). Cette solution signifie qu’en matière de requalification, le renouvellement du bail n'emporte pas interruption du délai de prescription (CA Bordeaux, 19 décembre 2017, n° 15/03233).


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Cet article a été publié dans notre Lettre des baux commerciaux d'octobre 2018. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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