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Echange automatique d’informations : La tentation d’une nouvelle norme internationale entre efficacité et morale

08/07/2013


L’Assemblée nationale a été saisie le 17 avril dernier d’une proposition de loi visant à « instaurer plus de transparence dans les relations bancaires avec les étrangers et à lutter contre l’évasion fiscale » inspirée de la législation américaine Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA). Cette initiative intervient dans un contexte où l’échange automatique d’informations à des fins fiscales est présenté comme une priorité.

L’Assemblée nationale a été saisie le 17 avril dernier d’une proposition de loi visant à « instaurer plus de transparence dans les relations bancaires avec les étrangers et à lutter contre l’évasion fiscale »(1) inspirée de la législation américaine Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA). Cette initiative intervient dans un contexte où l’échange automatique d’informations à des fins fiscales est présenté comme une priorité.

I. Renforcer l’échange automatique d’informations

A. Mise en œuvre de FATCA au niveau européen

La législation américaine FATCA qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014 renforce le régime existant dit Qualified Intermediary mis en place en 2001. Son objectif est de permettre à l’Etat américain d’imposer l’ensemble des revenus mondiaux des contribuables américains via les renseignements fournis par les institutions financières étrangères tenant leurs comptes. Sont visés les versements de source américaine afférents à des intérêts, dividendes, salaires, primes et, plus généralement, tout revenu présentant un « caractère fixe, déterminable, à échéance annuelle ou périodique ».

Le Gouvernement américain a publié en 2012 deux modèles d’accord bilatéral permettant de mettre en œuvre cette nouvelle législation. Suivant le premier modèle, les institutions financières remettent l’ensemble des renseignements aux autorités administratives de leur Etat d’implantation qui les transmet ensuite à l’IRS. La France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Amérique, ont adopté cette approche le 8 février 2012 en vertu d’une déclaration commune. Dans ce modèle, la collaboration s’appuie sur les conventions fiscales bilatérales existantes permettant ainsi un échange automatique réciproque avec les Etats-Unis. Le deuxième modèle, adopté par exemple par la Suisse, prévoit que les institutions financières d’un pays signataire de l’accord s’enregistrent auprès de l’IRS pour lui communiquer directement les renseignements concernés.

C’est dans ce contexte que les institutions européennes ont déclaré dernièrement leur volonté commune de renforcer l’échange automatique d’informations.

B. Mise en place d’un « FATCA européen » ?

Le 2 mars 2012, le Conseil européen a invité les institutions législatives européennes à prendre au plus vite des moyens concrets pour améliorer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. En réponse à ces demandes, la Commission a présenté en décembre son plan d’action. Actuellement, la coopération entre les administrations fiscales des Etats membres passe par l’utilisation de deux instruments juridiques européens, la directive épargne et la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

La directive épargne(2) pose pour principe l’imposition des intérêts dans l’Etat de résidence du bénéficiaire effectif, ce qui est permis par un échange automatique d’informations. Son champ d’application est limité aux intérêts des créances. Le renforcement de l’échange automatique d’informations devrait passer par la révision de la directive annoncée le 22 mai dernier, actuellement en discussion devant le Conseil européen.

Depuis 1977(3) existe un mécanisme d’assistance mutuelle entre Etats membres dans le domaine de la fiscalité directe. Révisé dans le cadre d’une nouvelle directive en 2011(4), il repose notamment sur un système d’échange automatique d’informations impliquant « la communication systématique, sans demande préalable, d’information prédéfinies, à intervalles réguliers préalablement fixés, à un autre Etat membre ». Ces informations sont celles figurant dans les dossiers fiscaux de l’Etat membre qui les communique et consultables conformément aux procédures de collecte et de traitement des informations applicables dans cet Etat. Sont visées les personnes physiques et morales, les associations de personnes auxquelles est reconnue la capacité d’accomplir des actes juridiques et toutes autres entités possédant ou gérant des actifs, qui sont soumis à un des impôts relevant de la directive(5). Cette modalité d’échange devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2015 pour cinq catégories de revenus et de capital : revenus professionnels, jetons de présence, produits d’assurance sur la vie non couverts par d’autres directives, pensions ainsi que propriété et revenus de biens immobiliers. Le Conseil de l’Union européenne a opté pour une approche progressive en permettant à la Commission, à l’appui d’un rapport à remettre avant le 1er juillet 2017, d’étendre la liste des revenus couverts aux dividendes, plus-values et redevances.

Le 9 avril dernier, les Etats signataires du modèle d’accord bilatéral mettant en œuvre la législation FACTA ont exprimé leur souhait de voir ce type d’échange étendu aux autres Etats membres. Dès le 22 mai suivant, le Président de la Commission a annoncé la proposition de modification de la directive de 2011 en vue d’élargir le champ d’application du mécanisme d’échange automatique d’informations, publiée le 16 juin.

II. La déclaration d’étendre l’échange automatique d’informations

A. Echange recouvrant une gamme complète de revenus

La proposition d’aménagement de la directive de 2011 vise à accélérer l’extension de son champ d’application. Ainsi est-il prévu que l’échange automatique d’informations concernera, à compter du 1er janvier 2015, les dividendes, les plus-values, tout montant pour lequel l’établissement financier est l’obligé ou le débiteur, y compris les rachats, et les soldes des comptes. Toutefois, la condition de disponibilité des informations applicable pour les revenus actuellement couverts par la directive ne devrait pas s’appliquer aux nouveaux éléments visés.

Cette extension de la directive de 2011 permet un recours aux systèmes informatiques déjà en place, ce qui évite des surcoûts. Elle permet surtout de garantir au niveau de l’Union européenne une approche cohérente et harmonisée de l’échange automatique d’informations. La directive de 2011 contenant des règles minimales, rien n’empêche les Etats membres d’établir une coopération administrative plus étendue en vertu d’accords bilatéraux ou multilatéraux. Ainsi, dès lors qu’un des Etats membres accepte en application d’accords particuliers de communiquer des renseignements sur des catégories de revenus autres que celles fixées par la directive, il ne pourrait refuser d’appliquer cette coopération étendue à d’autres Etats membres. Dans ce contexte, le champ d’application de la directive pourrait être élargi pour y inclure les éléments visés par la législation FATCA. La demande d’instauration d’un « FATCA européen » formulée par la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, a été prise en compte. L’ambition européenne ne s’arrête pas là, l’échange automatique d’informations est déclaré « nouvelle norme internationale »(6), en combinant des mesures européennes et mondiales, ce qui est un vaste chantier à mettre en œuvre.

B. Promotion de l’échange automatique d’informations en norme internationale

L’échange de renseignements est ancien. La première convention conclue par la France le 12 août 1843 avait pour seul objet l’échange d’informations avec la Belgique. La possibilité d’échanger certaines informations a été consacrée par l’article L.114 du Livre des procédures fiscales autorisant la France à échanger des renseignements avec l’ensemble des Etats ayant conclu avec elle une convention d’assistance réciproque en matière d’impôts.

Les conventions fiscales sont en majorité inspirées du modèle de convention OCDE. Son article 26 établit une obligation d’échange d’informations qualifiées de vraisemblablement pertinentes et nécessaires à l’application de la convention et à celle de la législation interne des Etats signataires. D’autres instruments juridiques permettent un tel échange comme les accords bilatéraux fondés sur le modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale élaboré par le Groupe de travail du Forum mondial sur l’échange de renseignements.

Un autre instrument de coopération i, internationale fiscale a été : la convention relative à l’assistance administrative mutuelle signée entre les pays membres de l’OCDE et du Conseil de l’Europe, amendée par le Protocole de 2010 et publiée le 10 juin 2011. Le 29 mai dernier, douze pays ont signé cette convention. La convention couvre l’échange automatique d’informations et nécessite un accord préliminaire des parties prêtes à employer ce type d’échange de renseignements.

L’OCDE joue donc un rôle important dans la promotion de la transparence en matière fiscale. Lors du Sommet de Lough Erne, le 18 juin dernier, a été remis aux dirigeants des pays du G8 un rapport intitulé « un tournant pour la transparence fiscale » dans lequel sont proposées quatre étapes pour instaurer « un système multilatéral sécurisé et efficace en termes de coûts d’échange automatique de renseignements fiscaux ».

L’échange automatique d’informations a donc été déclaré cause prioritaire par les institutions européennes et mondiales. L’Assemblée nationale française a, de son côté, voté le 21 juin dernier en faveur de l’amendement gouvernemental prévoyant qu’à partir de 2016 tout pays n’ayant pas pris l’engagement de conclure un accord permettant l’échange automatique d’informations sera automatiquement inscrit sur la liste noire des Etats et territoires non-coopératifs. Le Gouvernement français conseille donc aux contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger de se mettre au plus vite en conformité avec la législation fiscale, dans les conditions définies dans la circulaire du 21 juin, « Traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l’étranger », à défaut de quoi des pénalités seront appliquées.

III. Commentaire

Nous assistons à un foisonnement de textes et de déclarations, dans lesquels le contribuable peut avoir quelque mal à se retrouver. Trop d’accords sur un même sujet sont-ils, in fine, gage d’efficacité ? Leurs auteurs et promoteurs doivent aussi s’assurer qu’il n’y ait pas de doublons. Dès lors que plusieurs institutions ou cénacles s’emparent de ce sujet avec des méthodologies variées, il serait judicieux que les coûts et le temps générés soient pris en compte, car ils sont à la charge des contribuables et des Etats. La cohérence des textes doit également être assurée, ce qui constitue un exercice compliqué. Ce mouvement international est légitime ; il n’en demeure pas moins que si les Etats se placent dans une perceptive budgétaire et d’efficacité, une retenue à la source telle que celle prévue actuellement pour l’Epargne est vraisemblablement la solution la plus efficace, car l’encaissement est immédiat et il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre des moyens importants et fastidieux pour identifier les personnes récalcitrantes. Cette solution ne devrait pas être négligée, mais l’heure semble plutôt à la morale qu’à l’efficacité financière.


1. Proposition de loi visant à instaurer plus de transparence dans les relations bancaires avec les étrangers et à lutter contre l’évasion fiscale, N°962, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2013

2. Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts

3. Directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977 concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs

4. Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/99/CEE

5. Il s’agit de tout type d’impôt et taxe prélevé par un Etat membre sauf la taxe sur la valeur ajoutée, les droits de douane, les droits d’accises et les cotisations sociales obligatoires.

6. Conclusions de Conseil européen, 22 mai 2013, CO EUR 7 CONCL 5

 
Article paru dans la revue Option Finance du 8 juillet 2013

Auteurs

Portrait dePierre-Sébastien Thill
Pierre-Sébastien Thill
Associé
Paris