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Élections professionnelles : premières précisions sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats

24/03/2017

TI Châteauroux, 23 févr. 2017, n°11-17-000053

Dans son volet relatif à la valorisation des parcours professionnels des élus et des titulaires d’un mandat syndical, la loi du 17 août 2015 (n° 2015-994) relative au dialogue social et à l’emploi a introduit un dispositif impératif de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats aux élections professionnelles.

Les articles L. 2314-24-1, pour l’élection des délégués du personnel, et L. 2324-22-1, pour l’élection du comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel (DUP), prévoient ainsi que :

« Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-24 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. […]
Le présent article s'applique à la liste des délégués titulaires [ou des membres titulaires du comité d’entreprise] et à la liste des délégués [ou de ses membres] suppléants ».

Entrées en vigueur au 1er janvier 2017, ces dispositions suscitent déjà certaines interrogations, notamment dans le cas où leur application littérale contraint les organisations syndicales à ne présenter sur leur liste que des candidats d’un même sexe.

L’employeur ne pouvant lui-même apprécier la validité des listes électorales qui lui sont soumises, seul le juge de l’élection est compétent pour se prononcer sur le respect de la représentation équilibrée (C. trav., art. L. 2314-25 et L. 2324-23).

C’est précisément dans cette situation que le tribunal d’instance de Châteauroux a été saisi d’une demande d’annulation de l’élection d’un membre titulaire de la DUP et de deux de ses membres suppléants. Il s’agit, à notre connaissance, de la première décision judiciaire sur le sujet

Dans cette affaire, deux sièges titulaires et deux sièges suppléants étaient à pourvoir pour le collège « cadres ». Le protocole d’accord pré-électoral fixait comme suit les proportions femmes/hommes au sein de ce collège : 77 % de femmes / 23 % d’hommes.

Pour l’entreprise, compte tenu de ces proportions et des dispositions de l’article L. 2324-22-1, aucun des deux sièges à pourvoir ne pouvait in fine revenir à un homme. Elle a ainsi sollicité l’annulation de l’élection :

  • d’un homme, unique candidat de la liste des titulaires FO ;
  • de deux hommes, candidats de la liste CFDT de la liste des suppléants CFDT.

En effet, l’article L. 2324-23 dispose que « la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2324-22-1 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ».

En premier lieu, le tribunal d’instance rejette logiquement la demande d’annulation de l’élection de l’homme titulaire, présenté comme candidat unique sur la liste FO puisqu’il résulte clairement des dispositions de l’article L. 2324-22-1 que :

  • d’une part, elles s’appliquent aux listes de candidats et non, comme le soutenait l’entreprise, aux sièges à pourvoir ;
  • d’autre part, elles ne s’appliquent qu’aux listes « qui comportent plusieurs candidats ».

En second lieu, le tribunal d’instance annule l’élection des deux hommes candidats de la liste présentée par la CFDT au titre des membres suppléants de la délégation unique du personnel dans le collège « cadres ». Il considère que :

  • la liste comportant deux candidats, elle entrait dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 2324-22-1 ;
  • compte tenu de la proportion femmes/hommes du collège « cadres » et des règles d’arrondi, une liste à deux candidats ne pouvait comporter que deux femmes.

En outre, le tribunal rappelle qu’en application du nouvel article L. 2324-10, cette annulation ne donne pas lieu à l’organisation d’élections partielles.

Ainsi, si la solution retenue par le tribunal est strictement conforme à la lettre du texte, elle met en lumière un potentiel effet pervers du texte qui permettrait aux organisations syndicales de présenter volontairement une liste à candidat unique afin de contourner le dispositif. Pour autant, ce risque nous paraît relativement limité, puisque, ce faisant, le syndicat renoncerait à la possibilité d’avoir plusieurs élus au sein de l’instance concernée.

À cet égard, il est particulièrement intéressant de remarquer que, dans cette affaire, c’est l’employeur qui a saisi le tribunal afin de faire annuler l’élection des représentants. En faisant preuve de vigilance, l’entreprise trouve ainsi un rôle à jouer dans la détermination de la composition de ses institutions représentatives du personnel.

Enfin, il convient de souligner que le jugement ayant fait l’objet d’un pourvoi, ces questions seront prochainement tranchées par la Cour de cassation.