A deux reprises, le Conseil d’Etat a considéré que la simple contestation d’un droit de propriété ou d’une autorisation de l’assemblée générale de copropriétaires n’empêchait pas de justifier la qualité pour demander une autorisation d’urbanisme.
L’attestation de la qualité du demandeur : un régime déclaratif
Pour rappel, l’obligation de justifier d’un titre habilitant le pétitionnaire à déposer une demande d’autorisation d’urbanisme a disparu depuis la réforme de 2007, le régime étant depuis déclaratif.
La demande de permis de construire comporte une attestation du ou des demandeurs indiquant qu'ils remplissent les conditions pour déposer une demande de permis (article R. 431-5 du code de l’urbanisme). La liste des personnes habilitées à déposer une demande est fixée à l’article R. 423-1. En dehors de ces cas, l’autorisation délivrée à une personne qui ne dispose pas de la qualité requise est illégale, sous réserve de régularisation.
L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire s’assure simplement - au titre de la complétude - que l’attestation a été fournie. Elle n’a pas à vérifier l’exactitude de l’attestation. Le permis contesté pour défaut de contrôle de l’attestation ne peut être annulé sur ce fondement (CE, 19 juin 2015, n° 368667, Publié).
Le garde-fou du régime déclaratif : la manœuvre frauduleuse
La fraude tempère les conséquences du défaut de contrôle de l’exactitude de l’attestation.
En effet, lorsque l’autorité compétente dispose au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de l’attestation ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif (CE, 23 mars 2015, n° 348261, Publié).
Deux décisions rendues par le Conseil d’Etat au premier semestre 2020 apportent des précisions sur cette notion de fraude.
Absence de caractère frauduleux lorsque le demandeur est titulaire d’une promesse de vente non remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l’autorité compétente statue (CE, 12 février 2020, n° 424608).
En l’espèce, la société titulaire d’un permis d’aménager tacite s’est vu retirer ce permis au motif que le conseil municipal avait, postérieurement à sa demande, déclaré caduque la promesse de vente conclue précédemment avec le pétitionnaire.
Selon le Conseil d’Etat, il convient de distinguer, au jour où l’autorité compétente statue, si :
- Le juge judicaire a déjà remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire a présenté sa demande, auquel cas la fraude est présumée puisque l’attestation du pétitionnaire (non régularisée) est contradictoire avec le jugement du juge judiciaire ;
- Le juge judiciaire n’a pas encore remis en cause ce droit, auquel cas, en l’absence de manœuvre frauduleuse, le pétitionnaire est présumé avoir présenté une attestation régulière au jour où l’autorité compétente a statué.
En l’occurrence, la société pétitionnaire se trouvait dans le second cas dès lors qu’à la date de naissance du permis tacite le juge judiciaire était seulement saisi d'une action engagée pour contester la caducité de la promesse de vente. Le moyen tiré de la manœuvre frauduleuse a donc été rejeté.
Une demande de permis de construire concernant un terrain en copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété et que le demandeur en aurait été alerté (CE, 3 avril 2020, n° 422802).
En l’espèce, deux syndicats de copropriétaires ont exercé un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire et un permis modificatif délivré à un propriétaire par la Ville de Paris.
En première instance, le tribunal a jugé que le pétitionnaire d’un permis de construire modificatif se livre à une manœuvre frauduleuse lorsqu’il atteste de sa qualité pour déposer une demande de permis de construire modificatif, alors que l'introduction d'un recours gracieux et d'une requête par l’un des syndicats des copropriétaires contre le permis initial l'avait alerté sur la nécessité d'obtenir au préalable l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.
Le Conseil d’Etat précise :
- Qu’aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente, le dossier étant réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1 ;
- Que le permis est délivré sous réserve du droit des tiers. Ce qui implique que l’autorité administrative vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme et non aux autres réglementations et règles de droit privé. Et aussi que les personnes s'estimant lésées par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peuvent faire valoir leurs droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.
Partant, le Conseil d’Etat considère qu’une contestation portant sur la nécessité d’obtenir l’autorisation préalable de l’assemblée générale de la copropriété ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d'irrégularité la demande d'autorisation d'urbanisme et ne peut être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire.
Dans ces conditions le Conseil d’Etat considère que le tribunal administratif, en caractérisant une fraude, a entaché son jugement d'une erreur de droit. Le pourvoi est néanmoins rejeté sur un autre fondement.
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Cet article a été publié dans notre Lettre Promotion-Urbanisme de Juillet 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.
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