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Indemnité d’éviction du bail commercial

Les frais de réinstallation en cas de perte du fonds

23/10/2019

La Cour de cassation vient de rappeler que le preneur à bail commercial doit être indemnisé de ses frais de réinstallation même si son fonds n’est pas transférable. 

Le principe : la place des frais de réinstallation dans l’indemnité d’éviction du bail commercial

L’article L.145-14 du Code de commerce pose le principe selon lequel, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail doit payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. L’indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Les faits : le refus par le juge d’appel de prendre en compte les frais de réinstallation

En l’espèce, le locataire reprochait notamment à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande de paiement d’une indemnité au titre des frais de réinstallation et d’avoir ainsi limité le montant de l’indemnité d’éviction.

La Cour d’appel avait sur ce point suivi les conclusions de l’expert qui considérait difficile de retenir les frais de réinstallation lors de la perte d’un fonds de commerce qui n’engendre, par définition, aucune réinstallation. Elle avait ainsi rejeté la demande du locataire en relevant que ce dernier n’avait pas utilement soutenu ses prétentions en produisant des décisions qui n’envisageaient que l’hypothèse du remplacement du fonds de commerce ou de son déplacement.

La Cour de cassation casse la décision d’appel (Cass. 3e civ., 11 juillet 2019, n° 18-16.993).

Le principe réaffirmé par la Cour de cassation : le preneur évincé d’un fonds non transférable doit être indemnisé au titre des frais de réinstallation

La Haute juridiction rappelle que le bailleur est tenu d’indemniser des frais de réinstallation le preneur évincé d’un fonds non transférable, sauf s’il établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds. Elle critique donc la Cour d’appel pour ne pas avoir recherché si le bailleur rapportait la preuve que le locataire ne se réinstallerait pas dans un autre fonds.

Cette décision est dans la droite ligne de celle rendue le 21 mars 2007 (Cass. 3e civ., 21 mars 2007, n° 06-10.780), décision qui avait clos le débat en reconnaissant le droit à indemnité pour frais de réinstallation même en cas de perte de fonds alors que, jusque-là, cette indemnité n’était accordée que pour des fonds transférables. Peu importe que le locataire ne remplace pas ou ne déplace pas le fonds de commerce évincé. La perte du fonds de commerce dont le locataire est évincé n’est pas le critère retenu pour écarter le droit à une indemnité de réinstallation. Le seul critère à prendre en compte est celui de la réinstallation du locataire, même par la création d’un nouveau fonds, étant précisé que cette réinstallation est présumée. Il appartient donc au bailleur qui veut se dispenser de payer une indemnité de réinstallation d’apporter la preuve que cette réinstallation n’aura pas lieu (Cass. 3e civ., 18 décembre 2012, n° 11-23.273 ; Cass. 3e civ., 12 janvier 2017, n° 15-25.939).

La jurisprudence relative aux frais de réinstallation dus au locataire évincé : un courant qui laisse le temps au temps…

Considérant qu’il pouvait être difficile pour un bailleur de prouver l’absence de projet de réinstallation du locataire au moment de la fixation de l’indemnité d’éviction, mais que cette preuve serait plus aisée quelques temps plus tard, la cour d’appel de Paris a fait preuve de pragmatisme en jugeant, dans une autre affaire, que le locataire ne pourrait pas prétendre à des indemnités de remploi et de réinstallation faute de prouver, sous un délai de six mois à compter de la signification de l’arrêt, sa réinstallation effective (CA Paris, 7 juin 2017, n° 15/09238).

Mais, à supposer l’indemnité versée, une récente décision de la Cour de cassation vient d’ouvrir aux bailleurs un nouvelle voie. La Cour a en effet jugé le 28 mars 2019 que l’autorité de la chose jugée ne pouvait pas être opposée lorsque des évènements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice. Une Cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision en admettant l’action en répétition des indemnités de remploi, pour trouble commercial et pour frais de déménagement engagée par le bailleur à l’encontre de son ancien locataire, dès lors qu’aucune réinstallation n’était intervenue (Cass. 3e civ., 28 mars 2019, n° 17-17.501 ; voir notre commentaire de cette décision « Fixation du montant de l’indemnité d’éviction : précisions sur la notion d’autorité de la chose jugée »). En l’espèce, l’indemnité d’éviction avait été fixée par une décision d’appel du 17 juin 2010 et aucune réinstallation n’était intervenue en 2015, les deux exploitants du fonds de commerce évincés ayant entretemps fait valoir leurs droits respectifs à la retraite.

L’enseignement à tirer de ces décisions est, pour le bailleur, de solliciter la subordination de l’allocation et de l’exigibilité de certaines indemnités accessoires de l’indemnité d’éviction à la réinstallation du locataire évincé. Quand bien même serait-il condamné à les payer sans délai, son recours en répétition de l’indu n’en sera ultérieurement que mieux entendu.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des baux commerciaux de novembre 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Brigitte Gauclere