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Le droit pénal du travail à l'épreuve des discriminations

12/06/2006

C'est au législateur social que revient l'initiative d'avoir défini dès 1956 une infraction dite de « prise en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale» d'un salarié par son employeur, qui est venue doubler les sanctions civiles consécutives à la violation d'une interdiction actuellement formulée à l'article L. 412-2 du Code du travail laquelle protège avant toute chose le simple militantisme syndical, les degrés supérieurs d'engagement de la personne dans l'exercice de cette « liberté-riposte » donnant lieu à d'autres protections civiles et pénales, notamment pour ces dernières, par le fameux délit d'entrave aux institutions représentatives élues et syndicales au niveau de l'entreprise ou du groupe1.

Le droit pénal de la discrimination s'est ensuite constitué par strates successives alors que, parallèlement, des règles non-répressives visant à lutter contre le même phénomène prenaient de l'ampleur sous l'impulsion du droit communautaire, le point culminant de ce développement correspondant très certainement à la transposition, par la loi du 16 novembre 2001, des deux directives 2000/43/CE du 29 juin 2000 et 2000/78/CE du 27 novembre 2000.

Même, si le contentieux pénal est explicitement exclu, par les directives elles-mêmes, du champ des normes qu'elles posent notamment en ce qui concerne les dispositions aménageant la charge de la preuve, incompatibles en l'état avec la présomption d'innocence, on ne saurait ignorer l'influence indirecte qui fût la leur dans le domaine répressif, puisque c'est par la même loi que seront introduits différents dispositifs à incidence pénale2 et que sera enrichie la liste des motifs illicites énoncée à l'article 225-1 du Code pénal. Ceci a fait de ce dernier texte le plus complet de tous s'agissant de l'identification des critères de la discrimination, même si comme on le verra plus loin, l'approche subséquente des agissements punissables peut ne pas traduire, aux yeux du spécialiste de droit du travail, la même volonté de ne rien laisser hors de portée de la répression.

Aujourd'hui, ces règles pénales envisagées dans leur ensemble forment un arsenal très impressionnant. Mais, on pourrait aussi leur appliquer l'image d'une formidable armée qui attend l'arme au pied, l'ordre de marche d'un chef fort discret.

Jusqu'à présent, en effet, ni les parquets ni les autres acteurs de terrain, syndicats et associations, ne semblent avoir fait autre chose que d'envoyer quelques éclaireurs pour dévisager de plus près l'adversaire3 .

L'adversaire qui, pour le juge pénal, et pour lui-seul4 se présente comme un acteur conscient de ses actes, initiant à l'échelle individuelle ou collective, pour tous motifs ou pour certains seulement, un traitement différentiel entre les personnes, par définition préjudiciable à celles qui appartiennent aux groupes vulnérables.

C'est peut-être ce « profil pénal » dont l'élément moral des délits concernés constitue le miroir, par l'exigence qu'il pose d'une intention prouvée chez l'auteur des faits, qui explique au moins en partie la difficulté à laquelle on assiste depuis maintenant plusieurs années, à voir se généraliser l'action répressive, donnant l'impression d'un décalage croissant entre le discours et les actes, créant également de façon pernicieuse chez les rares prévenus de discrimination directe le sentiment d'être des «boucs-émissaires», payant pour les autres.

Mais au-delà du renforcement progressif de la volonté collective de rejeter cette manière de cancer social que constitueraient des discriminations n'appelant qu'une faible réaction, deux facteurs de nature plus institutionnels nous paraissent devoir renouveler la donne et dynamiser la lutte par le droit, y compris si nécessaire grâce à la sanction pénale. Le premier est en apparence très éloigné du sujet. Il tient en l'émergence d'un nouveau responsable pénal, la personne morale, titulaire notons-le de la qualité d'employeur et socle patrimonial de l'entreprise y compris dans sa dimension sociale. Il n'est pas déplacé de se demander si au lendemain de la suppression du principe de spécialité, qui maintenait cette nouvelle responsabilité pénale dans un statut quasi expérimental et l'empêcherait d'accéder à une cohérence d'ensemble, certains secteurs du droit pénal comme celui de la discrimination ou du harcèlement ne vont pas devenir beaucoup plus présents en même temps qu'ils pourraient fournir l'occasion d'un renouveau de la réflexion sur les conditions d'engagement d'une telle responsabilité.

Le second facteur, tient en l'apparition d'une nouvelle autorité administrative indépendante dédiée à la prévention et à la lutte contre les discriminations dont des prérogatives pénètrent largement dans le champ de la «matière pénale», la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) créée par la loi du 30 décembre 2004 et dont les pouvoirs viennent d'être renforcés par celle du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances5.

Le procès pénal relatif à la discrimination mérite en conséquence d'être observé aussi bien à travers les mécanismes qui commandent la détermination des responsables, au rang desquels il faut désormais placer les personnes morales, qu'en tenant compte de ce nouvel acteur institutionnel qu'est la HALDE, dont les politiques et les initiatives procédurales pourraient fort bien modifier assez rapidement la manière dont la question a été jusqu'ici abordée par les Tribunaux (II).

Mais cette approche de l'action répressive ne dispense pas de revenir à titre préalable sur un aspect plus classique du sujet qui est celui des incriminations intéressant la discrimination et des définitions dont elle sont porteuses (I).
Lorsqu'on aborde le sujet par le prisme des relations du travail, par quoi faut-il commencer ? Par les incriminations qui siègent dans le Code du travail et qui font figure de droit spécial ou par l'incrimination du Code pénal, nécessairement plus large dans son champ d'application, mais qui inclut néanmoins de façon très explicite des discriminations ne pouvant se commettre qu'en entreprise à l'encontre de salariés ?

Cette alternative est-elle purement formelle, parce que les prévisions des deux codes se superposeraient totalement, ou offre-t-elle au contraire une clef de compréhension à l'interprète, parce qu'en dépit de la réécriture des textes, il demeure entre eux des rapports de hiérarchie voire de concurrence ?

Pour des raisons techniques qui apparaîtront plus avant, il n'est pas possible de faire l'économie d'une approche en deux temps et l'examen du droit spécial s'impose en préalable.

A- Les discriminations réprimées par le Code du travail

Même limitées à la sphère des relations employeurs-salariés, les dispositions répressives que ce Code consacre à la discrimination ne sont pas générales et concernent essentiellement deux catégories de comportements : ceux qui opèrent une différence de traitement à partir de l'appartenance ou de l'activité syndicale et ceux qui consacrent cette même différence en considération du sexe ou de la situation de famille du salarié. Aucune unité n'existe entre ces deux séries de règles dont on peut aisément constater qu'elles sont issues de temps différents de l'histoire sociale française et qu'elles consacrent des régimes répressifs assez largement hétérogènes, notamment au niveau des peines.

1 - L'article L. 412-2 du Code du travail déjà cité interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement. L'utilisation de l'adverbe notamment permet de considérer que cette énumération déjà très complète des comportements prohibés n'est pas donnée comme limitative, ce qui autorise le juge pénal à l'enrichir ou à l'adapter à l'évolution des modes de gestion de la main d'oeuvre, sans qu'on puisse objecter qu'il méconnaîtrait en procédant ainsi le principe d'interprétation stricte de la loi pénale6.

La lecture du texte permet également de comprendre que la réalisation de l'infraction s'effectuera essentiellement au travers d'actes positifs, mesures ou décisions, y compris refus de tel ou tel avantage, qui supposent la détention de tout ou partie du pouvoir institutionnel dans l'entreprise. Pour cette raison et bien que les textes précités ne l'indiquent pas expressément, le délit de discrimination anti-syndicale paraît ne pouvoir être commis que par le chef d'entreprise ou l'un de ses délégataires munis des prérogatives le plaçant en situation d'accomplir les actes de gestion à l'occasion desquels une différence de traitement porte préjudice à un salarié en raison de son militantisme.

Mutatis mutandis, la même remarque va s'appliquer aux autres infractions de discrimination prévues soit par le Code du travail (discrimination sexiste) soit même, ainsi qu'on le verra plus loin, par le Code pénal, ce qui ne laisse pas d'être plus surprenant7.

Pour le pénaliste du travail, l'article L. 412-2 est un repère essentiel car jusqu'à présent, dans son domaine d'étude, le contentieux de la discrimination s'est surtout développé à propos des activités syndicales, formant ainsi un large mouvement convergent avec le contentieux prud'homal ce qui explique du même coup le rôle important joué par les organisations syndicales en tant qu'acteurs de la procédure dans le cadre de l'action civile dite «générale» prévue par l'article L. 411-11 du Code du travail, lequel leur permet de se constituer partie civile pour toute atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

La jurisprudence répressive constituée à partir de l'application de ce texte apporte en conséquence différentes précisions tant en ce qui concerne les éléments constitutifs du délit de la prise en considération de l'activité syndicale que sur les particularités du débat judiciaire relatif à la preuve pénale de la discrimination.

S'agissant de l'élément moral de l'infraction de nature nécessairement intentionnelle, il a ainsi été jugé que la non attribution d'une prime exceptionnelle aux salariés ayant participé à une grève déclenchée par les organisations syndicales ne permettait pas de caractériser de façon irréfutable cette intention délictueuse dès lors que la distribution de la prime était justifiée par le surcroît de travail exigé de ses bénéficiaires en vue de maintenir la nécessaire ponctualité de livraisons intéressant la santé publique8. En d'autres termes, le comportement de l'auteur des faits doit obéir de façon univoque à la volonté de porter atteinte à la liberté syndicale, mais, nuance intéressante, cette volonté n'a pas pour autant à être exclusive, le délit sera constitué dans son élément moral même si la discrimination anti-syndicale n'a pas été le seul motif des mesures prises9.

Ainsi une sanction disciplinaire infligée à un délégué syndical pour fait de grève illicite alors qu'il est le seul sanctionné parmi les grévistes, caractérise la discrimination punissable dès lors que le lien entre la sanction prononcée et l'appartenance syndicale se trouve établi, même si la sanction peut apparaître fondée en soi10.

De même encore, en présence de la suppression ou de la réduction d'une gratification destinée à récompenser le mérite du personnel, il incombe aux juges du fond de déterminer si les mesures de défaveur constituées en l'espèce relativement à une telle gratification ont été discriminatoirement motivées par l'activité syndicale de ceux qu'elles ont frappés ou si elles n'ont pas été exclusivement inspirées par d'autres considérations11.

S'agissant de l'élément matériel du délit, celui-ci est susceptible de prendre de multiples formes dont les plus aisées à décrire consistent en une décision ou un comportement ponctuel, ce qui va conférer à l'infraction un caractère instantané. Cet élément sera ainsi présent dans le fait d'écarter la candidature à un poste d'avancement d'un salarié en invoquant un manque de disponibilité consécutif à une fonction représentative12. De même, commettra le délit l'employeur qui licencie deux militants syndicaux, futurs candidats, à une fonction de délégué du personnel, en ayant connaissance des démarches des entreprises par leur syndicat auprès de l'inspecteur du travail dans le but d'obtenir une dérogation aux conditions d'ancienneté exigées par la loi13.

Quant au licenciement d'un salarié ordinaire, sans mandat de représentation et sans protection particulière provoqué par son appartenance ou ses actions syndicales, il tombe sans conteste, bien qu'une telle témérité soit rare, sous le coup de l'incrimination14.

Mais l'élément matériel du délit recouvre parfois aussi un ensemble d'agissements qui en rendent l'identification plus délicate parce que difficilement situables dans le temps. Il s'agit tout particulièrement du ralentissement de la carrière du militant syndical et de la moindre progression de sa rémunération lesquels ne peuvent souvent être constatés qu'après plusieurs années de collaboration.

Après avoir examiné à plusieurs reprises cette situation15 la chambre criminelle de la Cour de cassation a pris, par un arrêt du 9 novembre 2004, à nouveau position sur les conditions de la répression de ce type de discrimination très important en pratique si on en juge par le contentieux prud'homal le concernant16. Elle censure les juges du fond qui avaient cru pouvoir relaxer un employeur, après avoir constaté que, sur une période de trois ans, les salariés concernés avaient bénéficié d'une promotion se situant dans la moyenne du tableau de comparaison établi par l'inspecteur du travail. La Haute juridiction considère au contraire que la Cour d'appel aurait dû procéder à une étude comparative des salaires et coefficients des représentants du personnel et des autres salariés de l'entreprise à diplôme équivalent et à même ancienneté. Cette importante décision exprime d'abord nous semble-t-il le ralliement de la Cour de cassation à la méthode comparative et le caractère à ses yeux déterminant d'une évolution défavorable de la carrière ou de la rémunération par rapport à une moyenne calculée à partir d'un panel de référence17 .

A partir de ce constat objectif, ce sera à l'employeur de prouver que cette évolution défavorable n'est pas liée à des motifs discriminatoires, ce qui rapproche fortement, dans cette hypothèse, le raisonnement du juge pénal de celui du juge social18. Mais on doit aussi souligner que par l'arrêt du 9 novembre 2004, la Chambre criminelle prend ses distances avec la qualification du délit de l'article L. 412-2 du Code du travail en tant qu'infraction instantanée. La Cour d'appel, dont la décision est censurée, avait considéré qu'en l'espèce l'élément matériel de la discrimination se caractérisait par une série de décisions négatives à l'intérieur de la période concernée, laquelle correspondait au délai de prescription triennale des délits. Il n'y avait donc pas lieu pour les juges du fond de remonter dans le temps au-delà du point de départ de ce délai, ce qui donnait une importance décisive à la promotion dont certains salariés avaient bénéficiée. Tout au contraire, pour la Cour de cassation, il aurait fallu, comme l'inspecteur du travail l'avait fait dans son procès-verbal, partir de la date d'embauche, ce qui impliquait que l'on considère l'infraction comme ayant un caractère continu et que l'on fasse courir le délai de prescription de l'action publique seulement à partir de la constatation des faits par le fonctionnaire du travail.

2 - Ainsi qu'on l'a dit, le Code du travail contient une autre incrimination spéciale qui concerne cette fois la discrimination sexiste et dont la vie juridique se déroule sans grand rapport avec l'infraction précédente alors qu'il s'agit néanmoins de concourir à la protection des mêmes valeurs d'égalité et de dignité de la personne. Ce second délit, dont les peines sont prévues à l'article L. 152-1-1 dudit Code réprime dans les relations de travail toute discrimination fondée sur le sexe et la situation de famille à partir d'une énumération des comportements interdits figurant à l'article L. 123-1.

Là encore, on peut relever au passage une grande richesse dans la description de l'élément matériel de l'infraction qui tranche, comme on le verra, avec la méthode employée par le législateur dans l'incrimination générale du Code pénal. La prohibition porte en effet non seulement sur le fait de mentionner ou de faire mentionner dans une offre d'emploi, quel que soit le type de contrat de travail, le sexe ou la situation de famille du candidat recherché, mais également sur le fait de refuser d'embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d'un salarié en considération du sexe ou de la situation de famille ou sur la base de critères de choix différents, selon le sexe ou la situation de famille. La prohibition porte enfin sur le fait de prendre en considération du sexe toute mesure notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation de qualification, de classification de promotion professionnelle ou de mutation19.

Cette amplitude de l'élément matériel, là encore assortie du caractère purement énonciatif des comportements visés, trouve cependant une limite explicite dans l'article L. 123-1 lui-même, dont le premier alinéa réserve expressément le cas où l'appartenance à l'un ou l'autre sexe est la considération déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle. Un décret du 25 mai 1984 (art. R. 123-1 C. trav.) a prolongé cette disposition de principe en déterminant de façon limitative les emplois et activités concernés.

La jurisprudence, par contraste avec le cas précédent, n'offre que quelques rares illustrations de la condamnation d'un employeur du chef de cette dernière infraction. Ainsi, par un arrêt du 23 octobre 1990 la Chambre criminelle a décidé, à propos du refus opposé à la demande de mutation d'une salariée qui souhaitait rejoindre son conjoint, que cet acte d'autorité constituant un refus d'embauche discriminatoire au sens de l'article L. 123-1 b précité20

On peut s'interroger sur cette extrême discrétion du contentieux pénal propre à cette dernière discrimination dont la présence remonte déjà à bien des années puisqu'elle est issue de la loi du 13 juillet 1983 mettant en oeuvre la directive européenne du 9 février 1976 sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Son champ d'application a même été étendu à la violation des articles L. 140-2 à L. 140-4 du Code du travail relatifs aux inégalités de rémunération entre sexes, selon lesquels tout employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou pour un travail de valeur égale l'identité de rémunération entre les hommes et les femmes. Certes l'acteur syndical est, en France, moins présent sur ce type d'inégalité mais on pouvait s'attendre à un relais associatif, l'article 2-6 du Code de procédure pénale, permettant aux associations déclarées depuis au moins 5 ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour des discriminations fondées sur le sexe, les moeurs ou la situation de famille lorsque les poursuites sont exercées sur le fondement des articles L. 123-1 du Code du travail ou 225-2 du Code pénal, lequel envisage les mêmes discriminations. B - Les discriminations réprimées par le Code pénal

Précisément, ce n'est pas la moindre originalité du droit pénal français que de réprimer à partir du droit commun les mêmes discriminations qu'à partir du droit spécial sans qu'on puisse détecter en outre l'esquisse d'une articulation entre les deux corpus. Mais, nonobstant cette absence de coordination, peut-on néanmoins se rassurer en découvrant les principes rationnels d'une complémentarité entre incriminations, ou doit-on faire le constat d'un total éparpillement ?

Dans sa dernière version enrichie par la loi du 16 novembre 2001 et par celle du 23 mars 2006, l'article 225-1 du Code pénal est porteur d'une énumération très complète des motifs discriminatoires, mise en harmonie avec celle d'autres dispositions non-répressives issues de la transposition des directives communautaires de l'année 2000, tel que l'article L. 122-45 du Code du travail.

Cette énumération est formulée comme suit : «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille de l'état de grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée».

Sans aucunement remettre en cause le principe même de la démarche du législateur français consistant à faire entrer dans une énumération sanctionnée par des peines identiques un maximum de motifs susceptibles de fonder une différence de traitement illicite, on peut formuler au passage quelques appréciations plus critiques. D'abord le risque d'une perte de cohérence d'une incrimination désormais susceptible d'application dans des situations extrêmement variées, ne serait-ce que dans l'entreprise. Il est assez apparent que des différences de compréhension immédiate du motif peuvent surgir dans la mise en oeuvre du texte, conduisant alors à une certaine relativité des solutions jurisprudentielles sur des motifs tels que l'âge, l'apparence physique ou le patronyme.

En revanche, d'autres motifs, comme le sexe, la situation de famille ou les activités syndicales sont d'une compréhension plus aisée ce qui aurait pu conduire à un effort de définition légale plus poussée sur les premiers, faute de quoi le juge pénal sera vraisemblablement confronté à une tâche de délimitation initiale du motif, quant à sa signification même, qui n'est pas vraiment de son office21 .

Mais, revenant au fil principal de notre propos, on soulignera le contraste existant entre cette richesse notionnelle quant aux motifs illicites et la relative étroitesse qui caractérise l'approche des comportements susceptibles de constituer l'infraction s'ils sont en relation avec l'un des motifs précités.

En effet, l'article 225-2 du Code pénal, qui a cette fonction, énumère de façon limitative les actes ou décisions susceptibles de tomber sous le coup de la répression et dont on relèvera d'emblée le caractère très réducteur par rapport à ce que peut inclure la gestion des ressources humaines dans la vie d'une entreprise.

Seuls en effet sont visés : le refus d'embauche, la sanction disciplinaire et le licenciement, à quoi sont venus s'ajouter par la suite le fait de subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ainsi que le fait de refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le paragraphe 2 de l'article L. 412-8 du Code de la sécurité sociale.

Il est intéressant de relever que dans l'application qu'ils font de ces différentes notions, les tribunaux adoptent le plus souvent une conception large qui s'écarte éventuellement du sens technique qu'on peut leur attribuer par ailleurs. Ainsi par exemple, à propos de la notion d'embauche, si stratégique en matière de discrimination, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé le 2 septembre 200322 que «le refus par une société recourant aux services d'une entreprise de travail temporaire, de conclure le contrat de mise à disposition prévu par le Code du travail constituait un refus d'embaucher au sens de l'article 225-2 § 3° du Code pénal dès lors qu'il fait obstacle à l'embauche, par l'entreprise de travail temporaire, du salarié visé dans le contrat». Dans une telle hypothèse, qu'on pourrait qualifier de discrimination par ricochet, l'entreprise utilisatrice n'est pas l'auteur d'un « refus d'embauche» au sens strict du terme, son attitude négative à l'égard du salarié peut simplement expliquer qu'aucun contrat d'intérim n'ait été conclu entre celui-ci et l'entreprise spécialisée dans la fourniture de main-d'oeuvre. De même, bien qu'on ne dispose d'aucune jurisprudence sur ce point, il y a tout lieu de considérer que les termes «sanctionner» ou «licencier» ont un sens générique à défaut duquel la volonté du législateur manquerait en partie son but. Ainsi, c'est toute sanction disciplinaire qui devrait être considérée comme visée par le texte qu'elle soit explicite ou implicite, qu'elle ait ou non donné lieu au suivi de la procédure prévue par le Code du travail.

De la même façon, est concernée toute rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur qui se révèlerait être en rapport avec l'un des motifs visés par la loi et pas seulement un licenciement au sens strict du terme. On doit par suite appliquer ce raisonnement à des modes de rupture semi-autonomes tels que la mise à la retraite du salarié ou la prise d'acte consécutive à un comportement de l'employeur ayant poussé le salarié à cette extrémité par volonté de le discriminer.

Le fait justificatif tiré d'un «motif légitime» qui figurait à l'article 416-3 de l'ancien Code pénal ayant été supprimé, il n'est normalement plus possible de justifier la différence de traitement lié à un critère prohibé en dehors des cas énumérés par l'article 225-3 de l'actuel Code et dont certains semblent concerner presque exclusivement les relations employeurs-salariés23. Ainsi, alors même que l'une des mesures ci-avant citées serait prise en considération d'un motif a priori illicite, aucune infraction n'est commise lorsqu'elle correspond à l'une des trois hypothèses suivantes :

  • Lorsque la décision «discriminatoire» est fondée sur l'état de santé et qu'elle correspond à une opération ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité24
  • Lorsque la décision consistant en un refus d'embauchage ou un licenciement repose sur l'état de santé ou le handicap du salarié et qu'elle est fondée sur l'inaptitude médicalement constatée dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail
  • Lorsqu'il s'agit d'un refus d'embauche à raison du sexe du candidat ou de la candidate à l'emploi, si l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue conformément aux dispositions
  • du Code du travail, la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle.

La mise en oeuvre de ces dispositions par les tribunaux est demeurée jusqu'à présent relativement discrète. Mais on est fondé à considérer que la plupart des applications jurisprudentielles antérieures aux dernières réformes restent pertinentes.
C'est ainsi que le 14 octobre 1986, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que l'article 416-3° du Code pénal (en vigueur à l'époque des faits) était applicable à un employeur qui congédie un ouvrier engagé à l'essai quelques jours plutôt en lui délivrant un certificat de travail mentionnant que l'intéressé a donné satisfaction dans son travail mais qu'en raison de sa nationalité, il n'a pas été adopté par le personnel 25 ou encore un employeur qui établit une offre d'emploi en mentionnant «éviter le personnel de couleur»26. De même sous l'empire du nouveau Code pénal, la Chambre criminelle a été amenée à décider sur le fondement de l'article 225-1 dudit Code, que le maintien d'une salariée dans le statut précaire de pigiste en raison de ses activités syndicales constituait une discrimination prohibée27.

Mais les décisions rendues sur le même fondement par les juridictions du fond illustrent parfois également des raisonnements susceptibles de contribuer utilement à l'interprétation de dispositions applicables dans des situations extrêmement variées ne serait-ce qu'au sein de l'entreprise. Ainsi, le 22 novembre 2002, la Cour de Nîmes a jugé que la convention emploi-jeunes visant à recruter un animateur qui «devrait appartenir à une famille issue de l'immigration» constitue une offre d'emploi discriminatoire28.

On en déduira que ce qu'il est convenu d'appeler une «discrimination positive» (ou encore une action positive par traduction de «l'affirmative action» du droit anglo-américain) peut éventuellement tomber sous le coup des textes répressifs dès lors que le juge se rallie à une conception purement objective du principe d'égalité, détachée de toute considération émanant d'un contexte particulier. En vérité, ce n'est pas tant l'élément matériel de l'infraction qui en l'espèce, prête à discussion (une offre d'emploi incluant une condition liée à l'origine du candidat) que son élément moral, lequel est nécessairement de nature intentionnelle. Or cette intention est-elle véritablement caractérisée lorsque, loin de vouloir créer ou aggraver une situation discriminatoire, l'auteur de la mesure incriminée entend lutter contre celle-ci par la mise en place de priorités bénéficiant à une population plus exposée que la moyenne ?

Sur un plan plus classique qui est celui de la discrimination directe à l'embauche, le tribunal correctionnel de Paris a rendu le 22 novembre 2002, dans une affaire fortement médiatisée, un jugement de condamnation à la fois de la personne physique complice des faits de refus d'embauche et de la personne morale pour le compte de laquelle les opérations de recrutement discriminatoires étaient accomplies. Constatant que les différents délégataires du chef d'entreprise, considérés par ailleurs comme les représentants de la personne morale au sens de l'article 121-2 du Code pénal avaient pratiqué durablement une sélection à l'embauche sur des critères de couleur de peau, d'ethnies ou d'origine et qu'aucune des justifications avancées ne résistait à l'examen, le tribunal a prononcé une double condamnation pénale consistant en des amendes (100 jours-amende pour la personne physique et 10 000 Euros pour la personne
morale) ainsi qu'en la publication d'un résumé du jugement dans deux organes de la presse nationale aux frais du condamné(la seule personne morale)29.

Outre l'illustration qu'il fournit de la mise en cause de la responsabilité pénale d'une personne morale employeur pour délit de discrimination, seule poursuivie et condamnée comme auteur principal de celui-ci (alors que la personne physique n'est considérée que comme son complice par aide ou assistance à la politique de sélection discriminatoire de l'entreprise), le jugement précité permet d'apercevoir les limites de l'énumération dont est porteur l'article 225-2 du Code pénal. Ainsi qu'on l'a déjà fait remarquer, il n'est nullement question dans cette énumération de la discrimination par affectation systématique sur certains postes de travail et par exclusion non moins systématique sur d'autres, même si le lien entre cette affectation et l'ethnie ou la couleur de peau est indiscutable. Par conséquent, c'est uniquement d'une façon indirecte, par le constat de refus successifs d'embauche qu'a été mise au jour la politique d'entreprise en matière d'affectation, les premiers n'étant que le moyen d'identifier cette politique puis de la réprimer30.

La méthode a cependant ses limites et elle permet de revenir sur la question centrale de l'articulation entre le Code du travail et le Code pénal. Les motifs discriminatoires réprimés par le premier le sont également par le second sans qu'on puisse parler de superposition car le Code du travail vise des actes plus nombreux, ce qui laisse un rôle important à jouer à l'incrimination spéciale. Complémentarité des deux Codes au moins pour les motifs communs ? On pourrait le penser mais alors, comment expliquer que le régime des peines ne reflète aucunement l'idée ?

La loi du 9 mars 2004 a aggravé les sanctions prévues par le Code pénal par les faits de discrimination visés par celui-ci (3 ans d'emprisonnement et 45000 Euros d'amende s'agissant des personnes physiques). Curieusement le niveau des peines prévues par le Code du travail en réponse aux mêmes discriminations (syndicales et sexistes) reste beaucoup plus faible (3750 Euro et/ou un an d'emprisonnement)31.

Il en résulte une disparité d'approche difficilement compréhensible, laissant à penser que certaines décisions discriminatoires seraient moins graves que les autres parce qu'elles sont envisagées uniquement par le Code du travail (comme le ralentissement de carrière ou la sous-rémunération)32.

A l'inverse, là où la loi du travail fait preuve d'imagination et peut-être d'efficacité au plan des peines, pour le type d'infraction considérée, elle ne sert pas de source d'inspiration au législateur pénal qui semble durablement l'ignorer. Le meilleur exemple est fourni par la discrimination sexiste pour laquelle le Code du travail et lui seul, permet au tribunal de prononcer l'ajournement du prononcé de la peine33. Cette mesure originale, qui comporte injonction à l'employeur de définir après consultation des représentants du personnel, les solutions propres à assurer dans l'entreprise concernée le rétablissement de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, paraît particulièrement adapté au traitement des discriminations les plus graves c'est-à-dire celles qui ont une dimension collective et systémique. Généralisée à tous les motifs discriminatoires elle permettrait au droit pénal de jouer en cette matière un rôle beaucoup plus fort une fois les employeurs prévenus de son éventualité. Elle présenterait en même temps l'intérêt de réserver la peine aux comportements résolument passifs ou non-coopératifs34.

Cantonné jusqu'ici à quelques affaires dans lesquelles les parties civiles individus et groupements ont joué un rôle particulièrement actif35 le procès pénal portant sur la discrimination pourrait à l'avenir devenir plus fréquent par le renforcement des pouvoirs d'investigation et d'initiative procédurale de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Mais la possibilité désormais offerte sans limitation, d'orienter les poursuites vers une personne morale peut aussi concourir à ce résultat, spécialement lorsque le contexte dans lequel se manifeste la discrimination présente une dimension collective comme c'est le cas de l'entreprise et des relations qu'elle entretient avec son personnel. L'infraction offre alors l'occasion de revenir sur les conditions d'engagement de cette nouvelle responsabilité pénale.

B- Généralisation de la responsabilité des personnes morales et imputabilité de la discrimination

L'amendement présenté par le sénateur Fauchon, devenu l'article 54 de la loi du 9 mars 2004 relative à l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, encore appelée «loi Perben II» était porteur d'une modification discrète mais de grande portée pour le droit pénal français. Par retranchement d'un membre de phrase à l'article 121-2 du Code pénal, il a supprimé l'exigence d'un texte précis pour que les personnes morales soient déclarées responsables d'une infraction pénale.

Cette modification est entrée en vigueur le 31 décembre 2005 et, après cette date, toutes les infractions à l'exception des délits relatifs à la presse sont devenus imputables aux personnes morales sans que parallèlement soient retouchées les conditions dans lesquelles les personnes physiques sont mises en cause devant la juridiction répressive36 .

Ainsi qu'on l'a dit, la suppression du «principe de spécialité» était sans doute devenu inéluctable37 , mais cette suppression s'est opérée dans des conditions techniques très discutables puisque près d'un an après la promulgation de la loi aucune mesure complémentaire relative notamment aux peines applicables aux infractions nouvellement imputables n'est intervenue et que le juge saisi des poursuites devra se contenter de la peine d'amende portée au quintuple par application de l'article 131-38 du Code pénal38 .

Cette lacune conduit à consacrer un traitement différentiel entre infractions auquel les délits de discrimination n'échappent pas car si les personnes morales pouvaient déjà être poursuivies sur la base de l'article 225-1 du Code pénal, seules en revanche les personnes physiques répondaient des discriminations syndicales et sexistes prévues par le code du travail. Pour ces dernières infractions désormais imputables, le juge devra se contenter de l'amende portée au quintuple, c'est-à-dire à 18750 Euro maximum soit une somme plus de dix fois inférieure à celle qui s'obtient à partir du Code pénal. A l'incohérence générale s'ajoute celle propre à la discrimination et à la dispersion des textes qui la concerne39.

Si à quelque chose malheur est bon, un tel désordre normatif incite à réfléchir de nouveau sur les conditions spéciales d'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales telles qu'elles sont formulées à l'article 121-2 du Code pénal et pour cela, l'infraction intentionnelle de discrimination n'est pas la moins bonne illustration, singulièrement lorsqu'elle est commise à l'occasion de l'exercice d'une autorité confiée à ceux qu'il est convenu d'appeler des décideurs.

La personne morale paraît suffisamment protégée par la première exigence selon laquelle l'infraction doit être commise par un organe ou un représentant. Au contraire l'acte d'un simple préposé ne l'engage pas. Mais à la suite d'une interprétation jurisprudentielle très hardie, la frontière est devenue ténue entre le préposé et le représentant puisque tout délégataire ou sub-délégataire emprunte la seconde qualité même s'il est dans une position hiérarchique éloignée du coeur décisionnel40.

L'idée vient alors à l'esprit qu'il représente peut-être davantage le chef d'entreprise lui-même que la personne morale41. Nous soutenons toujours que l'assimilation du délégataire pénal à un représentant était inévitable sauf à laisser la délégation se transformer en bouclier juridique au bénéfice des entreprises autorisées par leur taille ou leur structure à y recourir largement42 .

Cependant on voit bien que pour des discriminations liées à l'emploi et à sa gestion l'imputation à la personne morale a surtout du sens lorsque le délégataire dispose en personne de toutes les grandes prérogatives contractuelles ou institutionnelles qui permettent de l'assimiler à un chef d'entreprise dans la partie de celle-ci qui lui a été confiée43. Plus le niveau de pouvoir de celui qui discrimine est élevé plus il est probable que par son comportement il exprime la politique et les habitudes de l'entreprise, c'est-à-dire, le fait qu'il agit pour le compte de la personne morale et non pour satisfaire sa propre conception par hypothèse erronée de la dignité humaine.

Cette seconde condition d'imputation de l'infraction à la personne morale paraît aujourd'hui sous utilisée par les juges. Il est vrai que poussée jusqu'à ses conséquences ultimes elle imposerait, surtout lorsque l'intention pénale est requise, un questionnement sur ce que le comportement de la personne physique révèle de la délinquance de la personne morale. En jurisprudence, l'accent a surtout été mis sur l'exigence inverse d'une nécessaire vérification de ce que l'organe ou le représentant a bien eu conscience de commettre le délit44 point nodal dans une conception de la responsabilité pénale des personnes morales qualifiée d'indirecte ou par ricochet qui se démarque de la thèse de la faute «distincte» soutenue au lendemain du nouveau Code pénal45.

Mais ainsi qu'on l'a observé46 cette solution, qui pousse indirectement au cumul des responsabilités, sera difficile à mettre en oeuvre lorsque la décision illicite émanant de la personne morale est prise par un organe collégial comme un conseil d'administration.

Est-ce un hasard si l'illustration de cette difficulté s'offre dans une affaire jugée par la Chambre criminelle le 11 mai 199947 ou un conseil municipal avait voté un refus discriminatoire de services ce qui a conduit, faute de pouvoir imputer l'infraction à ceux des conseillers municipaux ayant exprimé un vote favorable, a ne retenir que la seule responsabilité de la personne morale ?

Si, dans la généralité des cas il paraît effectivement nécessaire de s'assurer avant de rechercher la responsabilité du groupement que l'organe ou le représentant a bien commis tous les éléments de l'infraction, y compris lorsqu'il s'agit d'une discrimination, pourquoi renoncer à s'interroger ensuite sur ce que révèle en termes de fonctionnement habituellement défectueux ou de politique vicieuse, le comportement ponctuel qui vient ainsi d'être mis au jour ? N'est-ce pas dans ces cas là qu'une responsabilité de la personne morale est la plus justifiée par l'effet correcteur qu'elle peut produire sur la gestion de l'entreprise quitte à «oublier» la personne physique acteur de second rang incarnant une délinquance-reflet ? 48

C - La Halde et l'action pénale

Créée par la loi du 30 décembre 2004 la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est une nouvelle autorité administrative indépendante dont les objectifs sont d'identifier les pratiques discriminatoires, de les combattre et de tenter de résoudre concrètement les problèmes qu'elles posent. Ses prérogatives, importantes dès l'origine, ont été élargies par la loi du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances qui lui a conféré des attributions en matière répressive.

En effet, aux termes de l'article 41 de la loi précitée, lorsqu'elle constate des faits constitutifs d'une discrimination sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du Code pénal, L. 122-45 et L. 123-1 du Code du travail, la Haute autorité peut, si ces faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique, proposer à l'auteur des agissements discriminatoires une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3000 Euro s'il s'agit d'une personne physique et 15000 Euro s'il s'agit d'une personne morale, outre l'indemnisation de la victime s'il y a lieu. Le texte précise que le montant de l'amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne49.

Cette transaction une fois acceptée par l'auteur des faits, ainsi que, s'il y a lieu, par la victime, devra être homologuée par le procureur de la République. En cas de refus de la transaction ou d'inexécution de celle-ci la Haute autorité dispose du droit de mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe.

Tout en étant en retrait par rapport au projet de loi initial qui prévoyait au bénéfice de la HALDE le pouvoir d'infliger directement des sanctions pécuniaires lorsqu'elle aurait constaté des faits constitutifs d'une discrimination directe prohibée par la loi ou par un engagement international, les dispositions ci-dessus donnent à la Haute autorité les moyens d'être un acteur de premier plan dans la lutte contre les discriminations par le droit pénal..

Au moment où nous écrivons ces lignes les textes d'application n'ont pas encore été pris, si bien qu'il est encore trop tôt pour porter un jugement sur l'économie du dispositif ainsi mis en place. On se risquera à faire quelques remarques dont on souhaite qu'elles n'aient qu'une valeur provisoire pour celles qui sont porteuses de critiques.

Tout d'abord, il peut être observé que le champ infractionnel correspondant au domaine de la transaction n'est pas délimitée avec une grande précision car au-delà de la référence au principal délit que traduit le renvoi à l'article 225-2 du Code pénal, à quoi on peut ajouter l'article 432-7 du même Code pour la discrimination dans l'exercice d'une autorité publique - rien n'est dit du délit spécial de l'article L. 412-2 du Code du travail, dont on a pourtant vu qu'il n'était pas un simple doublon, alors que l'article L. 122-45, certes important mais non relié à une quelconque incrimination pénale est cité en référence50.

S'agissant d'autre part du constat de ces discriminations susceptibles de transaction, l'article 41 précité semble en réserver l'exclusivité à la Halde qui par ailleurs se voit doter d'agents assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République à constater par procès-verbal les infractions. Aucun lien n'est établi à ce stade avec la police judiciaire et surtout avec l'inspection du travail dont les membres peuvent, par exception aux principes délimitant leur compétence d'attribution, constater les discriminations correspondant aux § 3 et 6 de l'article 225-2 (ceux qui concernent les relations de travail) du Code pénal51, leurs pouvoirs d'investigation ayant été parallèlement élargis par la loi du 16 novembre 2001 lorsqu'ils sont en recherche de tels faits52. Au moment où la mission de ce corps de fonctionnaires est ainsi réorientée vers la lutte contre les discriminations, et eu égard à la force probante particulière de leurs procès-verbaux, n'était-il pas expédient d'organiser leur action en harmonie avec celle de la Halde ?

Enfin, on aimerait que soient précisés les liens entre ces différents aspects procéduraux et le nouveau cas de discrimination punissable résultant de la légalisation de la pratique du «testing»53. En effet, et ce n'est sans doute pas là le moindre apport de la réforme, il est inséré dans le Code pénal un nouvel article 225-3-1 aux termes duquel «les délits prévus par la présente section sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou de plusieurs personnes ayant sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie».

Cette disposition qui paraît transformer le délit de discrimination du Code pénal - et lui seul - en un délit purement formel, ne concerne les relations de travail qu'à la phase de leur établissement, le refus d'embauche discriminatoire devenant ainsi un cas à part, doté d'un régime probatoire surpuissant qui appellera nécessairement la mise en place de garanties quant au respect des droits de la défense et au principe du débat contradictoire. Mais à lire l'article 41 de la loi du 31 mars 2006 on a le sentiment que seuls les agents de la Halde sont habilités à constater cette discrimination suite à un testing qu'ils auraient eux-mêmes pratiqué54.

On le voit, bien des questions restent en suspens à ce stade sur la manière dont ce nouvel acteur de la lutte contre les discriminations va exercer sa mission. Le fera-t-elle dans la solitude ou avec d'autres qui, pour ne parler que de la discrimination au travail, détiennent une connaissance profonde de la vie des entreprises55. Mettra-t-elle l'accent plus sur tel type de discrimination que sur un tel autre y compris au travers d'un usage modulé de la procédure transactionnelle dont l'initiative lui est réservée ?


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 1 Un cumul des deux infractions est cependant tout à fait possible comme l'a décidé la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'arrêt Menzer du 29 octobre 1975 (Bull. crim. N° 231) qui, écartant la théorie du cumul idéal, affirme que si les faits reprochés au prévenu procédaient d'une même action coupable, ils constituent néanmoins des infractions distinctes par leurs éléments. Sur les problèmes de frontière entre les deux incriminations v. notre étude : « Entrave et discrimination » Droit ouvrier 1987 p 445 et s.
2 Sur l'ensemble de cet apport v. M. Keller, la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations D. 2002 p 1355 ; M. Miné les apports de la nouvelle loi à la lumière du droit communautaire S.S.L. 17 décembre 2001 n° 1055 - E. Putman, Présentation de la loi relative à la lutte contre les discriminations R.J.P.F 2002 p 10. E. Fortis et A. Coeuret Droit pénal du travail manuel Litec 3ème ed. 2004
3 A l'exception peut-être de la discrimination anti-syndicale déjà évoquée au seuil de cette étude et qui donne lieu plus systématiquement à des constitutions de parties civiles de la part des organisations concernées, surtout lorsque les victimes sont de la même obédience. Pluralisme syndical oblige ! On peut observer sur un plan de sociologie judiciaire que l'action pénale du syndicat est assez souvent tenue en réserve face à un employeur dont on souhaite qu'il plie d'abord au seuil d'une procédure diligentée devant les prud'hommes.
4 Le droit non répressif de la discrimination connaît en effet une forme de discrimination dite « indirecte » ou objective qui ne paraît pas justiciable de poursuites pénales à moins de faire dégénérer les infractions actuelles en délits de simple imprudence.
5 La seconde modifiant les dispositions de la première qui reste le texte de référence à l'image de la loi informatique et liberté du 1er juillet 1978 pour la CNIL.
6 Même si elle est aussi assortie de sanction civiles, l'interdiction formulée par l'article L. 412-2 fait partie de l'incrimination car l'article L. 481-3 du même code se contente de fulminer les peines applicables en renvoyant purement et simplement au premier pour la définition des éléments de l'infraction
7 Le lien établi par la loi pénale française entre l'un des motifs illicites cités par le texte d'incrimination et un comportement qui ne peut être accompli que par un décideur, éclaire la très nette séparation opérée entre la discrimination proprement dite et le harcèlement notamment moral (Code pénal art. 222-33-1). Ce dernier est susceptible de se traduire par une pluralité d'agissements n'ayant pas de rapport nécessaire avec l'exercice de l'autorité dans l'entreprise même lorsqu'il est le fait d'un supérieur hiérarchique, hypothèse à laquelle désormais la loi ne borne plus l'interdiction du harcèlement (v. not. C. trav. Art. L. 122-49 tel qu'issu de la loi du 17 janvier 2002 pour le harcèlement moral).
8 Cass. crim. 28 novembre 1978 Bull. crim. N° 336 dans le même sens : Cass. crim. 13 mai 1980 inédit
9 Cass. crim. 14 juin 2000 n° 99-81-108 ; juris-data 2000 n° 2887 Bull. crim. 2000 n° 226
10 Cass. Crim. 21 novembre 1989 Droit ouvrier 1990 p 410
11 Cass. crim. 4 octobre 1977 Bull. crim. 1977 n° 288
12 Cass. crim. 25 mai 1982 Bull. crim. 1982 n° 288 v. également le constat d'une motivation identique in Cass. crim. 6 décembre 1988 RJS 1989 n° 163 où l'employeur est déclaré coupable pour avoir doté l'intéressé militant syndical d'un adjoint, arguant de la disponibilité réduite de celui-ci, ce qui avait eu pour effet de diminuer sa rémunération
13 Cass. crim 19 février 1990 Jourdanne, inédit Caractérise ainsi l'infraction dans tous ses éléments, la Cour d'appel qui relève qu'à l'expiration de la mission de cinq travailleurs intérimaires , leur employeur (ETT) a fait le nécessaire pour replacer quatre des intéressés dans un autre établissement situé dans la même ville mais a pris soin d'écarter de ce nouvel emploi le cinquième d'entre eux par ailleurs délégué syndical de l'entreprise, lui offrant un poste dans une région éloignée que sa situation familiale ne lui permettait pas d'accepter (Cass. crim. 22 novembre 1977 Attresmann, inédit)
14 Cass. crim. 4 avril 1979 Bull. crim. 1979 p 4.9 Même analyse au sujet de la sanction disciplinaire quelle qu'elle soit (Cass. crim. 25 janvier 2000 Bull. crim. 2000 n° 38) y compris bien sûr lorsqu'elle prend la forme plus généralement illicite de la diminution d'une prime (Cass. crim. 27 mars 1990 RJS 1970 n° 594)
15 V. sur cette hypothèse : M. Grévy la discrimination dans la carrière des délégués Dr. Social 1994 p 884 à propos de Cass. crim 8 mrs 1994 ; à rapprocher de Cass. crim. 31 mars 1998 Dr pénal 1999 n° 133 qui décide que le fait de noter dans la fiche individuelle d'évaluation d'un salarié qu'il est délégué syndical n'est pas, en soi, une discrimination interdite
16 Cass. crim. 9 novembre 2004 Dr ouvrier 2005 p 350 note E. Fortis
17 Voir déjà au moins implicitement en faveur de cette méthode Cass. crim 11 octobre 1989 RJS 1989 n° 943 et Cass. crim. 14 juin 2000 Bull. crim. N° 226
18 Sur lequel M.F. Lanquetin : Un tournant en matière de preuve des discriminations Dr. Social 2000 p 589
19 La loi relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes du 23 mars 2006 ajoute à cette énumération la prise de considération de l'état de grossesse
20 Cass. crim. 23 octobre 1990 juris-data n° 1990 703 673 Bull. crim. N° 353. Cette décision présente en outre l'intérêt de venir préciser que les dispositions de l'article L. 123-1 b ne requièrent aucune condition spéciale de publicité, la trace publique ou « officielle » de la discrimination n'intervenant que pour faciliter la preuve de l'infraction et non comme élément constitutif de celle-ci, dès lors que les poursuites sont fondéers sur l'article L. 123-1 b non sur L. 123-1 a.
21 On pourrait s'interroger ainsi sur l'opportunité d'incriminer de la même manière des discriminations fondées sur des motifs d'importance inégale, si l'on considère le droit ou la liberté méconnue. Enfin, il n'est pas déplacé de considérer que lors de la dernière retouche de l'article 225-1 le législateur aurait pu introduire la précision - qui figure dans les directives communautaires - selon laquelle la référence à la race n'emporte aucune adhésion aux théories qui s'appuient sur cette notion non scientifiquement démontrée pour justifier l'inégalité entre les hommes. Plus généralement voir les observations Ph. Conte Droit pénal spécial, les discriminations Litec 2ème ed. 2005 p 244 et s.
22 Cass. crim. 2 septembre 2003 juris-data n° 2003 - 020358
23 Raison pour laquelle, il paraît discutable de continuer à employer le terme «discrimination» pour annoncer les différences de traitement qui ne tomberont pas sous le coup de la loi pénale. Ce qui est discriminatoire est désormais illicite en toute hypothèse.
24 Dans ce premier cas, la décision redevient illicite lorsqu'elle se fonde sur la prise en compte de tests génétiques prédictifs ou ayant pour objet une maladie qui n'est pas encore déclarée ou une prédisposition génétique à une maladie
25 Cass. crim. 14 octobre 1986 Bull. crim 1986 n° 287
26 Cass. crim. 30 janvier 1990 D 1990 som. p 86
27 Cass. crim. 12 septembre 2000 P n° 0080 175
28 Cass. Nîmes 22 novembre 2002 J. 2002 som. Com. 2920 29920
29 TGI Paris 31ème Ch. Correct. 22 novembre 2002 Droit ouvrier 2003 p 284
30 M. Miné, la discrimination raciale à l'embauche devant le juge pénal Dr. Ouvr. 2003 p 270
31 On notera au passage que ces différences quant au quantum des peines auraient pu se trouver atténuées à propos des personnes morales en raison d'une pénologie qui leur est propre. Cependant les conditions dans lesquelles le législateur a supprimé le principe de spécialité tendent par effet mécanique à répercuter sur elles cette différence selon qu'elles seront poursuivies à partir de l'un ou l'autre code puisqu'à défaut de dispositions précises sur les peines énoncées à l'article 131-39 du Code pénal il ne reste que les règles des articles 131-37 et 131-38 du même code, le second permettant de porter au quintuple l'amende prévue pour les personnes physiques
32 Faut-il alors, comme le préconise Ph. Conte (ouvrage précité p 248) en présence d'un comportement correspondant aux prévisions à la fois de l'article 225-2 du Code pénal et des articles L. 152-1-1 ou L. 481-3 du Code du travail faire application de l'adage specialia generalibus derogant et retenir les dispositions spécifiques du Code du travail, alors qu'elles exposent pourtant le coupable à des peines moins sévères ?
33 Art. L. 152-1-2C. trav. Qui renvoie aux articles 132-58 à 132-62 du Code pénal pour le détail du régime de l'ajournement
34 Selon l'article L. 152-1-3 C. trav. à l'audience de renvoi, au vu des mesures définies et le cas échéant exécutées, le tribunal apprécie s'il y a lieu de prononcer des dispenses de peines ou d'infliger celles prévues par la loi
35 Une vingtaine de condamnations pénales par an seraient prononcées (Note n° 2 GELD octobre 2002)
36 On en reste en effet en ce qui les concerne à la solution consacrée par l'alinéa 3 de l'article 121-2 du Code pénal selon laquelle la responsabilité de la personne morale n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. Sur l'insatisfaction que génère une telle règle autorisant le cumul des poursuites en toute hypothèse et les propositions de réforme qu'elle suscite v. B. Bouloc et H. Matsopoulou Droit pénal général et procédure pénale Sirey 16ème cd. 2006 p 129
37 H. Matsopoulou. La généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales Rev. des sociétés n° 2-2004 p 283 et s. v. égal. N. Stolowy. La disparition du principe de spécialité dans la mise en cause pénale des personnes morales JCP Entreprises n° 24, 10 juin 2004 p 878 et s
38 L'article 131-37 du même code dispose en effet sans changement que les peines spécialement prévues pour les personnes morales (cf. l'article 131-39) ne peuvent être prononcées que dans les cas prévus par la loi, ce qui créé deux régimes différents selon la date d'entrée de l'infraction dans le domaine de cette responsabilité
38 D'autres incohérences pourraient être relevées comme par exemple la sus-exposition de la personne morale à la récidive, accentuée par l'interprétation large retenue en jurisprudence des notions d'organe et de représentant de la personne morale, au sens de l'article 121-2 du Code pénal. Que penser également d'une inscription de l'infraction au casier judiciaire qui continue à se déclencher à partir d'une condamnation à 30 000Euro d'amende alors que pour toute une série d'infractions, seule cette peine peut être prononcée et qu'elle doit forcément être plus élevée qu'à l'encontre d'une personne physique ?
39 Cass. crim. 1er décembre 1998 D 2000 p 34 note Houtmann ; crim. 9 novembre et 14 décembre 1999 Bull. crim. n° 252 et 306 R.S. crim. 2000 p 600 obs. B. Bouloc
40 En ce sens J.H. Robert. Les préposés sont-ils représentants de la personne morale? Mélanges Couvrat 2001 p 383
41 E. Fortis et A. Coeuret Droit pénal du travail ouvrage précité p 172 et s.
42 Sur une question très différente qui est celle de l'incapacité interdisant à certains cadres d'être électeurs et éligibles aux fonctions de représentants du personnel, la Chambre sociale de la Cour de cassation en est arrivée à exiger un niveau de délégation élevé qui traduit aussi cette idée que toute délégation ne fait pas de son titulaire un représentant de l'employeur (v. cass. soc 6 mars 2001 Bull. civ. v. n° 73).
43 Cass. crim. 2 décembre 1997 Bull. crim. N° 408 ; crim. 7 juillet 1998 Bull. crim. N° 216 ; crim 21 mars 2000 Dr pénal 2000 com. N° 131 obs. J.H. Robert.
44 Sur laquelle v. J.H. Robert, sous le jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 18 décembre 1995 qui, en matière de marchandage, fonde la responsabilité pénale de la société utilisatrice de la main d'oeuvre sur la pratique habituelle de celle-ci, faute lucrative distincte de celle du dirigeant (JCP ed. G 1996 II 22 640).
45 B. Bouloc et A. Matsopoulou ouvrage précité p 128
46 Cass. crim. 11 mai 1999 Bull. crim. N° 93
47 Dans son jugement précité du 22 novembre 2002, le tribunal correctionnel de Paris ne retient en définitive la responsabilité de la personne physique qu'en tant que complice de la personne morale , le processus de sélection discriminatoire à l'embauche révélait avant tout le choix d'une politique de l'établissement concerné de laquelle il était attendu un bénéfice commercial auprès de la clientèle mettant celle-ci essentiellement en contact avec des salariés de « couleur blanche ». Pourquoi ne pas aller plus loin et ne pas considérer que la responsabilité pénale doit alors se fixer sur la seule personne morale employeur ?
48 Aux termes de l'article 41, dans les mêmes cas, la Haute autorité peut également proposer que la transaction consiste en la publication sous différentes formes y compris électronique d'un communiqué ou de la décision elle-même
49 De même, le renvoi à l'article L. 123-1 C. trav. porteur de l'interdiction de la discrimination sexiste ne « sanctionne » pas à proprement parler pénalement cette discrimination, il lui faut le renfort de l'article
50 L. 152-1-1. du même code.
51 Ces fonctionnaires ne peuvent en principe conformément à l'article 40 du Code de procédure pénale, que signaler au Parquet l'existence d'une infraction au Code pénal quant bien même la victime serait-elle un salarié (Cf. art. L. 611-6 C. trav. tel que modifié par la loi du26 novembre 2003).
52 Brisant une jurisprudence contraire de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (crim. 17 mars 1992 Bull. crim. N° 116) la loi précitée a introduit en effet à l'article L. 611-9 du Code du travail la règle selon laquelle les inspecteurs « peuvent se faire communiquer tout document ou tout élément d'information, quel qu'en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles de permettre d'établir l'existence ou l'absence d'une méconnaissance des articles L. 122-45, L. 123-1 et L. 412-2 du Code du travail et de l'article 225-2 du Code pénal »
53 Laquelle avait déjà été admise par la Chambre criminelle de la Cour de cassation mais seulement comme mode de preuve d'une discrimination ayant porté préjudice à une personne appartenant aux groupes protégés par la loi (Cass. crim. 11 juin 2002 Bull. crim. N° 131 L. Collet-Askisi, Testing or not testing ? La chambre criminelle valide ce mode de preuve, serait-il déloyal D. 2003 Chr. P. 130 9)
54 L'article L. 611-6 du Code du travail précité n'a du reste pas été modifié pour permettre aux inspecteurs du travail de constater la discrimination dans l'hypothèse de l'article 225-3-1 du Code pénal. Faut-il en déduire que le testing ne fait pas partie de leurs prérogatives ?
55 Une relation de collaboration institutionnelle est en revanche explicitement établie par le législateur entre la Halde et différentes autorités publiques détenant un pouvoir d'autorisation d'activité ou de délivrance d'un agrément à une personne physique ou morale qui s'est rendue coupable de discrimination dans le cadre de cette activité. La Halde peut alors recommander à cette autorité administrative de suspendre pour une durée maximale de deux mois l'autorisation ou l'agrément en question (art. 44 de la loi modifiant l'article 14 de la loi du 30 décembre 2004).

Auteurs

Alain Coeuret