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Le principe de finalité appliqué à la géolocalisation

14/10/2013


La cour d’appel de Lyon est venue rappeler, le 13 mars 2013, le principe essentiel posé par la loi n°78-46 du 6 janvier 1978, selon lequel les données à caractère personnel ne peuvent être traitées de manière licite que si « Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités » (art. 6, 2°).

En l’espèce, un salarié, travaillant comme agent de sécurité d’une société d’autoroute, avait notamment pour mission d’assurer la surveillance du tunnel de Fourvière. A ce titre, il se devait de demeurer dans un secteur déterminé pour pouvoir intervenir très rapidement sur le site en cas de problème. Il a été licencié pour faute après que son employeur a constaté, en prenant connaissance des données fournies par le système de géolocalisation installé sur le véhicule de service du salarié, que ce denier avait quitté son secteur d’intervention sans autorisation.

Le système de géolocalisation avait fait l’objet d’une déclaration à la CNIL et avait été porté à la connaissance des salariés. Cependant, la déclaration réalisée par l’employeur était une déclaration de conformité à la norme simplifiée n°51 (Délibération 2006-067 du 16 mars 2006), laquelle prévoit que le dispositif de géolocalisation peut avoir tout ou partie des finalités suivantes :

« a) le respect d'une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d'un dispositif de géolocalisation (…) ;
b) le suivi et la facturation d'une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d'une prestation de services directement liée à l'utilisation du véhicule ;
c) la sûreté ou la sécurité de l'employé lui-même ou des marchandises ou véhicules (…) ;
d) une meilleure allocation des moyens (…).

Le traitement peut avoir pour finalité accessoire le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens
. »

L’existence du système de géolocalisation avait également été portée à la connaissance des salariés par le biais d’une note de service indiquant que la finalité de son installation était l’optimisation de la gestion des interventions chez les clients. Le système avait vocation, selon cette note, à permettre à la société de réaliser des statistiques destinées à améliorer le service.

Or, ni la déclaration simplifiée à la CNIL, ni la note de service à destination des personnes concernées ne faisaient état du contrôle individuel des salariés ou de leur activité. La Cour d’Appel a relevé à cet égard que « Le suivi de l’activité des employés de la société, but qui doit être justifié au regard de l‘activité de l’employé, n’est pas mentionné au titre des finalités poursuivies. »

Elle en a déduit que la société avait utilisé le système de géolocalisation aux fins de surveiller l’activité des salariés, « opérant ainsi un détournement de finalité au regard de celle qui avait été portée à la connaissance du salarié ».

Les informations ainsi recueillies par le système de géolocalisation ne pouvaient, selon la Cour, être utilisées comme preuve des fautes reprochées au salarié. Le licenciement est donc jugé privé de cause réelle et sérieuse.

Il en aurait été autrement si la société avait formulé une demande d’autorisation auprès de la CNIL indiquant expressément le contrôle des salariés parmi les finalités du traitement et avait pleinement informé les salariés concernés de cette surveillance. Compte tenu des risques présentés par le site surveillé et de l’enjeu réel de sécurité, il nous semble qu’une telle autorisation aurait eu des chances sérieuses d’être accordée.

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 14 octobre 2013

Auteurs

Portrait deAnne-Laure Villedieu
Anne-Laure Villedieu
Associée
Paris