Dans le cadre d’un contrat de licence conclu avec l’opérateur Free, une société commercialisant un logiciel avait fait constater, par une action en saisie-contrefaçon, la réalisation de développements en infraction avec les termes de ce contrat. Il s’agissait en l’occurrence de l’ajout de différents formulaires, développements qui étaient proscrits par l’article 6 du contrat de licence qui interdisait toute action de décompilation ou de rétro-ingénierie, ainsi que toute modification, correction, adaptation, adjonction ou création d’œuvres secondes.
La société avait donc engagé une action en contrefaçon, en développant une argumentation fondée sur les manquements du licencié à ses obligations contractuelles.
En première instance, le tribunal de grande instance de Paris, dans la ligne d’une jurisprudence traditionnelle, a considéré que l’action en contrefaçon relevait de la responsabilité délictuelle. Il a donc rejeté comme irrecevable l’action introduite devant lui, l’argumentaire du propriétaire du logiciel étant fondé uniquement sur des manquements contractuels aux termes de la licence.
La Cour d’appel, saisie à son tour, considère pourtant que "c’est non sans pertinence que la société appelante soutient que la contrefaçon ne serait pas par essence une action délictuelle mais pourrait aussi résulter de l’inexécution du contrat" (CA Paris, 16 octobre 2018, n° 17/02679).
Se fondant sur les dispositions existantes en matière de marques et de brevets, le juge d’appel considère que si, dans ces cas de figure, il est possible d’attaquer en contrefaçon un licencié qui excède les termes de son contrat, la question doit se poser également dans le cadre d’une contrefaçon de logiciel, alors même que les articles L.122-6 et L.122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle sont quant à eux muets sur ce point.
Elle choisit donc de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) la question préjudicielle suivante :
"Le fait pour un licencié de logiciel de ne pas respecter les termes d'un contrat de licence de logiciel (par expiration d'une période d'essai, dépassement du nombre d'utilisateurs autorisés ou d'une autre unité de mesure, comme les processeurs pouvant être utilisés pour faire exécuter les instructions du logiciel, ou par modification du code-source du logiciel lorsque la licence réserve ce droit au titulaire initial) constitue-t-il :
une contrefaçon (au sens de la directive 2004/48 du 29 avril 2004) subie par le titulaire du droit d'auteur du logiciel réservé par l'article 4 de la directive 2009/24 du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur
- ou bien peut-il obéir à un régime juridique distinct, comme le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun" ?
La demande de question préjudicielle a été enregistrée le 24 octobre 2018 par la CJUE sous le numéro C-666/18. A suivre !
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