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Prêts bénéficiant d’une garantie hypothécaire

attention au piège de la prescription

17/09/2020

Les subtilités du droit des procédures collectives réservent parfois de mauvaises surprises aux créanciers. Même à ceux qui se croyaient protégés par une robuste garantie. La Cour de cassation vient de rendre un arrêt, concernant un fonds commun de titrisation (FCT) dont la créance était garantie par une sûreté hypothécaire… qui, finalement, ne lui sera d’aucun secours du fait de la prescription (Com. 1er juill. 2020).

Au cas particulier, un prêt avait été consenti à une société par une banque ; prêt garanti par l’affectation hypothécaire d’un immeuble appartenant à une SCI dont on peut supposer qu’elle était membre du même groupe que la société emprunteuse. Assez rapidement toutefois, cette dernière fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. La banque déclare sa créance en 2009, puis transmet celle-ci à un FCT. Le créancier attend toutefois, et c’est son erreur, le résultat de la procédure. En effet, la liquidation judiciaire est clôturée pour insuffisance d’actif le 30 novembre 2012 et ce n’est que le 22 décembre 2017 que le FCT entreprend de délivrer à la SCI garante un commandement de payer valant saisie-vente de l’immeuble.

Ces deux dates sont importantes parce que c’est à partir d’elles que va se greffer un débat sur la prescription – acquise ou non – du droit du FCT. Pour la Cour d’appel, la créance du FCT est prescrite, en sorte qu’elle annule le commandement et ordonne la radiation de l’hypothèque.

Dans son pourvoi, le FCT développait un argument intéressant. Il cherchait à démontrer que la prescription ne pouvait être acquise. En effet, plaidait-il, le point de départ du délai (de cinq ans) devait être fixé non pas au jour où était intervenu le jugement clôturant la liquidation judiciaire dont seule la société débitrice avait eu connaissance, mais au jour nécessairement postérieur où le jugement avait été publié au BODACC, permettant ainsi aux tiers et notamment aux créanciers d’en avoir connaissance. En d’autres termes, pour le FCT, faire partir la prescription à compter du jugement, donc à compter d’un fait générateur qu’il ne pouvait connaître, revenait à le priver d’un droit.

Le raisonnement ne convainc pas la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi. L’arrêt procède par étapes.

En premier lieu, est rappelé un principe acquis de longue date. La déclaration de créance au passif du débiteur principal en liquidation judiciaire interrompt la prescription à l’égard du garant hypothécaire. La Haute juridiction précise que cet effet interruptif joue i) « sans qu’il y ait lieu à notification de la déclaration à l’égard de ce dernier » et ii) « se prolonge jusqu’au jugement prononçant la clôture de la procédure ». La règle, d’abord affirmée par la jurisprudence, est aujourd’hui inscrite à l’article L. 622-25-1, issu d’une ordonnance du 12 mars 2014, du Code de commerce (texte non applicable aux faits de l’espèce). Elle a déjà été appliquée à l’égard des cautions mais aussi à l’égard d’un garant ayant constitué une sûreté réelle en garantie de la dette du débiteur. En soulignant que l’interruption joue sans qu’il soit besoin d’une notification, la Cour de cassation veut sans doute suggérer que le dispositif est globalement équilibré : rigoureux pour le créancier garanti, il l’est tout autant pour le garant. De fait, énoncer que la déclaration de créance interrompt (et non suspend) la prescription, c’est dire que le décompte du temps reprend à zéro ; autrement dit encore, le garant pourra être poursuivi cinq ans après le jugement de clôture. Ce qui peut repousser très loin dans le temps le risque de devoir s’exécuter.

En second lieu, et c’est le véritable apport de l’arrêt, la Cour de cassation énonce que le créancier n’était pas empêché d’agir contre le garant hypothécaire pendant le cours de la liquidation judiciaire. Il faut avoir à l’esprit, ici, qu’aucune suspension des poursuites des créanciers n’est prévue par la loi au profit des garants, personnes morales, d’un débiteur en procédure collective. Le garant étant, dans l’affaire présentée, une SCI, le FCT aurait pu faire valoir ses droits nonobstant l’ouverture de la liquidation judiciaire. L’arrêt en déduit que le créancier ne s’est vu privé d’aucun droit par le jugement de clôture pour insuffisance d’actif : ce jugement « a seulement eu pour effet à son égard, et dès son prononcé, de mettre fin à l’interruption du délai de prescription et de faire courir un nouveau délai de prescription de cinq ans ».

Au résultat de quoi, la clôture de la liquidation étant intervenue le 30 novembre 2012, la prescription quinquennale était acquise – certes à quelques jours près – le 22 décembre 2017, lorsque le FCT s’est enfin résolu à actionner sa garantie. Peu importe, nous dit la Cour de cassation, la date de publication au BODACC du jugement de clôture.

Que retenir de cette importante décision ? Deux choses sans doute.

D’abord, que la période qui s’ouvre au jour de la déclaration de créance et qui s’achève avec le jugement de clôture de la procédure offre un certain répit aux établissements bancaires et autres créanciers du type FCT, disposant de sûretés réelles ou personnelles. Ils bénéficient à plein de l’interruption de la prescription.

Ensuite, que cet effet d’aubaine peut se transformer en un piège puisque les créanciers n’auront pas nécessairement connaissance de la date précise à laquelle le compteur aura recommencé à courir. Ils ont donc tout intérêt, dès qu’ils le peuvent, à faire valoir leurs droits contre les garants.

Article paru dans Option Finance le 7 septembre 2020 


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Arnaud Reygrobellet
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