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Prime de partage des profits et politique de rémunération

22/07/2011


Au lendemain de l’adoption de la loi instaurant une prime de partage des profits pour les sociétés distribuant des dividendes en augmentation, nous avons demandé à Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé de CMS Bureau Francis Lefebvre, de nous exprimer son point de vue sur quelques éléments du dispositif sujets à interrogation : attribution de la prime dans les groupes de sociétés, notamment lorsque la société mère est étrangère ; principe de non substitution de la prime à un élément de rémunération et régime dérogatoire excluant le versement de la prime.

Le régime de la prime de partage des profits figurait à l’article premier du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 présenté au Conseil des ministres le 25 mai 2011. Il a été définitivement adopté par le Parlement le 13 juillet 2011.
La volonté de promouvoir le partage de la valeur ajoutée et d’associer les salariés aux performances de l’entreprise et à ses résultats ne peut qu’être soutenue.

En ce sens, le texte procède du principe selon lequel toute hausse du montant des dividendes attribués aux actionnaires induit le versement à tous les salariés d’une prime exonérée, compte tenu de son caractère très particulier, de cotisations sociales.

Cependant, souligner que la prime de partage des profits voulue par les pouvoirs publics ne fait pas l’unanimité relève de l’euphémisme tant elle a été stigmatisée par des critiques de nature diverse, parfois contradictoires, et tenant notamment à l’immixtion dans les politiques de rémunération des entreprises, au nombre limité de ses bénéficiaires potentiels, à la création d’une nouvelle « niche sociale », à la complexité du régime, au risque de dévoiement de celui-ci, etc.

Pour autant, le versement d’une telle prime va prochainement constituer une obligation pour les sociétés commerciales qui emploient au moins 50 salariés. Sans qu’il soit besoin d’exposer l’ensemble des dispositions du texte, quelques observations peuvent d’ores et déjà être formulées.

Sur l’application du régime de la prime de partage des profits aux sociétés appartenant à un groupe

La question tenant à la détermination du champ d’application du texte s’agissant des sociétés appartenant à un groupe est essentielle.

En effet, la loi prévoit que lorsqu’une société appartient à un groupe tenu de constituer un comité de groupe, elle verse une prime à l’ensemble de ses salariés, dès lors que la condition tenant à l’augmentation du montant des dividendes attribués par la société dominante est satisfaite.
Soulignons en premier lieu que la notion de groupe retenue par la loi obéit aux dispositions de l’article L 2331-1 du Code du travail relatif au comité de groupe. Les sociétés intéressées sont celles qui ont leur siège social sur le territoire français. Il s’en déduit, en dépit de volontés parfois exprimées en sens contraire, qu’il n’y a pas lieu de tirer une quelconque conséquence de l’occurrence selon laquelle une société ou un groupe de sociétés serait détenu ou contrôlé par une société située à l’étranger. Le champ d’application fixé par le législateur ne conduit pas à prendre en compte une éventuelle augmentation de dividendes attribués par une société dite « mère » située à l’étranger.

Remarquons en second lieu que le champ d’application de la loi identifie les sociétés appartenant à un groupe « (…) tenu de constituer un comité de groupe (…) ». La lettre du texte invite à considérer que le champ se définit exclusivement par référence aux critères de détermination du périmètre du groupe tel que défini pour la mise en place du comité de groupe. Seront donc d’application directe les notions de contrôle et d’influence dominante y afférentes. Cela invite les entreprises à réexaminer le périmètre du groupe qu’elles ont de facto retenu pour constituer leur comité de groupe, ce pour en apprécier la pertinence. En un même sens, une société appartenant à un groupe « tenu» de constituer un comité de groupe se trouve dans le champ de l’obligation, ce quand bien même le comité de groupe n’aurait pas été mis en place.

Enfin, et surtout, il semble que le texte ait déterminé un régime autonome s’agissant des sociétés appartenant à un groupe. L’exposé des motifs du projet de loi ainsi que les débats parlementaires semblent plaider en ce sens : lorsqu’une société appartient à un groupe, ce serait l’augmentation du montant des dividendes attribués par la société dominante - et elle seule - qui constituerait la condition tenant à l’obligation de verser la prime dans l’ensemble des sociétés du groupe. Cette augmentation commanderait le versement de la prime à l’ensemble des salariés, y compris ceux employés par des sociétés n’ayant pas augmenté le montant des dividendes qu’elles ont elles mêmes attribués. A l’inverse, l’absence de l’augmentation en cause au niveau de la société dominante exonérerait de toute obligation de versement de la prime, y compris au sein des sociétés ayant augmenté le montant des dividendes qu’elles ont attribués.

Si cette interprétation semble être la plus communément admise, elle doit cependant être confirmée. La lettre du texte ne l’autorise en effet pas de façon parfaitement claire, laissant place selon certains à une analyse concluant à une obligation de versement de la prime au sein de chaque société augmentant ses dividendes, nonobstant toute considération tenant à son appartenance à un groupe.

Sur le principe de non substitution de la prime de partage des profits à un élément de rémunération

La loi prévoit que la prime ne peut se substituer à des augmentations de rémunération prévues par la convention ou l’accord de branche, un accord salarial antérieur ou le contrat de travail, et plus généralement à aucun des éléments de rémunération au sens de l’article L 242-1 du Code de la sécurité sociale versés par l’employeur ou qui deviennent obligatoires en applications de dispositions législatives ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.

Il est d’évidence que la mise en œuvre de l’obligation tenant au versement de la prime de partage des profits va s’inscrire dans le cadre plus général de la politique de rémunération de l’entreprise et de la gestion de sa masse salariale. Si le versement de la prime constituera une obligation, force est de reconnaître que l’entreprise bénéficie de la faculté d’en déterminer le montant et les modalités de répartition entre ses bénéficiaires (uniforme, ou fonction du salaire, ou de la durée de présence). La liberté que reconnaît ainsi ce régime permettra le versement d’un élément de rémunération exonéré de cotisations sociales. L’inclinaison à une sécurisation de cette mesure suppose que l’application du principe de substitution fasse l’objet d’un examen attentif, ce notamment dans la perspective d’un contrôle de l’Urssaf. Pour autant, la portée du principe de non substitution est strictement cantonnée par le texte, notamment en sa référence à des normes contractuelles et permet, sous réserve d’agir avec discernement, l’insertion adaptée de la prime dans la politique de rémunération de l’entreprise. Rappelons qu’une telle adaptation peut intervenir, en cas d’échec des négociations, par simple décision de l’employeur.

Pour sa part en revanche, la mise en œuvre du régime dérogatoire suppose la signature d’un accord d’entreprise.


Sur l’application du régime dérogatoire excluant le versement de la prime de partage des profits

La loi autorise les entreprises à s’exonérer du versement de la prime de partage des profits. Elles pourront le faire en attribuant, par accord d’entreprise, un avantage pécuniaire non obligatoire en application de dispositions législatives en vigueur ou de clauses conventionnelles, et accordé en tout ou partie en contrepartie de l’augmentation des dividendes.

Le champ laissé en cette matière aux négociateurs est particulièrement vaste tant, notamment, sont nombreux les dispositifs conduisant à l’attribution d’avantages permettant le partage des résultats de l’entreprise : supplément d’intéressement ou de participation au titre d’un exercice clos, actions gratuites, etc.

De manière générale, les entreprises pourraient être amenées, dans le cadre de leur politique sociale, à étudier la mise en œuvre de tout autre avantage éligible au régime dérogatoire et relevant non seulement des régimes d’intéressement, de participation, et d’actionnariat salarié, mais également, le cas échéant, de tout régime de protection sociale ou de rémunération globale ou différée. Précisons toutefois que les conditions tenant à la dispense du versement de la prime de partage des profits mériteront un examen approfondi par l’entreprise puisque nécessitant que l’avantage accordé en contrepartie de l’augmentation des dividendes le soit « au titre de l’année en cours », « au bénéfice de l’ensemble des salariés », et ce « par accord d’entreprise ».

Auteurs

Portrait deLaurent Marquet de Vasselot-Final
Laurent Marquet de Vasselot
Associé
Paris