Home / Publications / Projet de loi PACTE : dispositions de droit des s...

Projet de loi PACTE : dispositions de droit des sociétés

20/06/2018

Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (dit "PACTE") a pour objet les entreprises, ce qui se traduit par la présence dans le texte de nombreuses mesures touchant directement le droit des sociétés.

Bien évidemment, les travaux parlementaires verront vraisemblablement le texte subir de nombreuses modifications, mais celui-ci est sans doute plus "mûr" que d’autres projets de loi, du fait de la phase préalable de consultation publique dont il a fait l’objet.

I – Redéfinition de la société et de l’entreprise

Plusieurs mesures contribuent à redéfinir sinon l’entreprise elle-même, du moins l’intérêt social et la place respective des salariés et des actionnaires.

Mesure-phare : intérêt social élargi et raison d’être (article 61)

L’idée, dont on a beaucoup parlé, est de faire entrer dans le Code civil une référence aux intérêts sociaux et environnementaux (rapport Notat-Senard).

Figurera à l’article 1833 du Code civil un alinéa supplémentaire selon lequel "La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité". Une référence sera aussi ajoutée aux articles L.225-35 et L.225-64 du Code de commerce, textes relatifs à la société anonyme.

Une question est celle des sanctions qui pourraient frapper une société qui ne respecterait pas cette règle. Ce ne sera pas la nullité de la société (une modification de l’article 1844-10 du Code civil est envisagée), mais ce pourrait être la nullité des actes pris par les organes sociaux dès lors que le nouvel alinéa de l’article 1833 du Code civil est une "disposition impérative".

Il sera par ailleurs indiqué à l’article 1835 du Code civil que les statuts d’une société "peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité". Cette raison d’être devra, le cas échéant, être prise en considération par le conseil d’administration ou le directoire, selon des modifications qui seront apportées au Code de commerce, là encore pour les seules sociétés anonymes. Une question qui se posera sera celle de la sanction de "l’oubli" par une société de sa raison d’être, question voisine de celle de la sanction du non-respect par une société de ses normes propres : code de bonne conduite, etc.

Retouche au régime des administrateurs représentant les salariés (article 62)

Aujourd’hui, le nombre de ces administrateurs représentant les salariés, dont la désignation est imposée aux sociétés employant plus de 1.000 salariés (en France, filiales comprises) ou plus de 5.000 salariés (en France et à l’étranger, filiales comprises) est de deux pour les conseils d’administration de plus de douze membres, et d'un administrateur représentant les salariés, lorsque le conseil comporte douze administrateurs ou moins.

Le projet de loi PACTE envisage d’imposer la désignation de deux administrateurs représentant les salariés dès lors que le conseil dépassera le seuil de huit administrateurs.

Mesures visant à favoriser le développement de l’actionnariat salarié (articles 59 et 60)

Dans les SAS, les offres d’actions adressées aux dirigeants, salariés et anciens salariés seront facilitées, tandis que dans les sociétés à capitaux publics, les dispositifs d’attribution d’actions aux salariés seront élargis.

II – Assouplissement des obligations pesant sur les sociétés

Mesure-phare : réduction du champ d’intervention des commissaires aux comptes (article 9)

Les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions ne seront plus tenues de désigner un CAC, sauf lorsqu’elles dépasseront certains seuils ou que la désignation d’un CAC sera ordonnée par voie judiciaire, à la demande d’actionnaires représentant au moins 10 % du capital.

Dans les SAS, la désignation d’un CAC ne sera plus obligatoire du seul fait de l’existence d’une relation de contrôle avec une autre société.

En revanche, pour éviter qu’un groupe ne soit fractionné entre des entités de petite taille et soit ainsi soustrait au contrôle de CAC, il est prévu que la désignation d’un tel organe sera obligatoire lorsque l’ensemble que forment les personnes et entités qui contrôlent une ou plusieurs sociétés avec celles-ci dépassera certains seuils.

Autres mesures

Sont également prévues des mesures d’assouplissement de la création des entreprises : guichet unique électronique (article 1er), création d’un registre dématérialisé des entreprises (article 2), modernisation du dispositif des annonces judiciaires et légales (article 3).

III – Meilleur accès au financement

Accessibilité améliorée aux marchés financiers (article 22)

Sont ici prévues différentes mesures, qui vont du rehaussement du seuil d’établissement du prospectus à 8 millions d’euros (avec toutefois l’exigence pour les offres de plus petite taille d’un document minimal d’information) à une réforme limitée de l’offre au public de titres financiers. Le dispositif sera complété par un abaissement du seuil permettant la mise en œuvre de la procédure de retrait obligatoire, de 95 à 90 %.

Des ordonnances seront annoncées, notamment pour améliorer la lisibilité du droit des sociétés cotées, régime aujourd’hui partagé entre le Code de commerce et le Code monétaire et financier.

ICO – émission de jetons (article 26)

La possibilité de financer les entreprises par une offre au public de jetons ("Initial Coin Offering") sera encadrée par le législateur français, dans l’attente de règles européennes et internationales.

Modernisation du régime des actions de préférence (article 28)

Quelques dispositions du Code de commerce seront modifiées, notamment pour autoriser la création d’actions à droit de vote multiple et pour clarifier le périmètre d’intervention du commissaire aux avantages particuliers.

IV - Autres mesures

Mesure-phare : transposition de la directive 2017/828 du 17 mai 2017 sur les droits des actionnaires (article 66)

Le régime des conventions réglementées dans les SA sera notamment modifié. Il sera précisé que l’interdiction de participer à la décision du conseil d’administration ou de surveillance autorisant la convention porte à la fois sur les délibérations et sur le vote, et que l’interdiction de vote à l’assemblée concerne la personne qui est intéressée "directement ou indirectement". Dans les sociétés cotées, un nouvel article disposera que "des informations sur les conventions mentionnées à l’article L. 225-38 sont publiées sur le site internet de la société au plus tard au moment de la conclusion de la convention". Les actionnaires auront en outre le droit d’obtenir communication de la liste des conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales.

Les textes relatifs à l’identification des propriétaires de titres au porteur, au service de conseil en vote et à la politique d’engagement actionnarial des sociétés de gestion de portefeuille (SGP) seront par ailleurs modifiés.

D’autres modifications du droit des sociétés, notamment relatives à l’encadrement des rémunérations des dirigeants ("say on pay"), seront prises par voie d’ordonnance.

Action spécifique (golden share) (article 56)

Le dispositif instituant des actions spécifiques sera révisé, notamment par un élargissement des hypothèses dans lesquelles la création d’une action spécifique est autorisée, et par une clarification des droits attachés à une telle action.

Ratification de diverses ordonnances (article 71)

Parmi les 23 ordonnances dont la ratification est prévue, parfois avec quelques modifications, on relèvera :

  • l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse et créant les "minibons" ;
  • l’ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d’instruments financiers ;
  • l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et instituant le registre des bénéficiaires effectifs ;
  • l’ordonnance n° 2017-970 du 10 mai 2017 tendant à favoriser le développement des émissions obligataires ;
  • l’ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 séparant le régime juridique des SGP de celui des entreprises d’investissement ;
  • l’ordonnance n° 2017-1142 du 7 juillet 2017 portant simplification des obligations de dépôt des documents sociaux pour les sociétés établissant un document de référence ;
  • l’ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d’information à la charge des sociétés ;
  • l’ordonnance n° 2017-1717 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission des titres financiers (ratification déjà prévue toutefois par un autre projet de loi).

Retrouvez également notre commentaire des dispositions du projet de loi PACTE en matière de droit social.

Auteurs

Portrait deBruno Dondero
Bruno Dondero
Associé
Paris
Alain Couret