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Protection des formes utilisées en combinaison avec des éléments verbaux

précisions importantes concernant la conformité de l’usage

09/05/2019

Une marque est dite "tridimensionnelle" lorsqu’elle est constituée d’un signe figuratif à trois dimensions. Elle représente une opportunité pour les entreprises d’obtenir des droits exclusifs sur la forme et le conditionnement de leurs produits. Mais l’enregistrement de ces marques est soumis à un contrôle rigoureux. De surcroît, dans la pratique, ces signes tridimensionnels sont rarement utilisés seuls mais presque toujours en combinaison avec des éléments verbaux. La Cour de justice de l’Union européenne apporte des précisions sur ce cas de figure.

Protection des marques tridimensionnelles : état de l’art - Si les textes communautaires et nationaux permettent l’enregistrement de tels signes à titre de marque, les juridictions font preuve d’une grande sévérité dans l’examen des conditions de recevabilité des demandes. En particulier, il s’agit de veiller à ce que le dépôt d’une telle marque n’entrave pas la liberté du commerce et de l’industrie en permettant à un opérateur économique de réserver une forme qui serait, en pratique, nécessaire à l’obtention d’une fonction technique.

Par conséquent, plus la forme demandée pour l’enregistrement est proche de la forme caractéristique du produit, moins elle sera susceptible de distinguer ce produit de celui d’un concurrent. Le critère de distinctivité est alors plus complexe à démontrer dans le cas d’une marque tridimensionnelle.

C’est l’une des questions soulevées par la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendue le 23 janvier 2019 (CJUE, 23 janvier 2019, C-698/17 P).

Faits en présence et engagement de la procédure - En l’espèce, la Société Bullerjan a enregistré auprès de l’EUIPO une marque tridimensionnelle ayant la forme d’un four pour des produits relevant de la classe 11 ("Poêles (appareils de chauffage)").

Quelques années plus tard, cette marque a fait l’objet d’une action en déchéance pour non-usage, au motif de l’absence de tout usage sérieux pendant une période ininterrompue de 5 ans.

Devant le Tribunal de l’Union européenne, le requérant soutenait que la marque en cause avait été utilisée conjointement avec l’élément verbal distinctif "Bullerjan" apposé sur les produits. Selon lui, du fait de cet ajout, la marque tridimensionnelle ne remplissait plus sa fonction essentielle d’indication de l’origine commerciale des produits et ne pouvait donc plus faire l’objet d’un usage sérieux. Plus encore, le requérant estimait que l’ajout de cet élément verbal était de nature à altérer le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle, dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée.

Le Tribunal a rejeté ces considérations, estimant, à l’instar de la chambre de recours, que l’ajout de l’élément verbal "Bullerjan" n’avait en rien altéré le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée. Selon lui, le consommateur moyen continuerait à percevoir la forme des poêles en cause comme une indication de leur origine commerciale (TUE, 24 septembre 2015, T-211/14).

Le requérant ayant introduit un pourvoi contre cette décision, la CJUE a annulé celle-ci par un arrêt du 1er décembre 2016, Klement c/ EUIPO (C-642/15P), et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

Sur renvoi, le Tribunal a résisté à la décision de la Cour et a rejeté le recours en se référant aux arguments développés dans le cadre de son premier arrêt.

Point d’orgue de cette saga judiciaire commencée en 2012, la décision de la CJUE saisie du recours contre ce jugement qui a été rendue le 23 janvier 2019.

Les apports de la décision de la CJUE du 23 janvier 2019 en matière de marques tridimensionnelles - Cette décision présente deux points intéressants.

Le premier point à relever se situe certainement dans l’appréciation faite par le Tribunal de la motivation du caractère distinctif de la marque en cause, question particulièrement sensible dans le cas de marques tridimensionnelles. En effet, une marque tridimensionnelle est susceptible, plus qu’une marque verbale ou figurative, de constituer la simple exécution d’une fonction technique.

La jurisprudence en la matière est abondante, les juridictions communautaires comme nationales s’attachant à déterminer si les caractéristiques essentielles du signe tridimensionnel en cause exécutent ou non une fonction technique.

Il a ainsi pu être jugé que la marque tridimensionnelle représentant une brique de LEGO était constituée d’une forme dictée par des considérations techniques. En tant que telle, elle était impropre à remplir une fonction d’indication d’origine commerciale (CJUE, 14 septembre 2010, n° C-48/09 P). La Cour a estimé que les caractéristiques de la brique sont purement fonctionnelles et doivent par conséquent rester à la disposition de tout fabricant de jouet.

C’est bien l’enjeu de cette jurisprudence autour des marques tridimensionnelles : un tel raisonnement s’explique principalement par le souci de ne pas réserver de manière illégitime de tels signes au détriment de concurrents qui commercialisent des biens identiques ou similaires comprenant cette fonction.

Dans notre cas d’espèce, la CJUE estime que la motivation du Tribunal sur le caractère distinctif de la marque en cause était suffisante. Elle rejette donc le pourvoi sur ce point.

Le second point qu’il convient de relever concerne l’apposition du terme "Bullerjan" et son impact sur la distinctivité de la marque tridimensionnelle.

Il s’agissait d’examiner non pas la validité de la marque, mais la conformité de l’usage qui en était fait.

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne de 2015 avait fait l’objet de vives critiques, car il avait considéré que l’usage conjoint d’une forme et d’un élément verbal pouvait altérer le caractère distinctif de la forme, lorsque l’élément verbal était plus prégnant.

Or, le consommateur mémorise plus facilement des mots que des formes. De ce fait, les premiers font l’objet d’investissements publicitaires plus importants que les seconds. Il est donc rare en pratique qu’un élément de forme présente un caractère distinctif plus important que l’élément verbal de la marque.

Ainsi les conséquences pour les titulaires de marques de l’arrêt de 2015 étaient terribles.

Fort heureusement dans l’arrêt qui a suivi la cassation, le tribunal a revu sa position et la Cour de justice l’approuve en indiquant qu’une "marque tridimensionnelle peut être utilisée en combinaison avec un élément verbal sans que cela remette nécessairement en cause la perception par le consommateur de la forme en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits".

C’est plus rassurant.


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Cet article a été publié dans notre Lettre Propriétés Intellectuelles de mai 2019. Découvrez les autres articles de cette lettre.

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