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Relation commerciale établie caractérisée par une succession de contrats ponctuels

26/01/2010

La Cour de cassation a jugé que la qualification de relations commerciales établies au sens de l’article L. 442-6, I 5° du Code de commerce ne requiert pas un échange permanent et continu entre les parties : une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une telle relation (Arrêt du 15/9/09).

Elle a ainsi estimé qu’un négociant en vin qui participait depuis plusieurs années, dans le cadre de la Foire de Paris, à un salon professionnel, pouvait invoquer une rupture brutale des relations commerciales qu’il entretenait avec l’organisateur du salon pour avoir été informé en septembre 2004 qu’il ne pourrait pas participer à l’édition de mai 2005, l’organisateur ayant décidé de nouvelles conditions d’accès au salon qu’il ne remplissait pas.

Pour la Cour suprême, en dépit de l’annualité de la location du stand, la relation entre l’organisateur du salon et le négociant présentait un caractère régulier, significatif et stable dans la mesure où :

  • Foire de Paris ne se tenant qu’une fois par an, les relations entre les parties ne pouvaient matériellement se poursuivre en dehors de cette période mis à part pour les services Internet fournis à l’année par l’organisateur ;
  • les prestations avaient été fournies au négociant chaque année depuis son immatriculation au RCS en 1991 et les entreprises exposant depuis plus de 10 ans avaient fondé leur stratégie commerciale sur cet événement majeur.

Cette décision intervient moins d’un an après que la Cour de cassation a jugé qu’une juxtaposition de contrats indépendants les uns des autres ne caractérise pas une relation commerciale établie (arrêt du 16/12/2008). Ici, une entreprise française qui s’était vu confier plusieurs projets de construction de bâtiments publics au Turkménistan avait régulièrement sous-traité à une autre entreprise certains chantiers avant de se tourner vers un concurrent. L’absence de relation commerciale établie avec le premier sous-traitant avait été déduite du faisceau de circonstances suivantes : demande du constructeur dépendant des contrats obtenus ; défaut de contrat-cadre entre les intéressés ; absence d’exclusivité et de garantie de chiffre d’affaires consenties par le constructeur ; recours dans le passé à un appel à la concurrence pour certains marchés confiés au final à un concurrent plus compétitif.

Les deux décisions sont-elles contradictoires ? Sans doute pas. Dans son rapport annuel 2008, la Cour suprême indique que le champ de l’article L. 442-6, I 5° se limite « aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec son partenaire commercial. Cette anticipation raisonnable peut être démontrée en s’appuyant (…) sur une pratique passée dont la partie victime de la rupture pouvait inférer que sa relation commerciale s’instaurait dans la durée ».

Dans l’affaire de 2008 le sous-traitant ne pouvait pas raisonnablement anticiper la continuité de la relation car celle-ci était nécessairement empreinte de précarité. Son maintien était aléatoire, dépendant des chantiers obtenus par le donneur d’ordre et du choix du prestataire librement opéré après appel d’offres.

A l’inverse dans celle de 2009, le négociant pouvait semble-t-il légitimement espérer cette pérennité : si la relation ne s’inscrivait pas matériellement dans la continuité en raison de son objet même (location ponctuelle d’un stand), il avait toujours participé à la Foire de Paris et avait fondé sa stratégie commerciale autour de cet événement considéré dans la profession comme majeur.


par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat

Article paru dans la revue Option Finance du 7 novembre 2009