Home / Publications / Rupture conventionnelle du contrat de travail et plan...

Rupture conventionnelle du contrat de travail et plan de départs volontaires

12/02/2010


Les plans de départs volontaires (PDV) sont actuellement légions. Concernant à chaque fois plus de 10 salariés, ils impliquent la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Comment mettre en place un plan de départs volontaires concernant moins de 10 salariés ?


Il est tout à fait envisageable qu’une société envisage un PDV limité à un service particulier et que moins de 10 ruptures du contrat de travail soient envisagées au cours d’une même période de 30 jours.

La création par la Loi du 25 juin 2008 de la rupture conventionnelle homologuée (article L. 1237-11 et suivants du Code du travail) a profondément bouleversé la donne avec l’ancienne rupture du contrat de travail d’un commun accord fondée sur les dispositions de l’article 1134 du Code civil.

Lorsqu’au moins 10 salariés sont concernés, il est possible d’effectuer une rupture du contrat de travail d’un commun accord fondée sur l’article 1134 du Code civil et cette rupture ouvre droit à l’assurance chômage. L’article 1237-16 du Code du travail écarte expressément dans ce cas les dispositions de la rupture conventionnelle homologuée. On sait également que la procédure collective d’information consultation du CE doit être appliquée de la même manière que s’il s’agissait de licenciements économiques (anciens livre IV et Livre III, expert-comptable, CRP ou congé de reclassement, priorité de réembauche, etc.)

Rien n’est en revanche précisé lorsque moins de 10 salariés seraient concernés. On sait simplement qu’une réduction dans un service, par exemple de 8 postes de travail, constitue une décision qui doit faire l’objet d’une consultation du comité d’entreprise conformément aux articles L. 1233-8 et L. 1233-3 du Code du travail.

Dès lors, comment procéder ? Quel serait le support juridique au départ volontaire du salarié : la nouvelle rupture conventionnelle homologuée ou la rupture du contrat de travail d’un commun accord fondée sur l’article 1134 du Code civil ?

La réponse à cette question est décisive pour sécuriser les PDV qui concerneraient moins de 10 salariés. Si le mauvais mode de rupture était utilisé, il pourrait faire l’objet d’une remise en cause.

La question revient donc à déterminer quel est précisément le champ d’application de la rupture conventionnelle homologuée par rapport à l’ancienne rupture du contrat d’un commun accord fondée sur l’article 1134 du Code civil.

Le champ d’application de la rupture conventionnelle

Depuis la Loi du 25 juin 2008, est-il encore possible qu’un contrat de travail soit rompu d’un commun accord sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, c'est-à-dire sans mettre en oeuvre la procédure particulière applicable à la rupture conventionnelle qui aboutit à une homologation par le DDTEFP ?

Le Titre III du Code du travail intitulé « Rupture du CDI » comporte toutes les dispositions relatives aux modes de rupture du CDI (licenciement, personnel, licenciement pour motif économique, etc.) L’article L. 1231-1 alinéa 1 du Code du travail modifié par la Loi du 25 juin 2008 qui est le premier article du Chapitre I « Dispositions générales » du Titre III « Rupture du CDI » précise que « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. » C’est donc dans le Titre III que se trouvent les dispositions permettant de rompre d’un commun accord le CDI. Précisément, le Chapitre VII « Autres cas de rupture » du même Titre III « Rupture du CDI » comporte 3 sections : Section 1 sur les ruptures à l'initiative du salarié, Section 2 sur la retraite et Section 3 sur la rupture conventionnelle.

Selon le Code du travail depuis la Loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle homologuée constitue ainsi la seule forme de rupture d’un commun accord retenue par le Code du travail. Ainsi, depuis la Loi du 25 juin 2008 toutes les ruptures d’un commun accord doivent revêtir la forme d’une rupture conventionnelle homologuée sauf exception expressément prévue par le Code du travail. La Doctrine se prononce très majoritairement dans ce sens (Gérard Couturier, Revue Droit social « Les ruptures d’un commun accord » Septembre Octobre 2008 page 923 ; « La rupture conventionnelle du contrat de travail : premier bilan » La Semaine juridique Social 14 Juillet 2009, Françoise Favennec-Héry et Antoine Mazeaud ; « Rupture conventionnelle du contrat de travail : quel domaine ? » Semaine sociale Lamy 30 juin 2008).

C’est précisément le sens des dispositions de l’article L. 1237-16 qui apporte des exceptions : « La présente section n'est pas applicable aux ruptures de contrats de travail résultant : 1° Des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions définies par l'article L. 2242-15 ; 2° Des plans de sauvegarde de l'emploi dans les conditions définies par l'article L. 1233-61. » L’article L. 1233-61 alinéa 1 du Code du travail précise : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. » En conséquence, seuls les licenciements économiques de plus de 10 salariés sur 30 jours impliquent l’existence d’un PSE et seulement dans ce cas ne s’appliquent pas les dispositions de l’article L. 1237-1 et suivants relatives à la rupture conventionnelle.

L’article L. 1233-3 du Code du travail dispose que les dispositions du chapitre sur le licenciement économique « sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa. » Ceci ne signifie pas que les représentants du personnel ne doivent pas être consultés sur un projet de moins de 10 départs volontaires dans le cadre de ruptures conventionnelles homologuées, mais simplement que cette information et consultation du comité d’entreprise doit s’effectuer dans le cadre des dispositions de l’article L. 2323-15 du Code du travail (ancien livre IV) et non pas de celles des articles L. 1233-28 et suivants du Code du travail (ancien livre III). Ainsi, le comité d’entreprise constitue, en parallèle de l’administration, l’organe d’élaboration des mesures adaptées à la situation. La stricte lecture du Code du travail implique de considérer que la rupture du contrat de travail fondée sur l’article 1134 du Code civil n’existe plus que lorsqu’un PSE avec au moins 10 suppressions d’emplois est mis en oeuvre.

Notre conclusion

À notre sens, il serait envisageable juridiquement de pouvoir mettre en oeuvre des PDV de moins de 10 départs volontaires dans le cadre de la rupture conventionnelle homologuée. Procéder de la même manière mais dans le cadre de rupture d’un commun accord pour motif économique comme cela est possible pour les PSE d’au moins 10 salariés emporterait un certain nombre de risques juridiques pour la société. Le recours à la rupture conventionnelle homologuée aurait également l’avantage d’apporter aux salariés les garanties procédurales liées à l’information de l’administration. Pour les grands PDV, ceux-ci sont notifiés à l’administration qui dispose d’un droit de regard (notification du PSE). Pour une procédure collective de moins de 10 salariés, seul le comité d’entreprise est informé, l’administration étant simplement informée ensuite de l’identité des salariés dont le contrat a été rompu.

Par le recours à la rupture conventionnelle et donc à l’homologation préalable de l’administration, on retrouverait a peu près les mêmes garanties procédurales. Une simple rupture du contrat de travail d’un commun accord sur le fondement de 1134 du Code civil se ferait sans que l’administration ne puisse intervenir. L’avantage de ce raisonnement serait de permettre à des sociétés de procéder à des ajustements d’effectifs de moindre importance en évitant de recourir à des mesures contraignantes et unilatérales généralement à l’origine de difficultés sociales et personnelles pour les salariés concernés.

Bien entendu, le lancement d’une telle procédure impliquerait une prise de contact préalable de l’administration pour bien expliquer que la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle a précisément pour objet de ne pas éluder les garanties procédurales propres au licenciement économique. Sauf à considérer qu’il ne serait pas possible de mettre en place un plan de départs volontaires pour moins de 10 salariés, ce qui ne trouverait aucune explication rationnelle et impliquerait donc de recourir obligatoirement à des licenciements, ce raisonnement devrait pouvoir être retenu.


Guillaume Bossy, avocat associé
CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon

Article paru dans la revue Décideurs : Stratégie, Finance, Droit de novembre 2009