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Stock-options : des précisions administratives qui interpellent

04/09/2006

Aux termes de la réponse CHARTIER (JOAN 25 avril 2006, p. 4424, n° 6416), "(...) dans le cas particulier où les actions issues de la levée d'options ont été démembrées, puis cédées en pleine propriété avec remploi du prix de vente, le gain net de cession est déterminé en retenant comme prix d'acquisition le prix de souscription ou d'achat des actions, majoré de l'accroissement de valeur du droit transmis constaté entre leur date d'acquisition ou de souscription et celle du démembrement. Ce gain net est imposé à concurrence de l'avantage mentionné au I de l'article 80 bis du CGI afférent au droit démembré non transmis, après imputation de l'éventuelle moins-value de cession de ce droit, dans les conditions du I de l'article 163 bis C et du 6 de l'article 200 A du code précité. Le nu-propriétaire cédant de la pleine propriété reste néanmoins le redevable unique, tant de l'imposition à 16% de la plus-value nette se rapportant à la cession de la nue-propriété et de l'usufruit, que de l'imposition à 30% ou, le cas échéant à 40%, du ain net de levée d'option se rapportant à la cession de l'usufruit". Prix d'exercice des options : 70
Valeur réelle des actions à la date d'exercice : 150
Valeur réelle des actions à la date de la donation de la NP1 : 180
Valeur des actions à la date de la cession: 200

L'usufruitier est supposé, pour la simplicité du calcul, être âgé de plus de 61 ans révolus, et de moins de 71 ans révolus aux dates d'exercice, de donation et de cession (valeur US2 = 40% de la valeur en PP3)

  • Détermination du gain net de cession:
    . prix d'acquisition majoré: 70 + 18 (accroissement de valeur de la NP transmise) = 88
    . prix de cession des droits démembrés = 200
    . gain net = 112 (200 - 88)
  • Fraction du gain de levée d'option afférent à l'US conservé (imposable):
    . prix d'exercice afférent à l'US = 28 (70 x 40%)
    . valeur réelle de l'US à la date d'exercice = 60 (150 x 40%)
    . gain de levée d'option = 32 (soit 60 - 28)
  • Fraction du gain de levée d'option afférent à la NP donnée (purgé)
    . prix d'exercice afférent à la NP = 42 (70 x 60%)
    . valeur réelle de la NP à la date d'exercice = 90 (150 x 60%)
    . gain de levée d'option = 48 (90 - 42)
  • Gain de cession afférent à l'US (imposable):
    . prix de cession = 80 (200 x 40%)
    . valeur à la date d'exercice = 60 (150 x 40%)
    . gain de cession = 20 (80 - 60)
  • Gain de cession afférent à la NP (imposable):
    . prix de cession = 120 (200 x 60%)
    . valeur réelle à la date de donation = 108 (180 x 60%)
    . gain de cession: 12 (120 - 108)
  • Gain de cession = 112 (32 + 48 + 20 +12)

S'agissant de la détermination de la "plus-value économique" (gain net de cession), la réponse CHARTIER n'appelle pas de réserve particulière. Il est logique, en effet, de majorer le prix de souscription ou d'achat des actions (70) de l'accroissement de valeur du droit transmis (18), pour neutraliser toute forme de double imposition au titre des droits de donation et de l'impôt de plus-value.

Si cette doctrine présente l'intérêt de lever d'éventuelles incertitudes (afférentes notamment à la purge de la plus-value d'acquisition, où à la nature du gain retiré de la cession), elle recèle néanmoins, quant au traitement fiscal du gain, une manifeste incohérence.
Les débats devant l'IACF, le 12 mai 2004, avaient déjà été l'occasion pour l'administration centrale d'annoncer oralement que la donation de titres issus d'un plan de stock-options ne s'analyse pas en une "cession" au sens des dispositions de l'article 163 bis C du CGI. Cette analyse avait été confirmée par deux courriers de l'administration centrale à notre cabinet, confirmant que "seule une cession à titre onéreux constitue le fait générateur de l'imposition d'une part, de l'avantage tiré de la levée de l'option et d'autre part, de la plus-value de cession" (cf. en ce sens notre article dans ces mêmes colonnes, en date du 14 mars 2005).

La réponse CHARTIER, non seulement officialise cette analyse afférente au fait générateur de l'imposition, mais reconnaît par ailleurs que la donation de titres issus de la levée d'options immunise définitivement la plus-value d'acquisition afférente aux titres transmis. En effet, dans la situation visée, la seule plus-value d'acquisition dont l'administration envisage l'imposition (à l'occasion d'une cession à titre onéreux) correspond au "gain net de levée d'option se rapportant à la cession de l'usufruit".

L'administration consacre, en d'autres termes, la purge de la plus-value d'acquisition afférente à la nue-propriété transmise (et corrélativement aux titres transmis, en cas de donation en pleine propriété).

Pour justifier l'imposition du gain au nom du seul nu-propriétaire ("le nu-propriétaire cédant de la pleine propriété reste ... le redevable unique tant de l'imposition à 16% ... que de l'imposition à 30% ou, le cas échéant à 40%"...), l'administration opère (implicitement mais nécessairement) un détour par la jurisprudence administrative afférente à la cession de titres démembrés, et à sa propre doctrine contenue dans l'instruction du 13 juin 2001 (5 C 01).

Rappelons, à titre liminaire, qu'en vertu des dispositions de l'article 578 du Code civil, le nu-propriétaire est le propriétaire des biens dont l'usufruitier n'a que la jouissance temporaire. Il s'ensuit que l'usufruitier est assujetti aux impôts liés à la jouissance des biens et que le nu-propriétaire est redevable de ceux résultant de leur détention.

Par suite, le gain en capital réalisé à l'occasion de la cession en pleine propriété de titres est imposable au nom du seul nu-propriétaire desdites valeurs, qui doit être réputé en avoir eu la disposition alors même que les produits tirés de la vente sont destinés à être remployés.

Faisant application de ce principe, le juge de l'impôt considère que l'imposition de la plus-value afférente aux titres dont le prix de vente est remployé incombe au nu-propriétaire (cf. CE 28 octobre 1966, n° 68280; CAA Paris 27 juin 2002, n° 98-1005).

Ce courant jurisprudentiel (concernant l'application des dispositions des articles 92 B et 160 du CGI) préfigure la règle applicable sous l'empire du régime unifié d'imposition des plus-values entré en vigueur le 1er janvier 2000 (CGI art. 150 0A et s.).

La doctrine administrative contenue dans l'instruction du 13 juin 2001 (5 C 01), qui a commenté ce nouveau régime d'imposition des plus-values de cession de titres, est conforme à cette jurisprudence; la question posée par Monsieur CHARTIER précise au demeurant que "l'instruction du 13 juin 2001 indique que la plus-value globale est due par le nu-propriétaire".

Il n'est donc pas douteux, compte tenu des dispositions du Code civil auxquelles se conforme la jurisprudence administrative, que c'est au titre d'une plus-value (à l'exclusion d'un avantage salarial) qu'est imposable le nu-propriétaire à raison de la cession conjointe (sans répartition du prix de vente) de droits démembrés afférents à des actions issues d'une levée d'options.

A la lumière de ces observations, la réponse faite au parlementaire révèle une incohérence. En effet, on ne voit pas sur quel fondement légal l'administration prétend imposer le donataire "dans les conditions du I de l'article 163 bis C et du 6 de l'article 200 A" du CGI (soit au taux de 30% ou 40% au titre du gain de levée d'option afférent à l'usufruit conservé).

Faute d'avoir été, à aucun moment, le "bénéficiaire" des options, le donataire ne peut pas relever du régime des stock-options, à savoir des dispositions combinées des articles 80 bis, 163 bis C, et 200 A 6 du CGI.

Le gain résultant de la cession conjointe des droits démembrés, dont l'imposition lui incombe en vertu des principes rappelés ci-dessus (principes autonomes du régime des stock-options) ne peut relever, à notre avis, que du seul régime des plus-values patrimoniales, en tant que telles imposables au taux de 16%.

Relevons, au soutien de cette analyse:

  • qu'en cas de disposition des actions après cessation de l'indisponibilité, le législateur a prévu des modalités d'imposition de l'avantage (rattachement à l'année de cession, application du régime des plus-values de cession de droits sociaux) qui ne peuvent en rien être assimilées à celles retenues pour la taxation d'un avantage salarial
  • que la qualification de plus-value résulte du titre du paragraphe IV Section V du Chapitre Premier du CGI où son imposition est traitée « Imposition des gains nets en capital réalisés à l'occasion des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux ».

Dans ces conditions, s'il n'est pas douteux que le nu-propriétaire est imposable au titre d'une plus-value patrimoniale, l'analyse contenue dans la réponse CHARTIER (selon laquelle "le nu-propriétaire reste le redevable unique (...) de l'imposition à 30% ou, le cas échéant à 40%, du gain net de levée d'option se rapportant à la cession de l'usufruit") n'est pas satisfaisante, en ce qu'elle s'avère parfaitement incompatible avec la nature même du gain.

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1 NP : nue-propriété
2 US : usufruit
3 PP : pleine propriété
Article paru dans la revue Option Finance du 22 mai 2006


Authors:

Olivier de Saint Chaffray, Avocat Associé, Luc Jaillais, Avocat