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Admission et critères d'appréciation de la réception tacite d'un lot

Lettre construction-urbanisme | Mars 2019

25/03/2019

Cass. 3e civ., 30 janvier 2019, n° 18-10.197 et 18-10.699
La réception des travaux est source de fréquents contentieux et la jurisprudence qui en découle permet d’en préciser les contours.

L’arrêt commenté – destiné à une large publication – revient tant sur la notion de réception par lot que sur celle de réception tacite.

En l’espèce, dans le cadre de la réalisation de travaux en corps d’états séparés, un maître d'ouvrage a confié le lot de travaux de terrassement et de gros-œuvre à un entrepreneur. Il a ensuite procédé au paiement de l’intégralité de ce marché mais aucune opération de réception n’est intervenue.

Postérieurement, l’attributaire d’un autre lot a constaté l’apparition de désordres sur l’ouvrage.

Le maître d'ouvrage a alors assigné le titulaire du lot "terrassement et gros-œuvre" (et son assureur) aux fins de voir engager sa responsabilité décennale à titre principal, et sa responsabilité contractuelle à titre subsidiaire.

Pour rappel, la mise en œuvre de la garantie décennale est subordonnée à la réception des travaux dans la mesure où celle-ci constitue le point de départ de cette garantie. La réception peut être amiable ou judiciaire, expresse ou tacite.

Par un arrêt du 26 octobre 2017 (n°14/09389), la cour d’appel de Rennes a écarté l’application de la garantie décennale au motif que la réception tacite du lot "terrassement et gros œuvre" ne pouvait être caractérisée. Elle a considéré :

  • que la réception d’un lot ne peut intervenir qu’à l’achèvement total de l’ouvrage, en raison du principe d’unicité de la réception. Or, l’ouvrage n’était pas achevé lors de l’apparition du désordre ; et 
  • que la réception tacite par la prise de possession et le paiement du prix des travaux exige la preuve de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Or, pour la Cour, la prise de possession n’a pu intervenir alors que le second œuvre n’était pas achevé et le paiement du solde du marché afférent au lot litigieux était insuffisant à démontrer une volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage.

La Cour de cassation censure cette décision au motif que "l'achèvement de la totalité de l'ouvrage n'est pas une condition de la prise de possession d'un lot et de sa réception et que le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître d'ouvrage valent présomption de réception tacite".

D’une part, la Haute juridiction entérine la possibilité de réceptionner des travaux par lots.

Jusqu’alors la réception par lot n’avait été acceptée que par des arrêts non publiés ou déduite par une interprétation a contrario - aux termes d’un arrêt ayant exclu la possibilité de procéder à une réception partielle à l’intérieur d’un même lot (Cass. 3e civ., 2 février 2017, n° 14-19.279).

En outre, l’arrêt commenté reconnaît la réception tacite d’un lot alors même que la totalité de l’ouvrage n’est pas achevée. En effet, en l’espèce le désordre a été remarqué par l’un des intervenants à la construction en cours de chantier. Pourtant, la Cour de cassation caractérise la prise de possession des travaux par le maître d’ouvrage. Une telle position est susceptible d’entraîner une dissociation des dates de prise d’effet et d’extinction de la responsabilité décennale des entreprises chargées de différents lots dans le cadre de la réalisation d’un même ouvrage, source de difficultés pratiques et d’un éventuel accroissement du contentieux.

D’autre part, la Cour précise les critères d’appréciation de la réception tacite.

S’il est constant qu’isolément la prise de possession ou le paiement des travaux ne suffisent pas à établir une réception tacite (Cass. 3e civ., 30 septembre 1998, n° 96-17.014 ; Cass. 3e civ., 16 février 2005, n° 03-16.880), la Cour de cassation a déjà considéré que la réunion de ces deux éléments permettait de caractériser la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux (par exemple : Cass. 3e civ., 8 novembre 2006, n°04-18.145).

En l’espèce, la Cour consacre le fait que cette combinaison établit une présomption de réception tacite. Cette décision s’inscrit dans le courant jurisprudentiel initié en 2016 tendant à la reconnaissance d’une réception tacite présumée (Cass. 3e civ. 13 juillet 2016, n° 15-17.208 ; Cass. 3e civ., 24 novembre 2016, n° 15-25.415 ; Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n°16-11.260). S’il ne s’agit que d’une présomption simple, elle a toutefois pour effet de renverser la charge de la preuve et de faire peser cette dernière sur la partie contestant la réception.


Réception tacite d'un ouvrage

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Lire également : Réception tacite d'un ouvrage : quels critères et possibilités ?


Cet article a été publié dans notre Lettre construction-urbanisme de mars 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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