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De l’ARAFER à l’ART

Une réforme en deux temps et trois mouvements

16/10/2019

L’ARAFER est devenue, le 1er octobre 2019, l’Autorité de régulation des transports. Ses compétences se sont élargies. Sa composition comme son fonctionnement seront réformés par la loi d’orientation des mobilités. 

Premier temps : l’absorption par l’ARAFER de l’Autorité de supervision des redevances aéroportuaires

Le Gouvernement a été habilité par l'article 134 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin d'ériger l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires prévue par la réglementation européenne en une autorité administrative ou publique indépendante ou de l'intégrer à l'une de ces autorités existantes.

Le choix a été fait de confier la mission de réguler les redevances aéroportuaires des aérodromes de plus de cinq millions de passagers annuels et des aérodromes secondaires qui leur sont rattachés à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), dans une logique de régulation multimodale. La compétence appartenait précédemment à une autorité placée auprès du vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGDD) : l’Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (pour en savoir plus sur cette autorité, lire notre article « Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires : clap de fin ! »).

Ce fut l’objet de l’ordonnance n° 2019-761 du 24 juillet 2019 relative au régulateur des redevances aéroportuaires. Ce texte a notamment transformé l’ARAFER en Autorité de régulation des transports (ART) au 1er octobre 2019 et adapté tant sa composition que ses missions : les membres du collège peuvent désormais être nommés à raison de leur compétence en matière de transport aérien et, corrélativement, se voient imposer des règles déontologiques à l’égard des opérateurs du transport aérien.

Au moment même où cette réforme prend effet, l’ART se retrouve au cœur de l’un des nombreux volets de la loi d’orientation sur les mobilités, qui sera prochainement débattue au Sénat en nouvelle lecture.

Second temps : l’évolution de l’ARAFER vers l’Autorité de régulation des transports 

Dans la version adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture le 17 septembre 2019, l’ART se voit confier un nouvel ensemble de missions relatives aux transports publics ferroviaires et routiers. A cette occasion, sa composition est notablement modifiée. On résumera brièvement ces deux ensembles de dispositions qui semblent faire consensus dans leurs grandes lignes entre les deux assemblées. 

On se souvient que les missions de l’ARAFER ont été étendues par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 au transport interurbain par autocar et aux autoroutes sous concession. Ce mouvement d’extension se poursuit pour englober désormais une partie notable des activités de transport, avec en particulier, la régulation du métropolitain parisien et du RER dans Paris ainsi que la gestion technique par la RATP de l’infrastructure du réseau de transport public du Grand Paris.

Par suite, les nouvelles missions de l’ART sont amples et diverses.

Certaines de ces missions sont classiques, comme celles relatives à la régulation et celles portant sur le règlement des différends relatifs à l’accès aux infrastructures ou sur les sanctions.

L’Autorité de régulation des transports va d’abord contrôler les diverses activités de gestion d’infrastructures assurées par la RATP en monopole.

La RATP se voit en effet imposer la séparation comptable de quatre entités : l’opérateur de transport (en concurrence) et le gestionnaire de l’infrastructure du métropolitain et d’une partie du RER (en monopole), mais également, désormais, l’opérateur de la gestion technique du réseau de transport public du Grand Paris et le service interne de sécurité (chargé de veiller à la sécurité des personnes et des biens, de protéger les agents de l'entreprise et son patrimoine et de veiller au bon fonctionnement du service). C’est à l’ART qu’incombera l’approbation des règles de séparation comptable (périmètres ; règles d’imputation des postes d’actifs et de passifs, de recettes et de charges ; principes déterminant les relations financières entre ces activités), à l’instar de la Commission de régulation de l’énergie à l’époque où les établissements publics EDF et Gaz de France n’étaient tenus qu’à une dissociation comptable ; ces décisions de l’ART seront toutefois soumises à l’homologation du ministre des Transports. L’ART garantira en outre le cloisonnement financier entre les activités concurrentielles de la RATP (métropolitain, bus, RER, tramway à Paris et en petite couronne) et celles que la Régie ou ses filiales (comme RATP Dev) exercent sur le marché.

A la différence, en revanche, du secteur de l’énergie où le régulateur fixe lui-même la rémunération des opérateurs régulés, l’ART donnera un avis conforme sur la rémunération de l’activité de gestionnaire de l’infrastructure versée par Île-de-France Mobilités à la RATP pour la durée de leur convention pluriannuelle, ainsi que sur celle due à la RATP pour la gestion technique du réseau de transport public du Grand Paris, dans le but de garantir la caractère approprié du financement public de ces différentes activités exercées en monopole.

Au titre de son activité de gestion technique du réseau de transport public du Grand Paris, la RATP devra par ailleurs élaborer un plan de gestion des informations commercialement sensibles qu’elle détient ou manipule afin que leur divulgation ne porte atteinte ni aux règles de concurrence, ni au principe de non-discrimination entre opérateurs de transport. L’ART rendra un avis conforme sur ce plan, dont la violation sera pénalement sanctionnée.

Enfin, signalons que la RATP devra publier chaque année un document de référence permettant d’assurer un traitement transparent, équitable et non discriminatoire entre les exploitants désignés par Ile-de-France Mobilités. L’ART émettra sur ce document un avis motivé, comme celui qu’elle doit rendre sur le document de référence du réseau préparé par SNCF Réseau (article L.2133-6 du Code des transports). La RATP publiera également, chaque année, un document de référence et de tarification des prestations de sûreté, sur lequel l’ART émettra un avis conforme.

L’ART se voit par ailleurs confier la mission de régler les différends concernant le Grand Paris sur les désaccords qui pourraient naître entre le gestionnaire d’infrastructures de la RATP, d’une part, et les opérateurs de transport ou Ile-de-France Mobilités, d’autre part. Il s’agira sans doute essentiellement des conditions d’accès à l’infrastructure. L’ART précisera les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend et prendra les mesures appropriées pour corriger toute discrimination ou toute distorsion de concurrence. Lorsque ce sera nécessaire pour régler le litige, elle fixera en outre les conditions d’utilisation de l’infrastructure par l’exploitant ou les modalités de gestion technique du réseau de transport public du Grand Paris.

Le pouvoir conféré à l’ART d’enquêter sur pièces et sur place est étendu à la RATP, au titre des différentes missions qu’elle exerce, de même que la RATP devient justiciable de la Commission des sanctions de l’ART.

On soulignera enfin que le président de l’ART pourra saisir l'Autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il aura connaissance dans le champ de ces nouvelles missions, comme il peut le faire au titre des attributions actuelles de l’ART.

Plus originales sont en revanche les compétences conférées à l’ART pour offrir des garanties aux agents de la RATP amenés à changer d’employeur, dans les cas où la Régie perdra des lignes d’autobus ou d’autocar en Ile de France. Ces activités vont de fait s’ouvrir à la concurrence en application de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires (loi ORTF). 

En effet, en vertu du droit commun, à savoir l’article L.1224-1 du Code du travail, ces agents devront être repris par le nouvel opérateur choisi par l’autorité organisatrice des transports dans la région, à savoir Ile-de-France Mobilités (IDFM). Si le législateur a entendu maintenir la garantie statutaire de l’emploi (CE, Ass., 22 juin 2001, n° 222600, Berton) et le bénéfice du régime spécial de retraite pour les agents statutaires qui acceptent ce changement d’employeur, le refus des autres agents constituera une cause réelle et sérieuse de licenciement par le cessionnaire. Pour autant, le nouvel opérateur n’aura pas nécessairement exprimé le besoin de conserver tous les agents, statutaires ou contractuels, précédemment affectés à cette ligne : c’est par accord entre l’autorité organisatrice et le cédant (dans un premier temps, la RATP) que sera fixé le nombre des agents transférés. En cas de différend, chacune de ces parties pourra demander à l’ART de trancher.*

 

A l’instar de ce qui a été décidé par le législateur délégué dans le transport aérien, cette extension des missions de l’ART a conduit le législateur à modifier la composition et, dans une certaine mesure, à dessiner le modèle du régulateur sectoriel.

A l’heure actuelle, le collège de l'ART compte sept membres nommés par décret en raison de leurs compétences économiques, juridiques ou techniques dans le domaine des services et infrastructures de transport terrestre ou aérien, ou pour leur expertise en matière de concurrence, notamment dans le domaine des industries de réseau. Leur mandat est de six ans non renouvelable et, à l'exception du président, les membres du collège sont renouvelés par tiers tous les deux ans.

Cette composition crée une forme d’instabilité. En outre, seuls le président et les deux vice-présidents exercent leurs fonctions à plein temps, ce qui provoque une forme de dichotomie au sein du collège. Enfin, il existe une certaine contradiction entre le choix de personnalités compétentes et très spécialisées et le régime d’incompatibilités qui est inhérent à la fonction de régulation sectorielle.

Aussi, le législateur a-t-il fait le choix dans la LOM de restreindre le collège à cinq membres, tous à plein temps et rémunérés, tout en prévoyant que l’un d’eux pourra être choisi parmi les personnes compétentes dans le domaine des services numériques. Le président restera désigné par décret en Conseil des ministres. Les autres membres seront choisis pour moitié par le président de l’Assemblée nationale et pour moitié par celui du Sénat, dans le respect d’un principe de parité. La transition sera souple : les membres actuels devraient terminer leurs mandats.

Cette évolution tend ainsi à dessiner un portrait-type du régulateur sectoriel moderne : un collège resserré, des membres affectés à plein temps à leur mission, la réunion au sein de cet aréopage paritaire de compétences spécialisées permettant de répondre à la diversité des activités régulées ou surveillées et un fonctionnement nécessairement plus collégial.

Plusieurs questions restent ouvertes : celles de la personnalité morale et des ressources propres, qui sont largement liées (l’ART dispose de l’une et des autres) celle de l’identité ou de la distinction des organes chargés respectivement du règlement des différends et des sanctions (au sein de la CRE, par exemple, ces deux fonctions sont confiées à un comité spécialisé, composé de magistrats administratifs et judiciaires ; le collège de l’ART règle au contraire les différends). 

*

Cette réforme importante de la régulation des transports sera prochainement suivie de celle des jeux. L’Autorité nationale des jeux (ANJ) va remplacer l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), en conséquence également d’une substantielle extension du champ des activités régulées, en vertu de l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard : à partir du 1er janvier 2020, l’ANJ fixera les prix, agréera et surveillera les opérateurs et pourra leur infliger des sanctions, dans les activités de jeux en ligne, paris sportifs, courses hippiques loteries, jeux de grattage...

Le modèle de la régulation par une autorité indépendante s’étend donc, indépendamment des obligations européennes de la France. C’est probablement le fruit d’une exigence accrue de professionnalisme, d’égalité de traitement et de publicité, dont l’on fait aujourd’hui masse sous le vocable paradoxal de « transparence » et qui répond partiellement à la crise des modalités traditionnelles d’intervention de l’Etat dans l’économie.


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Lire également : Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires : clap de fin !


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Cet article a été publié dans notre Lettre des régulations d'octobre 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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