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Déposant d’un dessin ou modèle communautaire, créatif tu seras

Lettre Propriétés intellectuelles | Janvier 2019

31/01/2019

Dans cette affaire, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) était saisi d’un recours à l’encontre d’une décision de la 3e chambre de recours de l’Office euroéen pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 juillet 2017 (R 914/2016-3), qui avait confirmé l’annulation pour défaut de caractère individuel du modèle communautaire de pistolet à peinture ci-dessous 

fondée sur le modèle communautaire suivant appartenant au demandeur en nullité :

Rappels sur le régime des dessins et modèles communautaires – Les dessins et modèles de l’Union européenne sont régis par le règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires (RDMC).
En raison de la simplicité de sa procédure de dépôt et du montant extrêmement raisonnable des taxes afférentes, le succès du système communautaire d’enregistrement des dessins et modèles se confirme d’année en année. Ainsi le nombre total de dessins et modèles communautaires enregistrés en vigueur est supérieur à 1,2 million.

Les demandes d’enregistrement ne font l’objet d’aucun examen de fond. Aucune procédure d’opposition n’étant par ailleurs prévue, toutes les questions de validité et de titularité du droit relèvent de la procédure d’annulation.

Pour qu’un dessin ou modèle communautaire soit protégé, l’objet de la protection doit être conforme à la définition d’un dessin ou modèle (article 3 du RDMC), il doit être nouveau (article 5 du RDMC) et enfin présenter un caractère individuel (article 6 du RDMC).

L’essentiel du contentieux de l’annulation est fondé sur ce critère du caractère individuel, comme en l’espèce.

Appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle communautaire - Selon l'article 6-1 du RDMC, un dessin ou modèle présente un caractère individuel lorsque l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date du dépôt du dessin ou modèle contesté.

L’intensité de "l’impression globale différente" varie selon le produit auquel le dessin ou modèle est appliqué et le degré de liberté du créateur dans son élaboration.

Ainsi que le Tribunal l’a précisé, "le caractère individuel d'un dessin ou modèle résulte d'une impression globale de différence, ou d'absence de ’déjà-vu’, du point de vue de l'utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu'excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d'ensemble dissemblables" (TUE, 29 octobre 2015, T-334/14, Roca Sanitario c/ OHMI et Villeroy & Boch, points 58 et 74, pour un robinet à commande unique).

Le critère de l’impression globale différente suppose donc un écart clair entre le modèle contesté et l’art antérieur. A défaut d’une différence claire, la protection ne se justifie pas et l’octroi d’un monopole n’a aucune raison d’être.

Retour sur la notion d’utilisateur averti - la qualité d’"utilisateur" implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif "averti" suggère quant à lui que, sans être un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise.

Il s’agit par conséquent d’un personnage fictif situé entre le consommateur moyen, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique, et l’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti désigne un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (TUE, 15 octobre 2015, T-251/14, Promarc Technics c/ OHMI et PIS, points 42 et 43, pour une pièce de porte).

Appréciation de la liberté créatrice du déposant - Au cas d’espèce, le Tribunal de l’Union européenne a estimé qu’en dépit des contraintes liées à la forme d’un pistolet et de certains composants tels que la poignée, la gâchette, le canon et les dispositifs de réglage, lesquels remplissent tous une fonction technique, le créateur dispose néanmoins d’un degré considérable de liberté s’agissant de leur apparence et de leur configuration spécifique (point 33).

Or les modèles en conflit ne diffèrent que par quelques détails, à savoir "l’utilisation des couleurs verte et jaune, la forme et la position du système de couleur au bas de la poignée et de l’embout, la forme des extrémités des deux vis, qui est aplatie dans le dessin ou modèle contesté et conique dans le dessin ou modèle antérieur, l’ouverture sous le crochet, qui est carrée dans le dessin ou modèle contesté et circulaire dans le dessin ou modèle antérieur, et la forme de la poignée, qui est plus mince et légèrement renflée dans le dessin ou modèle contesté et plus large et plate dans le dessin ou modèle antérieur" (point 40).

Ces différences ne suffisent pas à produire une impression globale différente dans l’esprit de l’utilisateur averti entre le modèle argué de nullité et le modèle communautaire antérieur. Le TUE confirme donc la nullité du dessin ou modèle contesté (TUE, 29 novembre 2018, T-651/17, Sata c/ EUIPO et Zhejiang Auarita Pneumatic).

On peut regretter, dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres, que ne soit pas plus exploité et affirmé le fait qu’un dessin ou modèle doit présenter un certain caractère esthétique (ce qui semble pourtant inhérent à l’objet du dessin ou modèle protégé). S’agissant d’un droit qui n’est soumis à aucune obligation d’usage et dont la protection n’est pas définie par référence à une catégorie de produits, la protection des formes les plus banales ou dénuées d’esthétique devrait en effet être exclue.


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Expertise : Droit de la propriété intellectuelle

Publication : Lettre Propriétés intellectuelles

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