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Précisions apportées au régime juridique des travaux sur un bâti existant irrégulier

Lettre construction-urbanisme | Mars 2019

25/03/2019

CE, 26 novembre 2018, n° 411991

Cette décision intéresse l’ensemble des acteurs de l’immobilier puisque le Conseil d’Etat vient préciser que l’Administration qui n’a pas contesté en temps utile la conformité des travaux autorisés, à la suite d’une déclaration d’achèvement et de conformité des travaux (DAACT), ne peut exiger d’un pétitionnaire, réalisant ultérieurement des travaux sur l’existant, le dépôt d’une demande d’autorisation de construire globale en vue de régulariser les éléments irréguliers du bâti existant.

Il s’agit d’une restriction à la jurisprudence "Thalamy" (CE, 6 juillet 1986, n° 51172), laquelle impose au pétitionnaire qui demande l’autorisation d’effectuer des travaux sur une construction irrégulièrement édifiée ou modifiée, de régulariser l’existant. A cette fin, il appartient à l’intéressé de déposer une demande d’autorisation globale portant sur la réalisation des travaux projetés mais aussi sur la régularisation du bâti.

Dans cette affaire, le maire de Saint-Gély-du-Fesc (Hérault) a délivré aux pétitionnaires un permis de construire le 7 juillet 2005 pour édifier leur maison à usage d’habitation. Lors de la procédure de récolement des travaux en 2008, les services de l’urbanisme n’ont pas relevé la non-conformité de la construction (implantation par rapport aux limites séparatives et aspect extérieur). Par un arrêté municipal du 27 juin 2012, les pétitionnaires ont obtenu un nouveau permis en vue de surélever leur bien, créant ainsi une surface de plancher de 143 m². Un tiers voisin a attaqué ce nouveau permis ; recours rejeté par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2015.

Ce jugement et le permis de construire ont ensuite été annulés par la cour administrative d’appel de Marseille le 28 avril 2017. Le juge d’appel a estimé, d’une part, que la maison construite en exécution du permis de 2005 ne respectait pas la distance de la construction par rapport à la limite parcellaire et, d’autre part, que son aspect extérieur méconnaissait les prescriptions architecturales opposables. Sans possibilité de régularisation par un permis de construire modificatif selon la Cour, la première illégalité retenue tenant à l’irrégularité de la construction existante justifiait cette double annulation, conformément à une stricte application de la jurisprudence "Thalamy". Il a ainsi été considéré que les pétitionnaires auraient dû déposer une demande de permis portant notamment sur la régularisation de l’ensemble des éléments de la construction existante, même en l’absence de contestation par les services compétents de la conformité des travaux. Dès lors, la Cour a écarté toute possibilité de régularisation, aussi bien au titre de la "régularisation post-annulation" de l’article L.600-5 du Code de l'urbanisme, qu’au titre du "sursis à statuer pour régularisation" de l’article L.600-5-1 du même code.

Les pétitionnaires se sont logiquement pourvus en cassation et, par une décision du 26 novembre 2018, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt d’appel.

Rappelant tout d’abord les règles posées par la jurisprudence "Thalamy" et ses développements ultérieurs en matière de travaux sur construction irrégulière, le Conseil d’Etat vient tempérer la règle imposant la régularisation des constructions irrégulières lors d’une nouvelle demande. Selon la Haute juridiction, si l’Administration ne conteste pas la conformité des travaux dans le délai de 3 ou 5 mois – selon le cas – à compter de la DAACT, elle ne peut plus exiger du pétitionnaire, qui envisage de faire de nouveaux travaux sur la construction existante, qu’il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant également sur les éléments existants, sauf cas de fraude.

Le Conseil d’Etat suit ainsi les conclusions de son rapporteur public, selon lesquelles "l’écoulement des délais prescrits par les textes sans réaction de l’administration la prive non seulement de la possibilité de contester les travaux, pour ainsi dire par voie d’action (administrative), en demandant directement à l’intéressé de se mettre en conformité, mais aussi par voie d’exception en saisissant l’occasion d’une nouvelle demande de permis sur le bâtiment concerné pour conditionner son accord à une mise en conformité, faute de quoi cette garantie serait privée d’une part significative de sa substance".

Le Conseil d’Etat censure donc l’arrêt d’appel pour erreur de droit, dès lors que la Cour d’appel a jugé inopérante la circonstance que la commune n'avait pas relevé la non-conformité du permis accordé le 7 juillet 2005 lorsqu'elle a procédé au récolement des travaux le 1er juillet 2008. L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Le juge administratif pose ainsi une nouvelle restriction à la jurisprudence "Thalamy", s’ajoutant notamment à celle prévue par le Code de l’urbanisme et relative aux constructions achevées depuis plus de 10 ans (article L.421-9 du Code de l'urbanisme).


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Cet article a été publié dans notre Lettre construction-urbanisme de mars 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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