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Que prévoit le projet de loi sur la "surtransposition"

des directives européennes en matière de communications électroniques ?

22/01/2019

Le texte présenté le 3 octobre 2018 en Conseil des ministres propose d’"éliminer certaines formalités et normes jugées injustifiées ou pénalisantes" dans plusieurs domaines, dont les communications électroniques.

Deux mesures de simplification sont concernées.

Suppression de l'obligation de déclaration préalable à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) des réseaux ouverts au public et de la fourniture au public de services de communications électroniques

Cette obligation résulte de l'article 3 de la directive 2002/20 du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui prévoyait une "autorisation générale" de fourniture de réseaux ou de services, mais admettait que les États membres puissent lui substituer une déclaration préalable permettant aux autorités de régulation de tenir un registre ou une liste des fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques.

C’est cette seconde option que la France a choisie, en adoptant les dispositions de l'article L.33-1 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE), dont il résulte que "l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres, sous réserve d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes".

Le nouveau Code européen des communications électroniques, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 17 décembre 2018, préserve la possibilité, pour les États membres, de choisir la déclaration préalable tout en précisant davantage les informations à transmettre par les autorités nationales à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE).

Toutefois, à l’inverse du choix effectué par le législateur en 2004, le Gouvernement souhaite aujourd’hui supprimer la déclaration préalable en raison : 

  • des critiques des opérateurs, qui voient dans l’exercice de cette simple faculté ouverte par la directive la création d’une barrière à l'entrée sur le marché ;
  • du caractère superflu des informations contenues dans cette déclaration, l'Administration pouvant les obtenir par d'autres moyens.

L'ARCEP estime par ailleurs que les informations contenues dans la déclaration ne permettent pas nécessairement d'obtenir une image fiable du marché des communications électroniques, les opérateurs fournissant souvent par prudence des informations vagues et prospectives. De plus, elle constate que les opérateurs qui mettent un terme à leurs activités n'en informent que rarement l'Autorité et ne sont dès lors pas radiés de la liste.

L’ARCEP et la Fédération française des télécoms (FFT) se sont donc déclarées favorables à la mesure contenue dans le projet de loi, la FFT en relevant la portée très limitée au regard des nombreuses surtranspositions intervenues en matière de communications électroniques.

Suppression de l'obligation de compatibilité des nouveaux équipements terminaux radioélectriques avec la norme IPv6

La directive 2014/53 du 16 avril 2014 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d'équipements radioélectriques (dite "RED") précise les "exigences essentielles" qui s'imposent aux équipements radioélectriques, en particulier en matière de protection de la santé et de la sécurité des personnes, ainsi que de protection des biens.

Aujourd’hui, les différents nœuds du réseau Internet se voient attribuer des adresses IP (Internet Protocol). Or, la version actuelle du protocole IP, à savoir l'IPv4, n'est plus adaptée à l'usage croissant d'Internet et engendre une augmentation exponentielle du nombre d'adresses IP.

L'IPv6 a donc été établie pour répondre à l’épuisement du stock d’adresses et offre en outre de nouvelles fonctionnalités pour renforcer la sécurité et optimiser le routage. C’est pourquoi l'article 42 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016  pour une République numérique prévoit que, "à compter du 1er janvier 2018, tout nouvel équipement terminal [...] destiné à la vente ou à la location sur le territoire français doit être compatible avec la norme IPV6".

Les deux protocoles étant incompatibles, le Gouvernement entend aujourd’hui supprimer l'obligation de conformité à la norme IPv6, pour les motifs suivants :

  • d’une part, la disposition prévue par la loi de 2016 serait contraire à la directive du 16 avril 2014 : celle-ci est d'harmonisation maximale et les États membres ne peuvent ajouter de nouvelles exigences de conformité.
    Le champ d'application de la directive, qui concerne les équipements radioélectriques, est au surplus plus restreint que celui de l'article 42 de la loi pour une République numérique, qui concerne l'ensemble des équipements terminaux. Les industriels français subissent de ce fait une lourde contrainte, en dehors de tout cadre européen, alors que les équipements concernés ne sont pas développés et fabriqués pour le seul marché français ;
  • d’autre part, cette obligation est à la fois disproportionnée et difficilement applicable.

La loi de 2016 ne prévoit pas de période transitoire appropriée qui imposerait aux entreprises de production d'abandonner leur stock d'équipements non conformes et d'engager très rapidement des investissements conséquents.
La suppression de cette mesure a été accueillie favorablement par la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), ainsi que par la FFT. Leurs adhérents, qu'ils soient opérateurs ou fabricants, ont en effet réclamé à de nombreuses reprises la suppression de cette obligation, sans avoir reçu de réponse jusqu’ici de la part du Gouvernement.

Le Gouvernement et l'ARCEP devront toutefois poursuivre la réflexion pour encourager une transition rapide vers l'IPv6, au risque sinon de créer un désavantage compétitif à long terme pour l'industrie française des équipementiers radioélectriques.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des régulations de janvier 2019Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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