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Clause de non-sollicitation portant atteinte à la liberté d’entreprendre

Conditions de validité

02/12/2021

Pour la première fois, la Cour de cassation affirme qu’une clause de non-sollicitation de personnel doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger (Cass. com., 27 mai 2021, n° 18-23.699).

Autonomie des clauses de non-sollicitation et des clauses de non-concurrence

La Cour de cassation distingue classiquement clause de non-concurrence et clause de non-sollicitation de personnel et considère que la seconde n’est ni une variante, ni une précision de la première. En effet, l’objet des deux clauses diffère sensiblement : alors que la clause de non-concurrence vise à interdire à une entreprise d’en concurrencer une autre en exerçant une activité identique ou similaire (notamment en cas de cession de fonds de commerce), la clause de non-sollicitation tend à protéger le savoir-faire d’une entreprise en évitant qu’un partenaire économique (un client par exemple) ne cherche à débaucher un membre de son personnel.

Il en résulte que les conditions de validité de la clause de non-concurrence (en matière commerciale, limitation dans le temps et dans l’espace et caractère proportionné aux intérêts légitimes à protéger) ne sont pas applicables à la clause de non-sollicitation de personnel.

Les modalités d’appréciation de la validité de la clause de non-sollicitation méritaient donc d’être précisées, ce que la Cour de cassation s’attache à faire dans son arrêt du 27 mai 2021.

Une condition de validité désormais commune

En l’espèce, les sociétés A et B, spécialisées dans la commercialisation de fournitures bureautiques, concluent avec d'autres sociétés distribuant de telles fournitures, dont la société C, une charte de bonnes pratiques prévoyant notamment que chacune s'engage à n'embaucher, sauf accord explicite dérogatoire entre les parties concernées, aucun "commercial" employé par un autre membre du groupement ou ayant été employé par un autre membre du groupement et ayant quitté celui-ci depuis moins d'un an.

Estimant que les sociétés A et B ont violé cette clause en embauchant plusieurs de ses anciens commerciaux qui ont démarché ses clients au bénéfice de leur nouvel employeur, la société C les poursuit en réparation.

Pour se défendre, les sociétés A et B contestent la validité de la clause litigieuse en faisant valoir qu’elle n’est pas proportionnée à la protection des intérêts légitimes de la société C alors même qu’elle porte atteinte à la liberté d’entreprendre et la liberté du travail.

La cour d’appel de Dijon conclut au contraire à la validité de la clause litigieuse au motif notamment qu’il s’agit d’une clause de non-sollicitation et non d’une clause de non-concurrence dont elle n'est ni une variante ni une précision, de sorte que le cadre rigoureux des clauses de non-concurrence ne trouve pas à s'appliquer.

La Cour de cassation censure cette décision : il résulte de la combinaison de l'ancien article 1134 du Code civil (relatif à la force légale des conventions), des principes de liberté du travail et de liberté d'entreprendre qu'une "stipulation contractuelle qui porte atteinte aux dits principes n'est licite que si elle est proportionnée aux intérêts légitimes à protéger compte tenu de l'objet du contrat".

Pour la Cour de cassation, dès lors que la clause litigieuse, conclue entre entreprises concurrentes, portait atteinte à la liberté du travail des personnes liées contractuellement à ces entreprises ainsi qu'à la liberté d'entreprendre de ces dernières, la Cour d’appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si ces atteintes étaient proportionnées aux intérêts légitimes que la clause était censée protéger.

Vers un plus strict encadrement des clauses de non-sollicitation

Sans revenir sur l’autonomie de la clause de non-sollicitation de personnel, la Cour de cassation considère désormais que toute clause contractuelle (peu important sa qualification), dès lors qu’elle porte atteinte à des principes tels que la liberté du travail et la liberté d’entreprendre, doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger compte tenu de l’objet du contrat.

Pour apprécier le caractère proportionné des atteintes portées à ces principes, rien ne paraît interdire de prendre en considération leur limitation dans le temps et dans l’espace, comme en matière de licéité des clauses de non-concurrence.

Le tempérament apporté par la Cour de cassation à la dichotomie classique entre clause de non-concurrence et clause de non-sollicitation de personnel se traduit donc in fine par un encadrement plus strict de cette dernière.

Dans cette affaire, la question sera donc pour la Cour d’appel de renvoi de savoir si l’atteinte portée à la liberté de travail et à la liberté d’entreprendre est bien proportionnée à l’éventuel risque de détournement de clientèle que la clause litigieuse a pour objet de prévenir. 


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Elisabeth Flaicher-Maneval
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