Home / Actualités / Commande publique : l'autoconsommation facilitée...

Commande publique : l'autoconsommation facilitée par la loi EnR

De nouvelles dispositions permettent aux acheteurs de couvrir leurs besoins en électricité à partir de sources renouvelables.

23/05/2023

La volatilité des prix de l'énergie sur le marché de détail a fait prendre conscience des opportunités offertes par les montages en autoconsommation, individuelle ou collective. Le législateur a donc souhaité, avec l'article 86-I, 3° de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (dite EnR), permettre explicitement aux acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP) d'y recourir pour leurs besoins en électricité produite à partir de sources renouvelables. Ce faisant, il a aplani certaines difficultés pouvant se présenter, sans toutefois lever l'ensemble des incertitudes.

Autoconsommation individuelle

L'autoconsommation individuelle est définie comme « le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l'électricité produite par son installation » (art. L. 315-1, al. 1er du Code de l'énergie). L'électricité produite peut être directement consommée ou stockée.

Le nouvel article L. 331-5, 1° dudit code autorise la passation d'un contrat de la commande publique pour la mise en œuvre d'une opération d'autoconsommation individuelle, et ce « dans les conditions prévues par le [CCP] ». Mais il est aussi envisagé que le contrat puisse confier à un tiers mentionné à l'article L. 315-1 du Code de l'énergie « l'installation, la gestion, l'entretien et la maintenance de l'installation de production » (ci-après les « contrats d'installation »). Cela paraît ouvrir une nouvelle dérogation à l'obligation d'allotissement de l'article L. 2113-10 du CCP et créer ainsi un nouveau type de marché global sui generis, aux côtés des marchés de partenariat et marchés globaux de performance. Le recours aux contrats de concession paraît plus incertain, sauf à pouvoir identifier le transfert d'un risque d'exploitation significatif.

Le contrat global choisi ne pourra pas, en tout état de cause, transférer au titulaire la qualité d'exploitant de l'installation de production, au sens du Code de l'énergie, dans la mesure où celle-ci doit être conservée par le consommateur/producteur. La conclusion d'un contrat de la commande publique dans le cadre d'une opération d'autoconsommation individuelle est conditionnée par le fait que le titulaire « demeure soumis aux instructions de l'autoproducteur », condition reprise de l'article L. 315-1, al. 3 du Code de l'énergie afin de préserver l'unicité de personne morale entre le producteur et le consommateur, quand bien même le producteur/consommateur décide de confier à un tiers les prestations d'installation, gestion, entretien et maintenance.

Durée des contrats d'installation. La durée de ces contrats est souvent considérée comme un obstacle au soutien par les personnes publiques au développement des EnR : l'article L. 2112-5 du CCP, en imposant « une remise en concurrence périodique », aboutit le plus souvent à des contrats de courte durée, en deçà de cinq ans, bien inférieure à la durée d'amortissement des installations EnR qui peut atteindre vingt ans.

Le nouvel article L. 331-5 du Code de l'énergie précise, de manière bienvenue, que la durée des contrats peut prendre en compte « la durée d'amortissement des installations nécessaires à leur exécution, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'acquiert pas ces installations ». Cet ajout ne donne toutefois pas une liberté absolue : il n'aura vocation à jouer que lorsque les contrats conclus porteront sur de nouvelles installations et ne pourra être utilisé aux fins d'allongement de la durée de contrats portant sur des installations d'ores et déjà amorties.

La durée des contrats peut prendre en compte la durée d'amortissement des installations nécessaires à leur exécution.

Tiers-financement. Ce nouvel article n'aborde pas la question de savoir si les installations peuvent être préfinancées par le titulaire, celui-ci se remboursant au fur et à mesure dans le cadre du prix versé par l'acheteur, et donc donner lieu à un tiers-financement. Cette problématique ne concerne que les acheteurs soumis à l'interdiction du paiement différé (article L. 2191-5 du CCP), à savoir l'Etat, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.

A dire vrai, lorsque l'acheteur n'acquiert pas les installations, en cours de contrat ou à son terme, la question d'un tiers-financement ne se pose a priori pas. Dans le cas contraire, pour les acheteurs non soumis à l'interdiction de paiement différé, une telle possibilité existe en tout état de cause. Pour les autres, la conclusion d'un marché de partenariat sera envisageable, à supposer qu'ils fassent partie des acheteurs autorisés à y recourir.

De plus, lorsqu'il est question d'installations de nature mobilière, une forme de préfinancement par le titulaire du marché dans le cadre d'un contrat de location ou de crédit-bail mobilier permettant à l'acheteur public d'acquérir les biens à un prix prenant en compte le montant des loyers déjà versés pourrait être envisagée, sans pour autant violer l'interdiction de paiement différé.
Il peut en effet exister différentes formules de marchés publics impliquant une location, celle-ci ne requérant pas un paiement différé, mais le paiement même de la prestation rendue : l'article L. 1111-3 du CCP définit en effet les marchés publics de fournitures comme des marchés ayant pour objet « l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ».

Autoconsommation collective

L'autoconsommation collective est une organisation contractuelle dans laquelle des personnes productrices et consommatrices d'électricité, qui sont dans le même bâtiment ou non loin, se rapprochent et créent une personne morale tierce qui aura pour objet d'affecter des volumes d'électricité produits aux consommateurs (art L. 315-2, al. 1er du Code de l'énergie). Il s'agit d'une construction juridique, sans stricte réalité physique : producteurs et consommateurs disposent tous d'un raccordement direct au réseau électrique et donc injectent et soutirent l'électricité dans et depuis le réseau public d'électricité.

Producteurs et consommateurs doivent être réunis au sein d'une personne morale organisatrice (PMO) de l'opération d'autoconsommation. Sa forme juridique est libre (société commerciale, association, etc.), l'article L. 315-2 indiquant simplement qu'elle doit être dotée de la personnalité morale. La PMO est en lien direct avec le gestionnaire de réseau via une convention d'auto consommation, dont le contenu est réglementé.

Un contrat est donc conclu entre la PMO et le gestionnaire de réseau compétent (Enedis ou les entreprises locales de distribution), conformément à l'article D. 315-9 du Code de l'énergie. La PMO doit lui indiquer la répartition de la production autoconsommée entre les consommateurs finals concernés (art. L. 315-4). Les exploitants, les installateurs, les commercialisateurs d'installations de production d'électricité participant à l'opération d'autoconsommation doivent déclarer leurs installations au gestionnaire du réseau public préalablement à leur mise en service (art. L. 315-7). Ce dernier sera par ailleurs en charge de l'affectation des flux en appliquant la clé de répartition convenue entre les producteurs et les consommateurs.

Articulation avec le CCP. Le nouvel article L. 331-5, 2° du Code de l'énergie précise qu'un contrat de la commande publique peut être passé « dans le cadre d'une opération d'autoconsommation collective […] avec un ou plusieurs producteurs participant à cette opération » (le « contrat d'achat »). Cela induit quelques remarques. Tout d'abord, comme en matière d'autoconsommation individuelle, la durée des contrats peut prendre en compte la durée d'amortissement des installations nécessaires à leur exécution, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'acquiert pas ces installations.

Ensuite, la question d'une mise en concurrence préalablement à la conclusion des contrats se pose au regard notamment de l'exemption de publicité et de mise en concurrence pour des raisons techniques (art. R. 2122-3 2° du CCP). Des amendements avaient été déposés devant le Parlement pour exonérer de mise en concurrence dans le cas où : « d'une part, le pouvoir adjudicateur […] n'est pas à l'initiative de la réalisation de l'opération et, d'autre part, ladite opération est la seule mise en œuvre dans le périmètre géographique fixé par l'arrêté visé à l'article L. 315-2 ». Ils ont toutefois été rejetés. En effet, une exonération automatique des règles de publicité et de mise en concurrence pour des raisons techniques aurait porté atteinte aux principes fondamentaux de la commande publique et au droit européen. Cela étant, en fonction du contexte de l'opération et de la définition du besoin que fera l'acheteur, il ne faut pas exclure que les conditions d'application de l'article R. 2122-3 du CCP puissent être remplies. Il conviendra donc d'apprécier, au cas par cas, si l'opération d'autoconsommation collective envisagée comporte des raisons techniques qui impliquent nécessairement que le contrat d'achat soit attribué à un seul et unique producteur.

Ce qu'il faut retenir

  • L'article 86-I, 3° de la loi EnR du 10 mars 2023 permet explicitement aux acheteurs soumis au Code de la commande publique de recourir au dispositif de l'autoconsommation pour leurs besoins en électricité produite à partir de sources renouvelables.
  • Un contrat de la commande publique peut ainsi être conclu pour la mise en œuvre d'une opération d'autoconsommation individuelle, et le cas échéant, en confiant à un tiers l'installation, la gestion, l'entretien et la maintenance de l'installation de production.
  • Un tel contrat peut également être passé dans le cadre d'une opération d'autoconsommation collective avec un ou plusieurs producteurs y participant.

Article initialement paru dans le Moniteur du 14 Avril 2023


 Le droit de l'énergie au sein de notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats dispose d’une équipe parmi les plus reconnues en matière de droit de l’énergie qui conseille les acteurs du secteur de l’énergie sur toute la chaîne de valeur. Notre cabinet d'avocats vous propose une approche qui repose sur une compréhension avérée de ce secteur d’activité et sur la pluridisciplinarité de notre équipe constituée d’une quinzaine de spécialistes travaillant en étroite collaboration avec nos avocats basés en Afrique, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.

A propos de notre cabinet d'avocats

expertise droit de l'énergie energy law 330x220

Expertise: Energie & changement climatique

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deRubio-Aurore-Emmanuelle
Aurore-Emmanuelle Rubio
Counsel
Paris
Portrait deThomas Carenzi
Thomas Carenzi
Counsel
Paris
Portrait deFrancois Tenailleau
François Tenailleau
Associé
Paris