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Communiquer avec ses porteurs obligataires

L’émetteur d’un emprunt obligataire peut avoir besoin de contacter ses porteurs pendant la vie de l'emprunt

17/02/2022

L’émetteur d’un emprunt obligataire peut avoir besoin de contacter ses porteurs pendant la vie de l'emprunt, pour leur transmettre des informations ou pour convoquer la masse des obligataires s'il veut proposer une modification des modalités des titres. Or, pour un émetteur, communiquer avec ses investisseurs obligataires peut se révéler être un vrai défi, entre difficulté d’accès, voire anonymat de ces derniers et spécificités des règles de communication propres aux obligataires. Les modalités de communication avec les porteurs obligataires reposent sur quelques principes de base qu’il est bon de rappeler.

Avant tout, il faut garder en tête qu’à l’inverse d’autres types de créanciers (notamment bancaires), l’obligataire est porteur d’un titre, et ce sont les caractéristiques mêmes de ce titre qui vont déterminer les modalités de cette communication.

En premier lieu, parce qu’il s’agit d’un titre fongible conférant des droits de créance identiques pour une même valeur nominale, l’obligation suppose une égalité de traitement entre tous les porteurs d’une même émission. Cette obligation de traitement égalitaire impose de communiquer la même information simultanément à tous les porteurs, quelle que soit la forme choisie pour le titre (au porteur, au nominatif pur ou au nominatif administré). Or précisément, la forme du titre a un impact pratique sur la communication avec les porteurs.

Avec des titres au porteur, inscrits dans un compte-titres tenu par un intermédiaire, l'émetteur ne connaît pas l'identité des titulaires de ses titres, sauf à lancer une procédure d'identification qui a un coût et ne vaut qu’à un instant donné. Pour garantir le respect de l'obligation de traitement égalitaire malgré l’anonymat des porteurs, l'émetteur est donc contraint d’échanger avec ses porteurs par un intermédiaire tel qu’Euroclear France, capable de transmettre l'information à l'ensemble des teneurs de comptes, à charge pour ces derniers d'avertir ceux de leurs clients qui détiennent les titres concernés. Pour des titres cotés sur le marché réglementé en France, pour lesquels toute information significative susceptible d'affecter le cours du titre doit de toute manière être diffusée à l'ensemble du marché, la communication se fait aussi auprès d’Euronext et est transmise parallèlement à l’Autorité des marchés financiers.

Avec des titres au nominatif, inscrits dans un compte-titres tenu directement par l'émetteur ou une personne agissant pour son compte, l’émetteur peut connaître à tout moment l’identité de ses porteurs, sans procédure particulière. Il peut donc assurer lui-même la communication avec ses porteurs : les modalités les plus courantes permettant l’égalité d’accès à l’information vont de la notification simultanée par courrier avec accusé de réception au partage de documents sur des plateformes électroniques telles que Pref-X.

En second lieu, parce que l’emprunt obligataire revêt un caractère collectif, l’émetteur ne s’adresse pas en principe à un porteur individuellement, mais à une collectivité de porteurs, tous titulaires d’une fraction d’un même emprunt. Sauf exception, les porteurs d’une même émission sont regroupés en une masse jouissant de la personnalité civile et agissant par l’intermédiaire du représentant de la masse, et ils s’expriment collectivement, en assemblée générale ou par décisions écrites majoritaires ou unanimes. Face à la collectivité des porteurs, le représentant de la masse joue donc un rôle majeur pour l’émetteur : même en cas de porteur unique, la prudence recommande de nommer un représentant de la masse dès l’émission, quitte à ne le faire entrer en fonction qu’en cas de pluralité de porteurs.

Ainsi, l’émetteur d’un emprunt obligataire qui souhaite négocier avec ses porteurs d’obligations pour obtenir un waiver par exemple, doit-il le faire en s’adressant à la masse des obligataires et en respectant un certain formalisme en matière de convocation, de quorum et de majorité (sauf dans les cas où des modalités particulières ont été prévues dans le contrat d'émission).

Bien que l'ordonnance n°2017-970 du 10 mai 2017 ait consacré la possibilité de ne pas recourir à la masse (pour les obligations ayant une valeur nominale d'au moins 100.000 euros notamment) et ait fort opportunément assoupli le formalisme de consultation des porteurs, le recours à la masse reste encore largement plébiscité, notamment car celle-ci a le mérite de fixer un cadre pratique permettant à l’émetteur de communiquer avec ses porteurs tout en assurant le respect du principe d’égalité entre ces derniers.

Article paru dans Option Finance le 07/02/2022

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Rosetta Ferrère
Associée
Paris