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Crédit fournisseur et violation du monopole bancaire

pas d’annulation du contrat

12/09/2022

La chambre commerciale de la Cour de cassation limite le crédit fournisseur au nom du monopole bancaire mais restreint la portée de ce dernier (Cass. com. 15/6/2022, n° 20-22.160). Elle étend en effet au crédit fournisseur la solution dégagée en 2005 par son Assemblée plénière, à propos du non-respect de l’exigence d’agrément d’un établissement bancaire : les contrats conclus en violation de l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier (CMF) n’encourent pas la nullité de ce seul fait.

Le crédit fournisseur : une opération de crédit annulable ?

Un fournisseur conclut avec l’un de ses clients un contrat par lequel celui-ci s’engage à lui acheter chaque année, pendant cinq ans, une certaine quantité de produits ouvrant droit à des remises. Le fournisseur consent à son client une avance sur remises amortissable en cinq annuités. Cette avance est garantie par un cautionnement. A la suite de la mise en liquidation judiciaire de son client, le fournisseur assigne la caution en remboursement de la somme restant due au titre de l’avance consentie.

Estimant que cette avance constitue une opération de crédit réalisée en violation du monopole bancaire, la caution réclame l’annulation du volet du contrat de fourniture relatif à cette avance.

Elle obtient gain de cause devant la cour d’appel de Paris, mais la Cour de cassation censure cette décision après avoir approuvé la qualification d’opération de crédit relevant du monopole bancaire.

Une limite au crédit fournisseur : le respect du monopole bancaire

L’article L. 511-5 CMF interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel. Cette interdiction ne fait toutefois pas obstacle à ce qu’une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse, dans l’exercice de son activité professionnelle, consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement (art. L. 511-7, I-1° CMF).

La Cour de cassation valide les éléments retenus par la Cour d’appel à l’appui de la qualification d’opération de crédit conclue en violation du monopole bancaire : le fournisseur avait consenti à son client un prêt remboursable en cinq annuités comprenant des intérêts ; cette opération de crédit ne correspondait pas aux exceptions précitées, dès lors qu’elle ne consistait ni en l’octroi de délais de paiement ni en la perception d’avances de paiement ; le fournisseur pratiquait habituellement ce type de prêts auprès de sa clientèle.

Ainsi, le fournisseur avait bien conclu une opération de crédit, au sens de l’article L. 313-1 CMF, en méconnaissance de l’interdiction édictée par l’article L. 511-5, peu important que cette opération ait constitué, dans l’esprit des parties, un complément indissociable de l’engagement d’approvisionnement exclusif souscrit par le client envers le fournisseur (argument avancé en vain par ce dernier).

En écartant cet argument, cette décision semble condamner la position de plusieurs cours d’appel à l’égard des avantages financiers susceptibles d’être consentis par les fournisseurs à leurs distributeurs en contrepartie d’un approvisionnement exclusif (possibilité pour un fournisseur de consentir ou de cautionner un prêt en vue de l’acquisition par son distributeur d’un fonds de commerce ou de matériel).  

A tout le moins, elle pourrait restreindre sensiblement le champ du crédit fournisseur autorisé en interdisant la pratique à titre habituel des avances sur remises assorties d’intérêts.

Une limite au monopole bancaire : la non-annulation du crédit fournisseur

La violation du monopole bancaire est sanctionnée pénalement par une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 375 000 euros (art. L. 571-3 CMF) ; en revanche aucune sanction civile n’est prévue par la loi.

Alors que la Cour d’appel avait prononcé la nullité du prêt en se fondant sur l’interdiction faite à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel, la Cour de cassation énonce dans un attendu de principe, au visa de l’article L. 511-5, que « le seul fait qu’une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n’est pas de nature à en entraîner l’annulation ».

Cette position, qui restreint la portée du monopole bancaire, rompt avec l’approche retenue antérieurement à propos du crédit-bail par la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui déclarait recevables les actions des crédit-preneurs en annulation des conventions conclues en infraction du monopole bancaire (Cass. com. 19/11/1991, n° 90-10.270).

Elle généralise ainsi la solution dégagée par l’Assemblée plénière en 2005 en matière de défaut d’agrément en France d’un établissement de crédit étranger (Cass. ass. plén. 4/3/2005, n° 03-11.725), tout en étant cohérente avec la position de la chambre criminelle, qui juge irrecevable une constitution de partie civile en cas de violation du monopole bancaire, au motif que « l'infraction à l'interdiction d'effectuer à titre habituel des opérations de banque ne porte atteinte qu'à l'intérêt général et à celui de la profession de banquier » (Cass. crim. 11/02/2009, n° 08-83.870).  

Article paru dans Option Finance le 29/08/2022


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Elisabeth Flaicher-Maneval
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