Home / Actualités / Donations et successions internationales d’œuvres...

Donations et successions internationales d’œuvres d’art

Quelle fiscalité ?

04/12/2019

En fin d’année, des évènements majeurs marquent le marché de l’art, parmi lesquels la Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC), la Foire Internationale de photographie d’art (Paris Photo), les ventes aux enchères new-yorkaises d'art impressionniste, moderne et contemporain, ou encore l’Art Basel Miami Beach, qui se tiendra à Miami, aux Etats-Unis, du 5 au 8 décembre prochains. C’est l’occasion de revenir sur la fiscalité applicable aux donations et successions internationales d’œuvres d’art.

Sur un marché de l’art décloisonné, les collectionneurs et œuvres d’art se trouvent rarement en un même lieu. Il ne faut pas négliger les enjeux fiscaux liés à la territorialité des donations et successions d’œuvres.

Lors d’une vente, la rencontre de l’offre et de la demande permet de déterminer la valeur marchande de l’œuvre d’art1. En revanche, lorsqu’elle est transmise à titre gratuit, son évaluation, souvent délicate, revêt une importance particulière en matière fiscale.

Quelle valeur imposable pour l’œuvre d’art ?

1. Le collectionneur détient l’œuvre d’art

Les droits de succession et de donation sont en principe assis sur la valeur vénale des biens transmis. En matière d’œuvres d’art, des règles particulières s’appliquent pour la détermination de la valeur vénale. En France, en cas de vente publique dans les deux ans qui suivent le décès ou la donation, la valeur retenue pour les droits de mutation correspond au prix net de la vente, après déduction des frais engagés.

A défaut de vente publique, la valeur retenue diffère selon qu’il s’agit d’une succession ou d’une donation. En présence d’une succession, la valeur retenue est celle issue d’un inventaire, ou, si elle est plus élevée, celle figurant dans un contrat d'assurance en cours au jour du décès et datant de moins de dix ans. En cas de donation et en présence d’un contrat d’assurance, la valeur imposable est fixée à 60 % de la valeur assurée.

En l’absence de vente publique et d’inventaire ou de contrat d’assurance, il revient au donataire ou à l’héritier de procéder à l’évaluation de la valeur de l’œuvre reçue.

Enfin, il arrive que dans une optique patrimoniale, l’œuvre d’art fasse l’objet d’un démembrement de propriété ou qu’une donation ne porte que sur la nue-propriété du bien. Dans ces situations, des règles fiscales particulières de valorisation de la propriété démembrée peuvent s’appliquer.

Dans un contexte international, chaque Etat disposant de ses propres règles de valorisation, il est fondamental pour le bénéficiaire de tenir compte de ces divergences dans l’anticipation d’une donation ou d’une succession. Aux Etats-Unis par exemple, les héritiers ou donataires peuvent solliciter de l’administration fiscale une position quant à la valorisation de l’œuvre reçue, d’après l’avis d’un panel de 25 experts indépendants.

Attention, ces règles de valorisation diffèrent lorsque le bien est détenu au travers d’une société.

2. Une entité détient l’œuvre d’art

Lorsque le propriétaire de l’œuvre d’art est une entité (personne morale, trust, fondation, etc.), la donation ou la succession porte sur les parts, droits ou actions de cette entité, qu’il faut alors valoriser. La valeur à retenir est alors la valeur de marché des parts, droits ou actions, qui prendra en compte l’actif et le passif de l’entité propriétaire des œuvres. Intégration du passif qui permet une réduction de l’assiette des droits dus !

La composition de l’actif de l’entité pourra avoir des conséquences sur la territorialité de l’impôt, notamment lorsque son actif est principalement constitué d’immeubles.

Où la transmission de l’œuvre d’art est-elle imposable ?

Les règles de territorialité françaises prévoient que les donations par des collectionneurs dont le domicile est situé en France y sont imposables, que l’œuvre d’art y soit située ou non. La même règle s’applique aux successions : lorsque le domicile du collectionneur défunt était en France, toute sa collection y est soumise aux droits de succession, que les œuvres soient situées en France ou non.

Dans le cas où le défunt (ou donateur) était (est) domicilié à l’étranger et que l’héritier (ou le donataire) est domicilié en France et l'a été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années, alors toutes les œuvres qu’il reçoit sont imposables en France, qu’elles y soient situées ou non.

Enfin, si ni le collectionneur ni le bénéficiaire ne sont domiciliés en France, seules les œuvres qui y sont situées y sont fiscalisées.

Mais chaque Etat applique ses propres règles de territorialité. Des divergences peuvent donc mener à des situations de double imposition, lorsque plusieurs Etats exercent concurremment leur pouvoir souverain d’imposer la transmission d’une œuvre. L’étude des conventions fiscales conclues par la France avec d’autres Etats, lorsqu’elles visent les droits de succession ou de donation, est alors primordiale, car ces conventions ont notamment pour objet, d’éviter les doubles impositions.
Dès lors qu’un Etat se reconnaît compétent pour imposer la donation ou la succession, il est en mesure de lui appliquer ses propres taux d’imposition.

Quels taux d’imposition ?

En France, les œuvres d’art sont traitées comme les autres biens mobiliers pour les besoins des tarifs des droits de mutation.

Ainsi, les mutations entre époux et partenaires de Pacs sont exonérées de droits de succession, mais soumises aux droits de donation, après application d’un abattement de 80 724 euros.

Pour les transmissions entre ascendants et descendants, le taux varie de 5 % à 45 %.

Les bénéficiaires peuvent se voir appliquer un abattement en fonction du degré de parenté. Il est de 100 000 euros si les héritiers ou donataires sont les enfants du collectionneur et de 15 932 euros pour les frères et sœurs. Un abattement spécifique de 31 865 euros s’applique aux donations aux petits-enfants. Ces abattements pour donations se renouvellent tous les quinze ans.

A titre comparatif, les droits de donation ou de succession en Italie varient entre 4% et 8% en fonction du lien de parenté. Au Luxembourg, entre parents et enfants, les donations sont soumises à un droit de 1,8% et les successions sont exonérées. En Suisse, l’impôt varie en fonction des cantons et du degré de parenté (les mutations entre époux et en ligne directe sont exonérées dans les cantons de Genève, Zoug ou encore Berne). Le système américain prévoit quant à lui un abattement, utilisable jusqu’à épuisement, de 11 180 000 dollars sur la valeur du patrimoine transmis par parent.

Certains Etats ont fait le choix de prévoir des règles propres aux œuvres d’art. C’est le cas de l’Espagne, où les biens faisant partie du patrimoine historique ou culturel bénéficient d’une exonération totale ou partielle. En Allemagne, l’exonération peut aller de 60 % à 100 % selon le lien de parenté.

Comment payer les droits ?

Les droits de succession doivent être payés au moment du dépôt de la déclaration de succession, dans un délai de six mois à compter du décès. Si celui-ci a eu lieu à l’étranger, le délai est porté à un an.

Les droits de donation doivent, eux, être payés dans le mois qui suit la révélation de la donation à l’administration fiscale par le donataire. Ils peuvent aussi être pris en charge par le donateur sans que cela ne constitue une deuxième donation.

Les droits doivent être acquittés en numéraire. Les collectionneurs ou héritiers peuvent également décider de les payer par dation en paiement. Ce mode de liquidation original, né au Royaume-Uni, a été introduit en droit français par André Malraux en 1968. Il permet de régler les droits de donation ou de succession2 en remettant à l’Etat des œuvres considérées comme de haute valeur historique ou artistique. 

La dation en paiement existe également dans d’autres Etats comme l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ainsi que dans certains cantons suisses.


voir à ce propos Le marché international de l’art : quelle fiscalité ?, Les Echos, 17 octobre 2018.
2  La dation en paiement s’applique également à l’impôt sur la fortune immobilière.
 


En savoir plus sur notre cabinet d’avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Son enracinement local, son positionnement unique et son expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

actualité droit fiscal 330x220

Toute l'actualité fiscale analysée

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deIvana  Zivanovic
Ivana Zivanovic
Counsel
Paris
Portrait deOlivier Le Goff
Olivier Le Goff