Le 24 avril 2024, le Parlement européen, réuni en assemblée plénière, a adopté le texte final d’un règlement et d’une directive (EMIR 3). EMIR 3 modifie le règlement 648/2012 (EMIR) qui encadre le marché des produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux. L’ambition principale de la réforme était de rapatrier la compensation centrale des dérivés sur le continent et de réduire ainsi l’exposition de l’Union européenne envers des chambres systémiques de pays tiers (Tier 2 CCP). Le texte doit maintenant être traduit et adopté par le Conseil avant sa publication au Journal Officiel fin octobre 2024, au plus tôt. EMIR 3, dont les ambitions initiales ont été fortement atténuées, entrera en vigueur vingt jours plus tard. FC+ et NFC+ auront alors six mois pour ouvrir un compte actif auprès d’une chambre de compensation de l’Union, telle qu’Eurex Clearing, et devront y compenser un minimum de cinq transactions dérivées par sous-classe d’actifs concernées et par an. Les actes délégués de l’ESMA sont très attendus par le marché pour clarifier les multiples zones d’ombre des textes.
Genèse d’EMIR 3. La Commission européenne cherchait à rendre les chambres de compensation (CCP) de l'UE plus attractives en simplifiant et en accélérant leurs services de compensation. 90% des swaps de taux d’intérêt en euro sont encore actuellement compensés dans des CCP de pays tiers (notamment, au Royaume-Uni, au sein de LCH Ltd et ICE Clear Europe Ltd). Cette proportion excessive constitue un risque systémique pour la stabilité financière de l'UE (les CCP de pays tiers étant supervisées dans ces pays tiers). La Commission souhaite donc rapatrier le clearing sur le continent.
Obligation de détenir un compte actif auprès d’une CCP de l’UE. La réforme prévoit que les contreparties financières et contreparties non financières soumises à l'obligation de compensation (FC+ et NFC+) devront détenir un "compte actif" (active account requirement ou AAR) auprès d’une contrepartie centrale de l'UE pour la compensation d'une partie au moins de certains contrats dérivés systémiques. Les produits concernés par cette mesure sont les dérivés de taux d'intérêts en euro et en zloty et les dérivés de taux d'intérêt à court terme en euro. EMIR 3 s’étend aux dérivés des filiales de groupes européens établies dans les pays tiers. Pour être actif, le compte doit présenter un niveau d’activité minimale. L’AAR a donné lieu à d’âpres négociations sur le marché et un gros travail de lobbying a été effectué par l'ISDA. Les banques de l’UE redoutaient que la contrainte supplémentaire d’AAR n’affecte leur compétitivité par rapport aux banques des pays tiers. Le critère d’activité minimale a donc été largement revu à la baisse par rapport aux ambitions de départ. On peut cependant s’attendre à ce que le niveau soit rehaussé à l’avenir. Dans ses RTS, l’ESMA devra définir jusqu’à cinq sous-catégories (selon des critères de taille et de maturité) par classe d’actifs de dérivés concernés par la réforme. EMIR 3 prévoit que les entités assujetties compenseront au moins cinq transactions dérivées par sous-catégorie et par an. Pour éviter des contraintes disproportionnées, seules les FC+ et NFC+ qui traitent un certain volume de transactions sont concernées et devront compenser un nombre de transactions représentatif (representativeness obligation).
Critères opérationnels du compte actif. Pour pouvoir être utilisé efficacement, le compte actif doit être capable de gérer un gros volume de transactions dans un délai très court. Le compte doit prévoir des appels de marges de variation et marges initiales quotidiennes, répondre à certains critères IT, être couvert par une documentation juridique, détenir des procédures internes et effectuer les tests de résistance nécessaires.
Supervision et sanctions. Les Etats membres devront prévoir des amendes à l’attention des entités assujetties qui ne respecteront pas l’AAR (à la fois en ce qui concerne les critères opérationnels et le critère de representativeness). Les autorités nationales de la CCP (la BaFin, en ce qui concerne Eurex Clearing) resteront compétentes pour superviser l’AAR, même si EMIR 3 renforce la coopération et le partage d’informations avec l’ESMA. La réforme octroie à l’ESMA un rôle de coordination en cas d’urgence.
Actes délégués. L’ESMA devra clarifier certaines zones d’ombre du texte au moyen de Regulatory Technical Standards (RTS). Par exemple, l’ESMA devra définir les sous-catégories de classes d’actifs et de nouveaux seuils de compensation. Ce critère quantitatif s’appliquera-t-il uniquement aux nouvelles transactions ou également aux transactions en cours ? L’ESMA devra soumettre ses RTS concernant le compte actif à la Commission dans les six mois suivant l’entrée en vigueur d’EMIR 3. Les RTS devront être approuvés et publiés au JOUE dans les trois mois suivants. Le marché appréhende déjà les incertitudes des six premiers mois.
Article paru dans Option Finance le 12/06/2024
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