Home / Actualités / Expertise de l’article 1843-4 du Code civil

Expertise de l’article 1843-4 du Code civil

revirement et précisions

07/07/2022

Le 25 mai 2022, la Cour de cassation a rendu deux décisions relatives à l’application de l’article 1843-4 du Code civil, dont on sait qu’il concerne la désignation d’un expert, choisi par accord des parties ou sur décision du juge, chargé de procéder à la détermination de la valeur des parts sociales ou des actions d’une société. Dans les deux cas, la question était relative à un recours formé contre la décision d’un président de tribunal, qui avait, soit refusé, soit accepté de désigner un expert.

« Encore l’article 1843-4 ! » soupireront les acteurs des fusions-acquisitions. Cette disposition donne lieu, il est vrai, à un contentieux nourri, qui s’explique tant par les difficultés techniques que suscite le texte, que par l’importance des litiges qu’il concerne. Les deux arrêts du 25 mai ne sont cependant pas de simples briques supplémentaires dans un édifice jurisprudentiel complexe, mais font évoluer le système.

I – Revirement

L’arrêt le plus important opère un revirement de jurisprudence[1]. L’article 1843-4 indique que la décision prise par le juge est « sans recours possible », ce qui jusqu’à présent était lu par les juges comme valant pour toutes les décisions, celles acceptant de désigner un expert comme celles le refusant. La seule voie de recours que la jurisprudence laissait au justiciable supposait d’établir un excès de pouvoir commis par le président du tribunal. Cette exception à l’absence de recours, non fondée sur un texte, implique concrètement de constater que le juge a méconnu l’étendue de son pouvoir de juger[2].

Le revirement opéré consiste à remettre en cause la règle d’exclusion de tout recours dans l’hypothèse d’un refus de désignation d’un expert. Il est relevé que la règle n’est pas imposée par la lettre de l’article 1843-4, et aussi qu’il apparaît nécessaire de reconnaître aux parties le droit de relever appel de la décision de refus, afin de ne pas les placer face à une situation de blocage. Est également remise en cause la solution prétorienne appliquée jusqu’à maintenant, selon laquelle en cas d'annulation d'une décision de première instance refusant de désigner un expert, la cour d'appel ne pouvait désigner elle-même cet expert.

II – Précision

L’autre arrêt[3] précise ce que peut être l’excès de pouvoir commis par le juge qui accepte de désigner un expert. En l’occurrence, le président du tribunal de commerce, accueillant la demande de désignation de l’expert avait, avant cela, écarté une exception de nullité de la convention au double motif que (1) la demande d'annulation qui était formée par celui qui s’opposait à la désignation était prescrite et (2) qu'en toute hypothèse, la convention était causée. La cour d’appel n’ayant pas constaté d’excès de pouvoir, la Cour de cassation censure son arrêt et se saisit de l’occasion pour préciser ce que le président du tribunal statuant sur le fondement de l’article 1843-4 peut et ne peut pas faire.

Intéressons-nous d’abord à ce que le juge ne peut pas faire. L’arrêt nous dit qu’il n'entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l'article 1843-4, de trancher la contestation relative à la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi. Et parce que son pouvoir se limite à examiner les conditions d'application du texte précité, le président du tribunal ne peut connaître de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi.

Est ensuite précisé ce que le juge peut faire. Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la validité de la convention, qu’il ne peut trancher lui-même, le président du tribunal doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent. Celui-ci devra être saisi, précise l’arrêt, à l'initiative de la partie la plus diligente.

[1] Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-14352, publié au Bull., et qui sera mentionné au Rapport annuel.

[2] Cass. civ. 1ère, 20 févr. 2007, n° 06-13134, Bull. I, n° 61.

[3] Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-18307, publié au Bull.

Article paru dans Option Finance le 27/06/2022


 Le Droit des sociétés au sein de notre cabinet d’avocats :

Notre cabinet d’avocats développe une pratique et expertise rare et innovante en matière de droit des sociétés. Nous sommes en mesure de traiter toutes questions complexes, en particulier les opérations de haut de bilan, réorganisations et restructurations, mécanismes d’intéressement des cadres et dirigeants, gouvernance des sociétés, droit boursier, etc.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

expertise compliance 330x220

Expertise : Corporate/ Fusions & acquisitions

nous contacter 330x220

Nous contacter

Auteurs

Portrait deBruno Dondero
Bruno Dondero
Associé
Paris