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Jurisprudence de la rupture conventionnelle

Un été 2019 rempli d’actualités

12/09/2019

Depuis sa création en 2008, le succès de la rupture conventionnelle homologuée ne faiblit pas, laissant à la jurisprudence la possibilité de dessiner les contours du régime de ce mode de rupture si prisé. Et en la matière, force est de constater que le juge se montre très pragmatique ! L’été 2019 en est une illustration : retour sur ces quelques mois de décisions.

Précisions autour du formalisme

Le droit du travail est une matière civiliste qui puise sa source dans les racines du droit commun des contrats. La rupture conventionnelle homologuée en est un parfait exemple : la seule rencontre des volontés suffit à mettre fin au contrat de travail entre l’employeur et son salarié. Toutefois, pour être valable, le consentement des parties doit être exempt de tout vice (article 1130 du Code civil). La Cour de cassation se montre vigilante sur ce point comme en démontre les récentes décisions.  

Assistance de l’employeur

Au cours de l’entretien préalable portant sur une possible rupture conventionnelle, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise (article L.1237-12 du Code du travail). L’employeur est tenu d’informer le salarié de l’existence de ce droit. Il ne peut, par ailleurs, se faire lui-même assister que si le salarié décide de l’être également. Dans un arrêt du 5 juin 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la sanction encourue en cas de non-respect de ces règles. En l’espèce, l’employeur avait fait le choix de se faire assister au cours de l’entretien préalable à la rupture conventionnelle sans même avoir informé le salarié de l’existence de ce droit.

Pour la Haute juridiction, cette irrégularité de procédure n’emporte pas par elle-même nullité de la rupture conventionnelle. Pour que la nullité soit encourue, le salarié doit démontrer que le défaut d’information sur son droit d’être assisté ou la surreprésentation de la partie employeur a eu pour effet d’engendrer une contrainte ou pression à son égard (Cass., Soc., 5 juin 2019, n°18-10.901). Ainsi, en l’absence de vice du consentement, le non-respect des règles d’assistance à l’entreprise préalable à la rupture conventionnelle n’emporte pas nécessairement nullité de la rupture.

Droit de rétractation

Après la signature de la convention de rupture conventionnelle, un délai de 15 jours s’ouvre durant lequel le salarié comme l’employeur peuvent décider de revenir sur leur consentement et se rétracter (article L.1237-13 du Code du travail). La rétractation doit être adressée par lettre conférant date certaine à l’autre partie. Dans un arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation avait précisé que le courrier de rétractation devait être envoyé à l’intérieur de ce délai de 15 jours, peu important que l’employeur en prenne connaissance postérieurement (Cass. Soc., 14 février 2018, n°17-10.035). Cette solution vient d’être confirmée et retenue dans l’hypothèse où la rétractation émane de l’employeur (Cass. Soc., 19 juin 2019, n°18-22.897). C’est donc bien à la date d’envoi du courrier de rétractation qu’il convient de se placer pour apprécier sa régularité, peu important la partie dont il émane.  

Signature et exemplaire de la convention

Par principe, la convention de rupture conventionnelle doit être signée par l’employeur et le salarié en trois exemplaires : un pour l’employeur, un pour le salarié et le dernier pour la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) aux fins d’homologation (article L.1237-11 du Code du travail). Au moment de la signature de l’acte, l’employeur est par ailleurs tenu d’en remettre un exemplaire au salarié (Cass. Soc., 6 février 2013, n°11-27.000). Ces formalités sont indispensables en ce qu’elles permettent au salarié d’exercer son droit de rétractation ou de demander l’homologation de la convention en toute connaissance de cause puisqu’elles attestent de la réalité du consentement et de sa date. Sur cette base, par deux arrêts du 3 juillet dernier, la Cour de cassation a considéré que :

  • la remise au salarié d’un exemplaire non-signé par l’employeur emporte nullité de la convention de rupture (Cass. Soc., 3 juillet 2019, n°17-14.232) ;
  • la mention « remis en deux exemplaires » inscrite dans la convention de rupture ne permet pas de présumer que l’acte a effectivement été remis au salarié (Cass. Soc., 3 juillet 2019, n°18-14.414).

Il est donc dans l’intérêt de l’employeur de faire preuve d’une vigilance particulière au moment de la signature de l’acte, notamment en se constituant tout moyen de preuve de nature à attester de la réalité de la remise d’un exemplaire conforme.

Rupture conventionnelle et inaptitude

Si ces jurisprudences sont essentiellement liées aux conditions de forme de la rupture conventionnelle, la Cour de cassation poursuit également l’élargissement du champ de ses bénéficiaires. Le recours à la rupture conventionnelle était déjà possible en cas d’arrêt de travail du salarié, consécutif ou non à un accident du travail ou une maladie professionnelle (Cass. Soc., 30 septembre 2014, n°13-16.297), ou pendant la période de protection inhérente au congé maternité (Cass. Soc., 25 mars 2015, n°14-10.149). Récemment, il a été jugé que la rupture conventionnelle conclue avec un salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail était valable (Cass. Soc., 9 mai 2019, n°17-28.767).  Cette décision permet de clarifier la situation des salariés inaptes, laquelle était incertaine jusqu’à présent.

La Cour de cassation ne s’était en effet prononcée que sur la validité d’une convention de rupture conclue avec un salarié déclaré apte avec réserves (Cass. Soc., 28 mai 2014, n°12-28.082). A fortiori, cette solution devrait ainsi trouver à s’appliquer en cas d’inaptitude d’origine non-professionnelle.

Régime social de l’indemnité de rupture et égalité de traitement

Lors de la rupture conventionnelle, le salarié perçoit une indemnité spécifique qui ne saurait être inférieure au montant de l’indemnité qu’il aurait perçu en cas de licenciement (article L.1237-13 du Code du travail). Cette indemnité suit le même traitement fiscal et social que l’indemnité de licenciement versée à un salarié en dehors d’un plan de sauvegarde de l’emploi (articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du Code général des impôts).

Concrètement, cela signifie qu’en principe, le salarié bénéficie d’une exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale à hauteur de certains plafonds sur le montant de l’indemnité de rupture versée.

Toutefois, en matière de rupture conventionnelle, le législateur prévoit que ces exonérations ne s’appliquent qu’à condition qu’il ne soit pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire. Force est d’ailleurs de constater que les redressements URSSAF se multiplient sur ce fondement.

La question de la constitutionnalité de cette différence de traitement instituée par la loi selon l’âge du salarié a donc été soulevée devant le Cour de cassation dans le cadre de la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel. La question était la suivante : les articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du Code général des impôts, qui définissent le régime social de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, fondée sur une différence de traitement selon que le salarié soit ou non en âge de bénéficier d’une pension de retraite créent-t-ils une rupture d’égalité devant la loi et devant les charges publiques contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution ?

A cette question, la Cour de cassation répond par la négative, refusant ainsi de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.

Pour ce faire, la Cour de cassation rappelle que le législateur est en droit de déroger au principe d’égalité de traitement lorsque des personnes sont placées dans des situations différentes ou lorsque l’intérêt général le justifie. Or, dans le cas présent, la différence de traitement instaurée par le législateur repose sur le critère objectif tenant à la nécessité d’éviter que les salariés ne soient incités à interrompre prématurément leur carrière professionnelle. De plus, les salariés en âge de bénéficier d’une pension retraite se trouvent nécessairement dans une situation différente de ceux n’étant pas en âge d’en bénéficier.

Ainsi, le régime social de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne saurait être constitutionnellement remis en cause sur le fondement de l’égalité de traitement devant la loi et les charges publiques.

La rupture conventionnelle homologuée reste donc moins intéressante pour les parties lorsque le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de retraite, qu’il envisage ou non de poursuivre une activité postérieurement à la rupture de son contrat de travail.

En pratique, pour limiter le risque de redressement, il est recommandé aux employeurs d’exiger du salarié susceptible de toucher une pension retraite au moment de la rupture conventionnelle qu’il demande à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) la délivrance d’une attestation relative à ses droits ou, à tout le moins, d’un relevé de carrière, à conserver précieusement en cas de contrôle Urssaf ultérieur.


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Caroline Froger-Michon
Associée
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