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L’activité en plein essor de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie

14/02/2023

La nomination de Stéphane Retterer en qualité de président et de Sophie Charlot comme vice-présidente de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie (ACNC) est l’occasion de présenter l’activité et les compétences de cette autorité, après 5 ans d’existence (l’ACNC a pris officiellement ses fonctions le 2 mars 2018).

En effet, une analyse de ses premières années d’activité permet de dresser les contours d’un droit calédonien de la concurrence, qui ne saurait se réduire à une transposition du droit métropolitain.

Pour appréhender la spécificité de ce droit, nous proposons une comparaison rapide des compétences et de la pratique des deux Autorités (1), puis un focus sur les deux compétences propres à l’ACNC que sont le contrôle des pratiques commerciales restrictives (2) et les opérations dans le secteur du commerce de détail (3).

Le champ de compétence de l’ACNC

Les compétences de l’ACNC sont plus larges que celles de l’Autorité de la concurrence. Elles s’étendent, au-delà du domaine classique des pratiques anticoncurrentielles et du contrôle des concentrations, aux pratiques commerciales restrictives et aux opérations dans le secteur du commerce de détail.

Ainsi, à l’instar de l’ADLC, l’ACNC est compétente, dans le cadre de sa mission répressive, pour sanctionner les ententes et abus de position de dominante prohibés par les articles Lp. 421-1 et Lp.421-2 du Code de commerce calédonien. Elle peut également sanctionner, sur le fondement de l’article Lp. 421-2-1, les accords exclusifs d’importation1.

Par ailleurs, l’ACNC exerce elle aussi une mission préventive dans le cadre du contrôle d’opérations de concentration dépassant certains seuils (Articles Lp. 431-1 et suivants du Code de commerce calédonien).

Outre ces missions comparables à celles exercées par l’ADLC, l’Autorité calédonienne est aussi compétente pour sanctionner les pratiques commerciales restrictives (Articles Lp. 440-1 et suivants du Code de commerce calédonien) et contrôler les opérations dans le secteur du commerce de détail (Articles Lp. 432-1 et suivants).

Ces deux compétences représentent une part importante de l’activité de l’ACNC.

Focus sur les pratiques commerciales restrictives

- Quelles sont les pratiques concernées ?

L’ACNC est compétente pour contrôler la conformité des règles prévues au Titre IV (« De la transparence et des pratiques restrictives de concurrence ») du Livre IV du Code de commerce calédonien (« De la liberté des prix et de la concurrence »).

Ces pratiques recouvrent :

  • Les pratiques portant atteinte à la transparence des relations commerciales (remises accordées sans contrepartie, délivrance de factures non-conformes, non-respect des obligations relatives aux conditions générales de vente ou d’achat, etc.) ;
  • Les pratiques restrictives de concurrence (refus de vente injustifié, revente à perte, déséquilibre significatif, avantage sans contrepartie, etc.) ;
  • Les règles relatives aux délais de paiement entre professionnels.

- Ces pratiques sont-elles comparables aux pratiques restrictives du Code de commerce ?

Si les deux codes de commerce sont effectivement proches, certaines différences doivent néanmoins être relevées et faire l’objet d’une attention particulière de la part des entreprises et de leurs conseils.

Il en va ainsi notamment :

  • des règles relatives à la transparence des relations commerciales. Le Code de commerce calédonien prévoit, à l’article Lp. 441-7, l’obligation de conclure un contrat de coopération commerciale entre un fournisseur et un distributeur. Ce contrat devra retranscrire « les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques ». Les stipulations de ce contrat devront en outre être repris dans la convention unique prévue à l’article Lp. 441-9.
  • des règles relatives aux délais de paiement. La réglementation calédonienne se distingue nettement du droit métropolitain en ce qu’elle prévoit uniquement un délai légal impératif de 30 jours suivant la date de réception de la marchandise ou de réalisation de la prestation (Article Lp. 443-2). La seule exception prévue concerne les biens de grande consommation. Ainsi, contrairement au droit métropolitain, le droit calédonien ne prévoit pas d’exception relative aux délais contractuels (certes plafonnés) ni aux factures récapitulatives.
  • des pratiques restrictives de concurrence. Le Code de commerce calédonien est très proche de la rédaction de l’ancien article L. 442-6 du Code de commerce (avant la réforme issue de l’Ordonnance du 24 avril 2019 - aujourd’hui article L. 442-1 très largement réformé). Toutefois, son application pratique diffère nécessairement du droit métropolitain, le rapport de force distributeur/ fournisseur étant inversé en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, dans une décision du 25 août 2021, l’Autorité a constaté qu’un fournisseur, la société le Riz de Saint-Vincent, bénéficiait d’une situation de monopole lui permettant de mettre en œuvre, à l’égard de ses distributeurs-grossistes, des pratiques susceptibles de constituer un déséquilibre significatif2.

Focus sur les opérations dans le secteur du commerce de détail

Outre le contrôle des opérations de concentration comparable à celui pratiqué par l’ADLC, l’Autorité calédonienne est compétente pour contrôler les opérations réalisées dans le secteur du commerce de détail (Articles Lp. 432-1 et suivants). Ces opérations représentent 45 % des décisions rendues par l’ACNC en 2021 contre seulement 3 % pour les opérations de concentration.

Les opérations relatives aux surfaces commerciales, qui intéressent l’ACNC peuvent être de trois sortes :

  • La création ou la reprise d’un commerce de détail ;
  • Un changement d’enseigne ou de secteur ;
  • L’agrandissement ou le déménagement d’un commerce de détail.

Si les seuils prévus à l’article Lp. 432-2 sont atteints, l’ACNC se livre à une analyse très proche de celle menée en contrôle des concentrations.

Pour cela, elle identifie les marchés en cause, en se fondant sur la pratique décisionnelle métropolitaine et européenne mais en l’adaptant aux particularités du territoire. Cela donne lieu à de nombreux tests de marchés publiés sur son site Internet et aboutit à des définitions parfois très fines, notamment afin de s’adapter aux particularités du territoire de Nouvelle-Calédonie. Ainsi, dans une décision n° 2021-DEC-11 relative à l’ouverture d’un « Leader Price » à Koumac, l’Autorité a conclu que la zone de chalandise dépassait largement la zone de 10-15 minutes généralement retenue pour les opérations situées dans le grand Nouméa. Pour cela, elle a tenu compte des spécificités du marché de la distribution à dominante alimentaire en province Nord et notamment de l’absence d’hypermarchés et de grands supermarchés.

L’ACNC apprécie ensuite les différents effets sur la concurrence et si elle n’a jamais interdit d’opérations, elle n’hésite pas à assortir ses autorisations d’engagements.

Enfin, la relative nouveauté de ce droit ne saurait justifier un manque de rigueur de la part des entreprises, l’ACNC ayant d’ores et déjà rendu des décisions pour défaut de notification3.

Conclusion

Au cours de ses cinq premières années d’activité, l’Autorité de la concurrence calédonienne a ainsi rendu un nombre de décisions et d’avis très important permettant aux praticiens du droit de la concurrence de se fonder sur des analyses précises pour mieux appréhender les textes et les risques qu’ils engendrent. Cette pratique décisionnelle est par ailleurs complétée par la mise en ligne régulière sur le site de l’ACNC de nombreux outils pédagogiques très complets. La preuve du dynamisme d’une jeune autorité qui entend cultiver sa spécificité !


(1) Pratique prohibée ajoutée par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite Loi Lurel, dans le Code de commerce à l’article L. 420-2-1.
(2) Décision n° 2021-PCR-03 du 25 août 2021 relative à des pratiques de la SAS Le Riz de Saint-Vincent en matière de transparence commerciale.

(3) Une décision sanctionnant un défaut de notification d’une opération dans le secteur du commerce de détail (Décision n° 2021-DN-02 du 5 août 2021 relative au défaut de notification de l’opération de commerce de détail concernant le supermarché « Casino Port Plaisance » à Nouméa) et deux décisions relatives à des opérations de concentration (Décision n° 2021-DN-01 du 29 janvier 2021 relative au défaut de notification de l’opération de concentration concernant la société Wi Hache Ouatom de la part des sociétés EEN, Enercal et Promosud et Décision n° 2022-DN-01 du 10 janvier 2022  relative au défaut de notification de l’opération de concentration concernant la prise de contrôle exclusif de la SARL Médical Equipement par la SARL Handipharma).


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