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L’indivisibilité du « coup d’accordéon »

06/06/2023

Le « coup d’accordéon » est une technique utilisée pour apurer les pertes d’une société, qui consiste en une réduction de capital suivie d’une augmentation de capital - ou inversement.

Un coup d’accordéon peut notamment se caractériser par une réduction du capital social à zéro, suivie de son augmentation : dans un premier temps, les pertes comptables sont imputées sur le capital social, la réduction du capital social à zéro entrainant une annulation des actions existantes ; dans un second temps, le capital social est augmenté par émission d’actions nouvelles en numéraire. En pratique, la mise en œuvre d’une telle opération peut être requise, en cas de difficultés financières d’une société, comme préalable à l’entrée au capital d’un nouveau partenaire financier.

Bien que nécessairement réalisé en deux temps, un tel coup d’accordéon ne peut s’analyser qu’en une opération unique. Les juges de la Cour de cassation ont récemment confirmé1, au visa de l’article L. 224-2 du Code de commerce, qu’une réduction du capital à zéro n’est licite qu’à la condition d’être décidée sous la condition suspensive d’une augmentation corrélative du capital social ayant pour conséquence de ramener celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire. Ainsi, bien qu’en pratique l’opération de coup d’accordéon soit généralement décidée au moyen de deux résolutions distinctes – la première pour la réduction du capital social, la seconde pour son augmentation – celles-ci sont indivisiblement liées et produisent leurs effets au même moment. Par conséquent, l’absence de prise d’effet de l’augmentation de capital pour quelque raison que ce soit (par exemple, en raison d’un rejet de la résolution concernée par les actionnaires ou associés, ou, comme c’était le cas en l’espèce, de la suspension des effets de la résolution par une décision de justice) rend illicite la réduction de capital à zéro.

Cette indivisibilité se justifie notamment par l’effet significatif d’une telle opération sur la détention des actions de la société par ses actionnaires ou associés. En effet, la réduction du capital social à zéro entraine l’annulation de l’intégralité des actions existantes de la société. En principe, les actionnaires ou associés anciens jouissent d’un droit préférentiel à la souscription des actions nouvellement émises dans le cadre de l’augmentation de capital qui suit la réduction de capital à zéro, si celle-ci est réalisée par apport en numéraire. En pratique, cette opération peut toutefois conduire à l’exclusion des actionnaires ou associés minoritaires qui ne seraient pas en mesure de souscrire à l’augmentation de capital subséquente, faute de pouvoir apporter de nouvelles liquidités ou suffisamment de liquidités pour pouvoir se reluer au niveau auquel ils étaient avant l’augmentation de capital (avec le risque de perdre leur minorité de blocage le cas échéant).

Selon une jurisprudence constante, cette technique n’est licite qu’à la condition que l’opération se justifie par la situation financière de la société2 et, en cas de suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires, que si l’apport de nouveaux capitaux est une condition de la survie de la société3, à l’exclusion de tout autre objectif. Est ainsi considérée comme une fraude aux droits des minoritaires l’opération de coup d’accordéon non nécessaire à la survie de la société, réalisée dans des conditions qui démontrent qu’elle tendait seulement à exclure l’actionnaire minoritaire4, a fortiori lorsque celle-ci n’entraine aucun apport de trésorerie nouvelle à la société5.

Article paru dans Option Finance le 26/05/2023


(1) Cass. com., 4 janv. 2023, n° 21-10.609 et 21-12.515, F–B
(2) Cass. com., 17 mai 1994, n°91-21.364, n°1256 P : Bull. civ. IV, n°183, Bourgeois c/ Sté Usinor 
(3) Cass. com., 18 juin 2002, n°99-11.000, n°1211 FS – P, Assoc. Adam c/ Sté l’Amy 
(4) Cass. com., 7 mai 2019, n°17-18.785
(5) Cass. com., 11 janvier 2017, n°14-27.052, n°15 FD


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