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L’intérêt d'émettre des obligations subordonnées pour une société

L’émission d’obligations subordonnées permet à une société de renforcer la structure de son bilan

09/04/2021

Alors que les fonds propres sont un enjeu fondamental pour les entreprises, l’émission d’obligations subordonnées permet à une société de renforcer la structure de son bilan, sans pour autant être dilutive pour les actionnaires.

Les entreprises qui se financent régulièrement sur les marchés financiers émettent depuis longtemps des obligations subordonnées pour améliorer leur profil de crédit, notamment vis-à-vis des agences de notation. Pour les établissements de crédit et les compagnies d’assurance, de telles émission permettent en outre de bénéficier d'un traitement prudentiel favorable (directive UE n°2013/36 (CRD), règlement UE n°575/2013 (CRR) et directive UE 2014/59 (BRRD) pour les établissements de crédit et directive n°2009/138/CE (Solvabilité) pour les compagnies d'assurance, tels que modifiés). Mais d'autres entreprises, y compris de tailles plus petites, peuvent avoir intérêt à émettre des obligations subordonnées pour obtenir des marges de manœuvre financière sans avoir à subir l'effet dilutif d'une augmentation de capital. Les obligations subordonnées peuvent en effet, sous certaines conditions, être comptabilisées comme des fonds propres ou des quasi-fonds propres, tout en restant une dette au plan juridique et fiscal (contrairement à des dividendes, les intérêts payés sont déductibles du résultat de l’émetteur). Les obligations subordonnées font d’ailleurs partie, avec les prêts participatifs, des instruments soutenus par l'Etat dans le cadre du Plan de Relance annoncé en mars 2021 pour renforcer les ressources à long terme et rééquilibrer la structure de bilan des PME et ETI françaises.

La subordination signifie qu'en cas de liquidation de l’émetteur, les obligations subordonnées ne sont remboursées qu'après désintéressement des autres créanciers : leur émission va donc rassurer les créanciers chirographaires ("seniors"), qui acceptent plus facilement de prêter en sachant que d’autres créanciers ont accepté d'être payés après eux.

Pour l’investisseur, le risque accru lié à la subordination donne lieu au paiement par l’émetteur d’un taux d’intérêt plus élevé que pour des obligations non-subordonnées, ce qui est intéressant dans un contexte de taux bas et de recherche de rendement, sous réserve bien évidemment que l'émetteur présente un profil de crédit suffisamment solide pour convaincre les investisseurs.

Les obligations subordonnées restent des obligations, à savoir des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale, régies par les articles L.228-38 et suivants du Code de commerce. Leur particularité est d'être subordonnées, conformément à l'article L.228-97 du Code de commerce qui permet de stipuler que des obligations ne seront remboursées qu'après désintéressement des autres créanciers, à l'exclusion ou y compris des titulaires de prêts participatifs et de titres participatifs.

Parmi les obligations subordonnées, on distingue généralement les titres subordonnés remboursables (TSR, dont la date d’échéance est fixée lors de l’émission), les titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI, qui n’ont pas de maturité fixe) et les titres super-subordonnés à durée indéterminée (TSSDI, ou titres subordonnés de dernier rang, qui n’ont pas non plus de maturité fixe et sont en outre subordonnés aux TSR, aux TSDI, aux prêts participatifs et aux titres participatifs de l’émetteur). En cas de liquidation de l'émetteur, les titulaires de TSSDI sont ainsi les créanciers payés en dernier rang, ne venant qu'avant les actionnaires.

Pour les TSDI et TSSDI, l’absence de date de maturité ne signifie pas que les titres ne seront jamais remboursés. D'une part, ils intègrent généralement des options de remboursement anticipé par l'émetteur, à partir d'une certaine date (il est fréquent de prévoir une option de remboursement anticipé exerçable cinq ans après la date d'émission), en cas d'événement fiscal (hypothèse d'un changement législatif entraînant la perte pour l'émetteur de la déductibilité des intérêts) ou en cas d'événement comptable (hypothèse d'un changement des règles comptables entraînant la perte pour l'émetteur du traitement comptable favorable). D'autre part, les TSDI et TSSDI deviennent dus et exigibles en cas de liquidation, judiciaire ou amiable, de l'émetteur. En revanche, aucun cas de défaut n'est généralement stipulé dans le contrat d'émission, les porteurs de ces titres ne pouvant forcer l'émetteur à les rembourser (cette impossibilité d'accélérer le remboursement assure à l'émetteur une permanence des fonds, condition de l'obtention du traitement comptable favorable).

Les obligations subordonnées peuvent porter intérêt à taux fixe ou variable, comme des obligations classiques (sous réserve du spread plus élevé rémunérant le risque). Dans le cas de TSSDI, pour bénéficier du traitement comptable en capitaux propres, il est usuel de prévoir un paiement d’intérêt optionnel, qui permet à l'émetteur de ne pas payer les intérêts dans certaines conditions, sans que cela ne constitue un cas de défaut ; les intérêts non payés constituent alors des arriérés d'intérêt qui produisent eux-mêmes intérêt. Le contrat d'émission prévoit généralement que le paiement des intérêts (y compris des éventuels arriérés d'intérêts) devient obligatoire si l'émetteur paie un dividende à ses actionnaires, le plus subordonné des créanciers obligataires devant conserver un rang supérieur à celui des actionnaires (cette impossibilité pour la société de rémunérer ses actionnaires tant que les porteurs de TSSDI n'ont pas reçu les intérêts qui leur sont dus assure l'attractivité de l'instrument pour les investisseurs).

Les obligations subordonnées sont donc un outil intéressant pour les entreprises qui souhaitent renforcer leur bilan.

Article paru dans Option Finance le 29/03/2021

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Marc-Etienne Sébire
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