Attendue, parfois en tremblant, depuis plus de dix ans, la réforme du droit des contrats, du régime des obligations et de la preuve est désormais chose faite depuis la publication de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (l'"Ordonnance"). Si, dans un souci de lisibilité et de sécurité juridique, l'Ordonnance "prévoit, pour sa majeure partie, une codification à droit constant de la jurisprudence"1, elle n'est pas avare de changements, à l'image de ses dispositions relatives, respectivement, à la cession de créance, de dette et de contrat.
De l'avis général, il était temps de moderniser la cession de créance, ce que l'Ordonnance s'emploie à faire aux nouveaux articles 1321 et suivants du Code civil. Pour l'essentiel, ce dépoussiérage procède de la suppression de l’exigence aux fins d'opposabilité aux tiers de la signification prévue par l'article 1690. En effet, le droit nouveau dispose que "entre les parties, le transfert de la créance s'opère à la date de l'acte [et] est opposable aux tiers dès ce moment" (article 1323 al. 1 et 2). Quant au débiteur, à moins qu'il n'y ait consenti préalablement, la cession lui sera opposable au moyen d'une simple notification ou "s'il en a pris acte" (article 1324). Pour le reste, en matière de cession de créance, l'Ordonnance ne modifie pas le droit positif : tout au plus, codifie-t-elle quelques jurisprudences bien connues. Au final, le régime de cession de créance de droit commun issu de l'Ordonnance paraît se rapprocher sensiblement de celui de la "cession Dailly" des articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, dont il pourrait, dans certains cas, devenir le concurrent. Toutefois, on peut regretter que, tout en prévoyant la possibilité d'une cession à titre gratuit, l'Ordonnance n'ait pas consacré une cession de créance de droit commun à titre de garantie, à laquelle s'oppose la Cour de cassation2.
Discutée de longue date par la doctrine, la cession de dette fait son apparition aux nouveaux articles 1327 et suivants du Code civil. La protection du créancier semble le leitmotiv de cette série de dispositions: la cession de dette ne peut intervenir qu'avec l'accord du créancier (article 1327), celui-ci ne peut se voir opposer la cession que sur notification sauf à ce qu'il participe à l'acte (article 1327-1) et, sauf si le créancier "consent expressément" à libérer le débiteur originaire, ce dernier demeure tenu solidairement avec le nouveau débiteur (article 1327-2). L'usage démontrera peut-être l'intérêt de cette "cession de dette imparfaite". On peut imaginer qu'elle se substituera à certaines délégations imparfaites, auxquelles il était quelques fois recouru alors même qu'aucune dette ne préexistait entre le déléguant et le délégué. Pour ce qui est des exceptions "inhérentes à la dette", elles peuvent toujours être opposées au créancier tant par le débiteur originaire, s'il reste tenu, que par le débiteur substitué (article 1328). Quant aux sûretés consenties par des tiers, sauf si le débiteur originaire reste tenu, elles ne subsistent qu'avec leur accord (article 1328 2). A contrario, la logique le commande, si le débiteur originaire est déchargé, les sûretés qu'il avait constituées pour sa propre dette ne subsistent pas.
Enfin, c'est la cession de contrat qui est introduite aux articles 1216 et suivants du Code civil. Cette cession de "qualité de partie au contrat" (article 1216) requiert notamment l'accord du cocontractant et ne libère le cédant pour l'avenir qu'avec le consentement du cédé (article 1216-1). La similitude avec le régime de la cession de dette est saisissante et, mutatis mutandis, il conviendra donc de se poser à l'égard de la cession de contrat des questions proches de celles concernant la cession de dette.
En conclusion, si l'intérêt de la réforme du régime de cession de créance de droit commun est frappé au coin du bon sens, il reste aux praticiens à se saisir, à compter du 1er octobre 2016, de l'introduction de la cession de dette et de la cession de contrat dans le Code civil pour, quand bien même celle-ci passe pour heureuse, en démontrer toute la pertinence.
1 Rapport au Président de la République, Préambule.
2 Cass. Com., 19 décembre 2006, n°05-16395.
Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 7 mars 2016
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