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La nécessaire fixation des objectifs conditionnant le versement d’une part variable de rémunération

10/02/2015

La Cour de cassation a précisé à plusieurs reprises que le défaut de fixation des objectifs constituait un manquement justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. L’arrêt du 19 novembre 2014 apporte un nouvel éclairage tout en rappelant les principes généraux applicables.

La rémunération d’un salarié peut être composée d’une seule base fixe ou comporter également une part variable.

Ce mode de rémunération, autrefois réservé principalement aux salariés ayant des fonctions commerciales, se généralise singulièrement au sein des entreprises lesquelles y voient, avec raison, un véritable outil de motivation et de fidélisation de leurs collaborateurs.

Toutefois, ce mode de rémunération appelle de la part de l’employeur une grande vigilance dès lors que le manquement de l’employeur à ses obligations peut emporter des conséquences financières importantes.

Comment mettre en place une rémunération variable ?

Le principe d’une rémunération variable est, le plus souvent, prévu par le contrat de travail mais peut également être mis en place sur le fondement d’un accord collectif d’entreprise, d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur.

Le support de mise en place sera déterminant lorsque l’employeur se posera la question de la modification de la rémunération variable afin de savoir si l’accord du salarié s’impose ou non.

Si un employeur souhaite modifier la rémunération d’un salarié, fondée uniquement sur le versement d’un salaire fixe en y substituant ou y ajoutant une part de rémunération variable, il y a là modification du contrat de travail, laquelle suppose l’accord préalable et exprès du salarié et la signature corrélative d’un avenant au contrat de travail.

Lors de la détermination de la proportion de la part variable de la rémunération, l’employeur devra prendre en compte le nécessaire respect des minimas légaux et conventionnels.

Comment déterminer les objectifs ?

La rémunération variable repose essentiellement sur l’atteinte d’objectifs définis de manière quantitative, qualitative ou mixte.

Ces objectifs peuvent être définis unilatéralement par l’employeur ou déterminés par accord avec le salarié. A notre sens, il convient de privilégier la voie de la définition unilatérale aux fins d’éviter d’éventuelles situations de blocages dans le cadre de négociations avec les salariés.

Si les objectifs assignés au salarié peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, la jurisprudence a néanmoins fixé des principes s’imposant à l’employeur :

  • les objectifs doivent être réalistes et réalisables, fondés sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur. Dans le cadre de la détermination des objectifs, l’employeur doit prendre en compte la durée du travail du salarié, l’environnement économique dans lequel il évolue, etc.
  • les éléments déterminant la rémunération variable doivent être vérifiables par les salariés.
  • les objectifs devront être établis et communiqués au salarié en français au risque d’être déclarés inopposables au salarié, et ce même si celui-ci est totalement bilingue.

A quel moment fixer les objectifs ?

L’employeur se doit de déterminer les objectifs conditionnant le versement d’une part variable au début de la période de référence d’appréciation de l’atteinte des dits objectifs. A défaut, il ne pourra pas opposer au salarié la non-atteinte de ces objectifs, le salarié n’en ayant pas connaissance.

Il est recommandé à l’employeur de notifier les objectifs pour chaque période de référence, et ce même si les objectifs demeurent identiques à ceux de la période précédentes, notamment lorsque le contrat de travail ou le support de la rémunération variable prévoit cette information.

En l’absence de fixation ou en cas de fixation tardive des objectifs, un salarié peut saisir le juge afin de demander la fixation des objectifs. Ceux-ci seraient alors déterminés en fonction des éléments retenus les années précédentes.

A noter que l’arrêt du 19 novembre 2014 précise qu’en cas de négociation des objectifs, l’initiative de l’ouverture des négociations appartient à l’employeur, lequel ne pourra invoquer l’absence de demande du salarié pour justifier de l’absence de fixation des objectifs.

Les risques liés à l’absence de détermination des objectifs

A défaut pour l’employeur de fixer les objectifs, le salarié pourra néanmoins demander en justice le versement de la part variable de sa rémunération.

A cet égard, les juges détermineront le montant de la part variable au regard du montant versé les années précédentes ou, à défaut de référence, au montant maximal prévu au titre de la rémunération variable.

Certains salariés pourront préférer se placer sur le terrain de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur que ce soit dans le cadre d’une prise d’acte ou d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

A cet égard, la Cour de cassation a pu avoir une approche assez stricte de la question pour l’employeur et estimait que le seul fait que ce dernier n’ait pas fixé les objectifs justifiait la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs.

A ce titre, dans un arrêt du 9 novembre 2011, la Cour de cassation avait confirmé la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur alors même que la Cour d’appel avait débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire aux motifs que l’employeur avait régularisé le paiement de la part variable sur l’essentiel des demandes et que le solde, « représentant une somme modeste« , ne constituait pas un manquement justifiant la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

La fin de l’automaticité de la reconnaissance de la rupture aux torts de l’employeur ?

Face à cette jurisprudence sévère, l’arrêt du 19 novembre 2014 semble marquer un infléchissement en mettant en avant l’importance de la part variable. Au cas d’espèce il a été jugé :

« qu’ayant ensuite souligné, l’importance des sommes en litige, la rémunération variable étant calculée sur la base de 60% de la rémunération fixe et ainsi fait ressortir que ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail. »

En effet, l’étude des moyens du pourvoi montre que la somme, sur les deux années, représentait 168.000 € au titre de la rémunération variable sur les années 2007 et 2008.

A cet égard, l’arrêt du 19 novembre 2014 s’inscrit dans le courant des derniers arrêts de la Cour de cassation, lesquels ont eu pour effet d’apprécier plus strictement le ou les motifs invoqués par les salariés en cas de prise d’acte ou de résiliation judiciaire : ceux-ci doivent être suffisamment graves pour rendre impossible la relation contractuelle. Ce qui semblait manifestement le cas dans la décision du 19 novembre 2014.

En matière de rémunération, la Cour avait notamment rejeté des motifs tenant à la modification de la rémunération sans l’accord du salarié dès lors que celle-ci n’avait pas été défavorable aux salariés ou ne représentait qu’une faible partie de sa rémunération sur la période (80 € par mois). Si les employeurs avaient bien commis des manquements, ceux-ci n’empêchaient pas la poursuite du contrat de travail, critère essentiel de la justification de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de prise d’acte ou de demande de résiliation judiciaire.

Article paru dans Les Echos Business le 9 février 2015


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