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La redoutable efficacité du sous-cautionnement dans les ventes en l’état futur d’achèvement

F-B, n° 19-21.942

17/03/2022

Parfois, la Cour de cassation se sent l’âme d’un professeur de droit. Pourquoi pas lorsque le message est clair et l’explication pédagogiquement déroulée. Tel est le cas d’un arrêt rendu le 9 février dernier par la chambre commerciale de la Haute Juridiction (F-B, n° 19-21.942).

Le litige concerne des opérations de promotion immobilière réalisées par des sociétés de construction-vente. Le législateur fait obligation à ces sociétés de garantir l’achèvement de l’immeuble (ou le remboursement des versements effectués par l’acheteur) en cas de résolution du contrat pour défaut d’achèvement (article L. 261-10-1 du Code de la construction et de l’habitation). La garantie peut alors prendre la forme d’une « convention de cautionnement » (en fait, une garantie autonome), délivrée par un établissement régulé (établissement de crédit ou entreprise d’assurance), aux termes de laquelle la « caution » s’oblige envers l’acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l’achèvement de l'immeuble.

Bien entendu, l’établissement garant prend quasiment toujours la précaution de se faire contre-garantir par les initiateurs de l’opération. Dans l’affaire arrivée jusqu’à la Cour de cassation, les deux personnes physiques, dirigeants des sociétés en cause, avaient effectivement délivré une contre-garantie sous forme de cautionnements. Les sociétés ayant été soumises à des procédures de liquidation judiciaire, l’établissement financier garant a dû payer les sommes nécessaires à l’achèvement des immeubles, puis a assigné les deux dirigeants en exécution de leurs engagements.

Pour échapper à leurs engagements les dirigeants plaidaient que leurs obligations, en tant que cautions, avaient expiré lorsqu’elles furent appelées par l’établissement financier. Une simple comparaison des dates semblait donner du crédit à cet argument. La contre-garantie avait été conclue le 11 mai 2010 et stipulait qu’elle expirerait le 30 septembre 2012. Or, le paiement réalisé par l’établissement financier était intervenu postérieurement à cette date du 30 septembre 2012 et, donc, le recours contre les cautions plus tardivement encore. D’où la demande des dirigeants cautions, faisant reproche aux juges du fond de n’avoir pas constaté 1) que le paiement du garant était intervenu après la date d’expiration de leur propre engagement ; 2) qu’il fallait se placer au jour où le garant avait payé, pour déterminer la date de naissance de leur obligation en tant que caution.

L’argumentation du pourvoi se fondait donc sur la distinction entre obligation de couverture (obligation de la caution de couvrir les dettes garanties qui naîtront jusqu’à la date prévue au contrat) et obligation de règlement (obligation de payer le créancier en cas de défaillance du débiteur principal).

La Cour de cassation prend au mot les auteurs du pourvoi en explicitant cette opposition couverture/règlement. A ce propos, deux rappels importants sont opérés.

D’une part, l’arrêt précise que l’obligation de la sous-caution « a pour objet de garantir la caution non pas contre le risque auquel cette dernière est exposée de devoir payer le créancier à la place du débiteur principal défaillant mais contre celui de ne pas pouvoir obtenir du débiteur principal le remboursement des sommes qu’elle a payées pour son compte en exécution de son propre engagement ». C’est en effet la différence fondamentale entre la situation de la sous-caution (situation dans laquelle se trouvaient les dirigeants, auteurs du pourvoi) et celle du « certificateur de caution », qui garantit le créancier contre la défaillance de la caution du débiteur principal (C. civ., art. 2291, al. 2).

D’autre part, l’arrêt en tire la conséquence que l’obligation de la sous-caution prend naissance à la même date que celle de la caution, donc couvre l’intégralité des sommes dues par la caution « peu important la date de leur exigibilité et le fait que les paiements ont été effectués par la caution après l’expiration de la période de couverture de l’engagement de la sous-caution ». Au cas particulier, la date de naissance de l’obligation couverte par l’établissement financier garant correspondait à celle de conclusion des contrats de vente en l’état futur d’achèvement ; or, ces contrats avaient été conclus avant la fin de l’obligation de couverture des sous-cautions : la dette de ces dernières avait donc nécessairement pris naissance avant cette date.

Efficacité redoutable donc, que celle de ces engagements de sous-cautionnement.

On précisera pour finir que, si le raisonnement est conduit sous l’empire du droit antérieur à la réforme issue de l’ordonnance du 15 septembre 2021, sa solution paraît pleinement transposable au droit entré en vigueur le 1er janvier 2022.

Article paru dans Option Finance le 07/03/2022


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Arnaud Reygrobellet
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