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Le cadre européen des financements participatifs

01/12/2022

Le concept de financement participatif recouvre de nombreuses situations juridiques, certaines propres à la France et d’autres envisagées dans tous les pays de l’Union européenne (« UE »). Ainsi, à côté des prêts participatifs connus depuis des années en droit français, d’autres formes de financement par des acteurs non professionnels se sont développées aux cours des dernières années dont certaines s’appuyant sur la technologie de la blockchain.

Ce développement a conduit les Etats membres, et désormais l’Europe, à élaborer des normes pour encadrer ces nouveaux types de financement. Ainsi, alors que le Règlement MICA1 semble être parvenu à sa forme définitive après l’accord trouvé entre la Commission, le Conseil et le Parlement Européen lors du Comité des représentants permanents du 5 octobre 2022, l’Union Européenne (« UE ») dispose désormais d’un cadre règlementaire complet, prochainement applicable aux nouvelles formes de financement. Toutefois, si ce cadre présente de nombreux intérêts par la diversité des solutions qu’il offre, les blocages normatifs qu’il introduit et les « angles morts » qu’il ne règle pas peuvent susciter quelques inquiétudes.

Un cadre en évolution

Tout d’abord, si nouveauté il y a, elle est à chercher dans le fait que l’UE a voulu régir des modes de financement connus et déjà régulés au niveau des Etats membres. Ainsi, à côté des émissions de titres financiers classiques soumises au Règlement (UE) n° 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public (le « Règlement prospectus ») et menées par des prestataires de services d’investissement (« PSI ») soumis à la fameuse directive MiFID 2 , les pays de l’UE ont, ces dernières années, adopté des régimes juridiques propres couvrant les opérations de financement participatifs et par voie d’émission de jetons numériques. 

C’est dans ce contexte que l’UE a adopté le Règlement (UE) n° 2020/1503 du Parlement Européen et du Conseil du 7 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les entrepreneurs (respectivement, les « PSFPE » et le « Règlement PSFPE ») puis, dans le cadre plus large du train de mesures sur la finance numérique, a initié les travaux portant sur le Règlement MICA.

Si le Règlement PSFPE a été adopté et même si le Règlement MICA l’était prochainement, leur pleine mise en œuvre ne serait pas immédiate pour les raisons suivantes :

  • s’agissant du Règlement PSFPE, les difficultés des acteurs existants des Etats membres à être agréés comme PSFPE avant le délai initial de transposition de novembre 2022 a conduit la Commission européenne à porter au 10 novembre 2023 l'échéance de son entrée en application ; 
  • s’agissant du Règlement MICA, non seulement il n’a pas été adopté, mais plus encore, la rédaction même de certains de ces textes d’application n’a pas débuté.

Cela signifie que les régimes propres aux différents pays européens vont encore perdurer.

Les principales formes de financements participatifs

Tout d’abord, concernant le financement participatif proprement dit, alors que la France connaissait les conseillers en investissement participatifs (« CIP ») qui, comme certains PSI, organisent le financement d’opérations par voie d’émission de titres auprès des membres de leur réseau et celui des intermédiaires en financements participatifs (« IFP ») pour les offres de prêts, l’entrée en application du Règlement PSFPE a conduit à un statut unique de PSFPE, valable sur l’ensemble du territoire européen, pour les plateformes facilitant le financement participatif de projets commerciaux de personnes morales ou physiques jusqu’à 5 millions d’euros, par souscription de titres comme par octroi de prêts.

Toutefois, le statut d’IFP subsiste pour les activités qui ne sont pas couvertes par le Règlement PSFPE, en particulier pour les prêts à titre gratuit, les dons ainsi que les crédits onéreux qui portent sur des projets non-commerciaux.

En outre, le Règlement PSFPE n’impacte pas les prêts participatifs des articles L. 313-13 et suivants du Code monétaire et financier ( « CMF ») qui profitent d’un régime dérogatoire au monopole bancaire, ce qui permet à l’Etat et aux entreprises commerciales de consentir sur leurs ressources disponibles à long terme des concours aux entreprises agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales sous forme de prêts qui ne sont remboursés, en cas de liquidation amiable, de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire de l’emprunteur qu'après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires. 

Enfin, la blockchain a permis de nouvelles formes de financement au travers l’offre de crypto-actifs (définie sous le Règlement MICA comme « une représentation numérique d'une valeur ou d'un droit qui peut être transféré et stocké électroniquement, en utilisant la technologie du grand livre distribué ou une technologie similaire ») et l’émergence de nouveaux acteurs devant être régulés en tant que prestataire de services sur crypto-actifs (« PSCA »). Ainsi, à côté des financements aux moyens de titres financiers ou de prêts, la cession de crypto-actifs permettant l’obtention de produits ou services à livrer par l’émetteur constitue depuis quelques années une source alternative de levée de fonds pour les entreprises innovantes.

Les angles morts de la règlementation

Si les textes européens vont permettre une homogénéisation des régimes juridiques applicables dans l’UE, les compromis qu’ils ont requis laissent des activités ou des modes d’exercice, soit régulés au seul niveau d’un Etat membre, soit dont on peut s’interroger si et comment ils restent régulés, soit enfin, dans une certaine mesure, dégradés par rapport aux régimes qu’ils remplacent.

Tout d’abord, outre le maintien des IFP, la transposition en droit français du Règlement PSFPE réduit pour partie la protection offerte aux investisseurs. En effet, alors que le régime français du financement participatif s’articulait autour de la fourniture d’un service de conseil en investissement financier, celui tiré du Règlement PSFPE s’articule autour de celle de placement. A cet égard, les PSFPE ne sont pas tenus, à la différence des CIP, de formuler un conseil. D’ailleurs, le Règlement rappelle que l’existence d’outils de filtrage sur une plate-forme de financement participatif ne devrait pas être considérée comme un conseil en investissement aussi longtemps que ces outils fournissent des informations aux clients de manière neutre, sans constituer une recommandation. 

Au-delà, c’est en matière de crypto-actifs que les différences sont les plus troublantes entre le régime français actuel et le régime futur sous le Règlement MICA. Alors que le régime français des offres au public de jetons couvre les offres relatives à des jetons définis à l’article L. 552-2 du CMF comme tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien, celui du Règlement MICA ne s’applique pas aux utility token concernant un bien ou un service existant ou en cours d'exploitation. Dès lors, le droit français devra-t-il rester applicable aux offres de jetons concernant les services ou biens déjà existants ?

Qui plus est, la notion d’utility token selon le Règlement MICA ne couvre que les crypto-actifs donnant un droit à accéder à un service ou bien de leur émetteur alors que le concept de jetons en droit français ne distingue pas selon que le débiteur de l’obligation de livraison du bien ou du service est l’émetteur ou un tiers. Dans ces conditions, l’adoption de ce règlement ne peut apparaître que comme un premier pas et il faut espérer que ce texte soit rapidement complété afin d’éviter que se développent des différences entre juridictions propres à induire le consommateur en erreur.

A retenir :

  • Le droit de l’Union Européenne organise désormais les opérations de financements participatifs au travers de titres ou de crypto-actifs ;
  • Le régime européen coexiste avec des régimes locaux ;
  • De nombreuses clarifications sont attendues ce qui laisse un flou quant à l’articulation entre les régimes locaux et européens.

(1) Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on Markets in Crypto-assets, and amending Directive (EU) 2019/1937 (le « Règlement MICA »).
(2) Directive 2014/65/UE.


 

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