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Le cautionnement fait peau neuve

Plus lisible, plus protecteur et plus efficace

16/12/2021

Un régime plus lisible

Pour plus de lisibilité, les dispositions relatives au cautionnement sont rassemblées dans le seul Code civil, l'ordonnance n°2021-1192 abrogeant les articles du Code de la consommation sur ce sujet (art. 32).

Le régime du cautionnement est ensuite rendu plus compréhensible par l'ajout de définitions. Les articles 2289 et 2290 établissent respectivement la distinction entre cautionnement légal et cautionnement judiciaire, et entre cautionnement simple et cautionnement solidaire. La définition du cautionnement lui-même est par ailleurs reformulée et indique désormais que "le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci".

L'article 2298 rappelle quant à lui, en le renforçant, le caractère accessoire du cautionnement en indiquant que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette, et désormais aussi les exceptions personnelles, qui appartiennent au débiteur (sauf celles liées à l'incapacité de contracter du débiteur personne physique, si la caution avait connaissance de cette incapacité, ou aux mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf dispositions contraires).

Quelques solutions jurisprudentielles sont codifiées, par exemple à l'article 2316 qui précise que lorsqu'un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire. Ainsi, l'obligation de couverture de la caution s’éteint avec l'extinction du cautionnement mais la caution demeure tenue au règlement des créances nées antérieurement à l'extinction du cautionnement.

Un régime à la fois plus protecteur pour les cautions personnes physiques et plus efficace pour les créanciers

L'objectif de protection de la caution personne physique est assuré en particulier par les mécanismes suivants, qui existent déjà mais dont certains sont corrigés afin d'améliorer également l'efficacité du cautionnement pour le créancier :

(i)        l'exigence d'une mention apposée par la caution elle-même (actuels art. L. 314-15, L. 314-16, L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation, futur art. 2297 du Code civil) : si l'existence de cette mention est toujours prescrite à peine de nullité et qu'elle s'applique désormais à tous les cautionnements souscrits par une personne physique, que le créancier soit ou non un professionnel, il n'est en revanche plus exigé que la caution reproduise au mot près une mention strictement prédéterminée. Cette mention peut par ailleurs désormais dans tous les cas être apposée par un procédé électronique ;

En pratique : la mention apposée par la personne physique doit exprimer qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres.

Si la caution renonce au bénéfice de discussion et/ou au bénéfice de division, elle doit apposer une mention le spécifiant. En l'absence de cette précision, le cautionnement sera valable, mais sera un cautionnement simple.

Les praticiens reprendront sans doute, dans les cautionnements futurs, les énoncés ayant aujourd'hui valeur légale, dans la mesure où ils ne seront pas sujets à des questions d'interprétation.

(ii)        le devoir de mise en garde du créancier professionnel envers la caution lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier (principe jurisprudentiel, codifié au futur art. 2299) : ce devoir de mise en garde bénéficie désormais à toutes les cautions personnes physiques, qu'elles soient averties ou non, ce qui élargit l'obligation du créancier professionnel. La sanction en revanche n'est plus la responsabilité contractuelle du créancier professionnel mais la déchéance du droit du créancier contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ;

En pratique : afin de prouver qu'il a effectivement mis en garde la caution personne physique concernant l'inadaptation de l'engagement du débiteur principal par rapport aux capacités financières de celui-ci, le créancier professionnel peut le faire reconnaître par la caution dans le contrat de cautionnement. Cette précaution rédactionnelle ne résistera cependant sans doute pas à la preuve de l’absence d’une véritable mise en garde circonstanciée.

(iii)         l'exigence de proportionnalité de l'engagement de la caution (art. L. 314-18 et L. 332-1 du Code de la consommation, futur art. 2300 du Code civil) : il appartient au créancier professionnel de vérifier, lors de la conclusion d'un cautionnement par une personne physique, que celui-ci n'est pas manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution. Néanmoins en cas de disproportion à la date de conclusion du cautionnement, le créancier ne risque plus de perdre le bénéfice total du cautionnement mais simplement la partie excédant le montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager ;

En pratique : afin de prouver qu'il a apprécié la proportionnalité de l'engagement de la caution personne physique, le créancier professionnel peut demander à titre de conditions préalables du contrat de cautionnement les éléments permettant d'établir le niveau de revenus et de patrimoine de la caution.

(iv)         l'obligation du créancier professionnel d'informer, à ses frais, toute caution personne physique de l'évolution de la dette garantie (actuels art. 2293, al 2 du Code civil et L. 333-2 du Code de la consommation et futur art. 2302 du Code civil) et de la défaillance du débiteur principal (actuels art. L. 314-17 et L. 333-1 du Code de la consommation, futur art. 2303 du Code civil), et ce dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement.

En pratique : ces obligations d'information s'appliqueront dès le 1er janvier 2022, y compris aux cautionnements constitués antérieurement. Il conviendra donc de modifier les clauses des contrats de cautionnement antérieurs dans le cas où elles ne seraient pas conformes aux prescriptions des articles 2302 et 2303 du Code civil.

Un régime en partie étendu aux sûretés réelles pour autrui

La protection des personnes physiques au titre du régime du cautionnement s'étendra en partie à l'avenir à celles qui consentent une sûreté réelle au bénéfice d'un tiers : c'est le cas de l'exigence de proportionnalité et des obligations d'information citées aux points (ii) et (iv) ci-dessus. Ce type de sûreté garde toutefois sa nature de sûreté réelle et n'est dons pas consacrée en tant que cautionnement réel par la réforme.

Apports de la réforme pour les personnes morales

Si l'objectif de protection de la réforme vise la caution personne physique, certains de ses apports bénéficient aux cautions personnes physiques et personnes morales. Tout d'abord, comme mentionné plus haut et dans les limites évoquées, la caution pourra opposer au créancier toutes les exceptions, inhérentes à la dette et désormais aussi les exceptions personnelles, qui appartiennent au débiteur. De plus, toute personne morale caution d'une entreprise en garantie d'un concours financier est également titulaire du devoir d'information visé au (iv) ci-dessus concernant l'évolution de la dette garantie par l'établissement de crédit ou la société de financement bénéficiaire du cautionnement en garantie d'un concours financier accordé à une entreprise.

En revanche, le doute est levé au bénéfice du créancier en cas de dissolution de la caution personne morale : celle-ci entraîne en effet la transmission de toutes les obligations issues du cautionnement, aussi bien celles aux dettes nées avant que l'opération ne soit devenue opposable aux tiers que celles nées après.

La réforme clarifie sans le modifier le devenir du cautionnement en cas de dissolution, emportant transfert universel de patrimoine (fusion, scission, dissolution-confusion) d'un débiteur ou d'un créancier personne morale. Lorsque le débiteur personne morale fait l'objet d'une telle opération, la caution garantit les dettes nées avant la dissolution et, seulement si la caution donne son accord à l'occasion de la dissolution, les dettes nées après celle-ci. Lorsque le créancier personne morale bénéficiaire du cautionnement fait l'objet d'une telle opération, la caution garantit les dettes nées avant la dissolution et, seulement si la caution a donné son accord "par avance", les dettes nées après la dissolution.

En pratique : des clauses spécifiques, qui sont déjà fréquentes aujourd’hui, peuvent être intégrées dans le contrat de cautionnement pour couvrir les cas de dissolution du débiteur ou du bénéficiaire personnes morales.

Par exemple, concernant le débiteur : Le Cautionnement conservera ses pleins effets en toutes circonstances, notamment dans le cas où le Débiteur Cautionné s'avérerait être en état de cessation des paiements ou ferait l'objet d'une procédure collective, ou de toute autre procédure judiciaire ou extra-judiciaire tendant à l'apurement collectif de son passif, à sa réorganisation (notamment fusion ou scission) ou à des fins similaires, la Caution restant, nonobstant la survenance de tels événements, personnellement obligée sans pouvoir opposer aux Bénéficiaires les conditions dont pourrait se prévaloir le Débiteur Cautionné envers la Caution dans le cadre de telles procédures, sous réserve des dispositions impératives du Code de commerce.

Concernant le créancier bénéficiaire : Il est expressément convenu avec la Caution qu'aucun changement, quel qu'il soit, dans la situation juridique des Bénéficiaires (et notamment, sans que cette liste ne soit limitative, toute fusion, scission, apport partiel d'actif ou changement de forme sociale) ne saurait mettre fin aux obligations de la Caution au titre du Cautionnement.

Le point restructuring - La caution et le créancier cautionné affectés par la réforme des outils de traitement des difficultés des entreprises

L’ordonnance de réforme du droit des sûretés est concomitante et indissociable de celle réformant le livre VI du Code de commerce (ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021).

L’objectif d’anticipation du traitement des difficultés trouve une traduction dans la protection des cautions personnes physiques qui, de manière pragmatique, sont généralement les dirigeants des débiteurs en difficulté. En effet ces derniers, s’ils sont menacés sur leur patrimoine personnel, seront enclins à retarder, trop souvent jusqu’à l’irrémédiable, le moment de pousser la porte du tribunal de commerce.

Pour contrecarrer ce réflexe naturel, le législateur prévoit donc, après la pétition de principe de l’article 2298 du Code civil (cf. ci-dessus), que le sort des cautions personnes physiques en procédure de redressement judiciaire est aligné sur celui existant en procédure de sauvegarde : la caution sera à l’abri des poursuites pour les dettes antérieures à l’ouverture de la procédure le temps de la période d’observation et pourra se prévaloir des dispositions des plans de sauvegarde ou de redressement tant que ceux-ci seront parfaitement exécutés par le débiteur.

De manière encore plus large, la caution (personne physique ET personne morale) du débiteur en procédure de conciliation, comme ses autres garants, pourra bénéficier des nouveaux délais de grâce pouvant être octroyés au débiteur au cours de sa procédure (art. L.611-7 et L.611-10-2 du Code de commerce), ou à l’issue de celle-ci (art. L.611-10-1 et L.611-10-2).

Malgré tout, le législateur n’a pu s’empêcher de renforcer les pièges tendus au créancier lors de l’ouverture de la procédure collective. En effet, il est maintenant spécifiquement précisé que les sûretés non mentionnées dans la déclaration de créances deviennent inopposables.

Espérons toutefois que la jurisprudence fera une application raisonnée de cette disposition.

Précisons encore que, dès l’ouverture, la caution peut, à l’instar de ce que la pratique avait déjà consacré, déclarer sa créance de recours personnel à la procédure collective du débiteur principal, même avant paiement, ce qui a pu faire l’objet de débats devant certaines juridictions du fond.


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