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Les ambitions de l’Union européenne en matière de finance digitale

la Commission européenne a publié fin septembre sa communication pour la Stratégie de la finance digitale de l’Union européenne

26/11/2020

Deux ans et demi après la publication de son plan d’action sur les fintechs, la Commission européenne a publié fin septembre sa communication pour la Stratégie de la finance digitale de l’Union européenne. Un texte qui fait office de véritable feuille de route des futures réglementations applicables à la finance numérique.

Après la publication en mars 2018 de son plan d’action sur les fintechs, dans lequel elle esquissait les grands axes du cadre juridique dans lequel elle estimait souhaitable de voir les acteurs de la finance déployer leur stratégie numérique, la Commission européenne a publié le 24 septembre dernier sa communication pour la Stratégie de la finance digitale de l’Union européenne. S’il est relativement bref, ce texte est particulièrement riche en ce qu’il semble embrasser tous les champs réglementaires déployés pour organiser les métiers de la finance européenne à la lumière des innovations technologiques d’aujourd’hui et de demain. Accompagnée de propositions de règlements portant sur les crypto-actifs et la résilience opérationnelle numérique du système financier, la communication se veut être une véritable feuille de route des futures réglementations applicables à la finance numérique.

L’«onboarding» client et l’accès aux services

Le premier objectif affirmé dans la communication est d’éviter la fragmentation du marché des services financiers digitaux ; priorité soulignant en creux l’échec de la directive MIF 1 et, dans une bien moindre mesure, celui potentiellement de la directive MIF 2 (pour laquelle on peut estimer que l’Europe n’a pas véritablement le recul nécessaire pour en apprécier tous les avantages et inconvénients). En effet, par-delà l’harmonisation des règles d’organisation des acteurs ou des processus de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme («LCB-FT»), la Commission insiste sur l’intérêt à homogénéiser plus encore les processus d’entrée en relation client («onboarding»). Ainsi, tout en soulignant les avantages des nouvelles technologies que la crise de la Covid-19 met en lumière, lesquelles permettent dans cette période délicate les flux de biens et services à distance, la Commission invite l’Autorité bancaire européenne («ABE») et le Comité européen de la protection des données à, respectivement, préciser les éléments d’identification et de conduite des diligences de connaissance des clients et clarifier les conditions de réutilisation des données entre prestataires, pour les besoins de l’onboarding.
Dans cette perspective, la Commission entend continuer les travaux d’harmonisation en matière de LCB-FT en précisant les informations d’identification et surtout, les technologies acceptables afin de conduire ces travaux d’identification. Sur ce point, la communication précise que la rationalisation des règles en matière d’externalisation et de collecte de données en vue de l’identification des clients rend nécessaire la modification du règlement Eidas sur les mécanismes de reconnaissance mutuelle des moyens d’identification électronique, l’objectif à terme étant de mettre en œuvre un cadre transfrontalier interopérable pour les identités numériques. Enfin, et par-delà la simple entrée en relation, la Commission confirme souhaiter s’appuyer sur l’architecture réglementaire prévue au règlement 2020/1503 du 20 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les autres acteurs de la finance digitale, en particulier, pour les crypto-actifs.

Les crypto-actifs et l’innovation

Sans surprise, l’harmonisation du cadre réglementaire des crypto-actifs constitue un axe central de la stratégie qu’entend déployer la Commission européenne. Le paquet législatif accompagnant la communication inclut ainsi un projet de règlement relatif au marché des crypto-actifs particulièrement ressemblant à celui existant en France, puisqu’il est très largement inspiré du cadre juridique applicable aux entreprises d’investissement (les «PSI»). Ainsi, à l’image du Code monétaire et financier qui envisage les services sur actifs numériques selon une typologie proche de celle adoptée pour les instruments financiers (services de réception-transmission d’ordres, exécution, placement, etc.), la Commission propose une organisation en matière de commercialisation d’actifs numériques également très ressemblante à celle adoptée dans le règlement prospectus en matière d’information des investisseurs. Plus encore, ce projet envisage que les PSI puissent fournir des services sur actifs numériques similaires à ceux qu’ils offrent sur les instruments financiers en n’étant soumis qu’à une partie des règles autrement applicables aux autres prestataires de services sur actifs numériques.
Mais au-delà de ses similitudes avec la législation française et de son exhaustivité, ce projet présente l’intérêt de fournir une définition de ce que sont les crypto-actifs et ce, notamment en visant les différentes formes de crypto-actifs tels que les utility tokens, les payment tokens ou les stable coins... Cette démarche, si elle prospère, constitue une grande avancée tant d’un point de vue didactique, en permettant une appréhension au niveau européen de ces concepts parfois appréciés différemment au sein de l’Union, que de rationalisation, puisqu’elle tend à fixer un socle juridique commun pour ces nouveaux types de biens que chaque Etat membre envisage sous l’angle de sa législation nationale.
Enfin, la Commission se fixe pour objectif l’adaptation de l’architecture réglementaire existante aux technologies nouvelles, telles que l’intelligence artificielle ou le cloud computing ; objectif largement initié par l’ABE avec, en particulier, ses lignes directrices sur les prestataires de services dans le cloud.

La gestion de la donnée

Les critiques adressées aux instances européennes sur l’inflation réglementaire et l’extrême lourdeur des reportings et communications à réaliser par les acteurs de la finance semblent avoir été entendues par la Commission. Cependant, la réponse qu’elle entend y apporter n’est peut-être pas celle escomptée : plutôt que de s’engager à réduire le poids réglementaire auquel sont assujettis les acteurs de la finance, la communication souligne, et c’est son troisième objectif, la nécessité de mettre en place, à destination du public, des infrastructures de diffusion d’informations homogènes afin de les rendre disponibles dans des formats standardisés et lisibles par machine. Ainsi, non seulement la législation européenne serait retranscrite dans des formats lisibles par une machine afin de faciliter le traitement par les acteurs soumis aux obligations de reporting et de communication, mais ces derniers devraient également utiliser de tels moyens pour que l’information soit accessible de manière globale et simple dans toute l’Union.
Derrière ces lignes tracées par la Commission, on peut déceler une volonté claire de mieux utiliser la quantité de données déjà produite de manière plus efficace dans un but de supervision des acteurs, mais également le souhait d’assurer une meilleure information du marché. C’est à l’aune de cette volonté qu’il faut lire la décision de la Commission de réexaminer la directive sur les services de paiements (DSP 2) en vue de faciliter l’échange et l’utilisation des données clients et ce, afin de rendre plus effectifs les nouveaux services de paiement.

Les points à retenir

Au travers de la communication pour la finance digitale, les dirigeants européens :
● introduisent les premiers projets de corps de règles applicables aux crypto-actifs ;
● posent des exigences opérationnelles immédiates et à terme sur le traitement de la donnée et la résilience des systèmes ;
● entendent renforcer l’accès à l’information et aux marchés tout en protégeant les consommateurs, en particulier leur identité numérique ;
● réaffirment leur intention d’encadrer davantage ce nouvel ensemble formé des anciens et nouveaux acteurs de la finance.

La protection des consommateurs et du marché

La Commission se donne pour quatrième et dernier objectif de renforcer la protection des investisseurs et la stabilité du marché. S’agissant de la stabilité du marché, il faut lire le principe qu’elle pose, c’est-à-dire «même activité, même risque, mêmes règles», comme un avertissement aux géants du numérique : leur «incursion» au travers de nouveaux services et technologies dans les services financiers ne peut se faire qu’en se pliant aux mêmes règles que celles auxquelles sont déjà soumis les autres acteurs. Ce principe a pour corollaire deux autres mises en garde. Tout d’abord, si le recours aux nouvelles technologies présente

Déjà de nouveaux textes…

Les acteurs du marché auraient tort de voir dans la Communication une simple énumération de vœux pieux. Au contraire, la Commission a joint à celle-ci non seulement des propositions de règlements portant respectivement sur (i) les marchés de crypto-actifs, (ii) le recours à la technologie de la blockchain pour les infrastructures de marché et (iii) la résilience digitale opérationnelle dans le secteur financier, ainsi qu’une directive renforçant les obligations des acteurs régulés s’agissant de leurs infrastructures digitales. Aussi, à l’aune des communications passées de la Commission, on peut s’attendre à ce que les nouveaux textes actuellement débattus et ceux en préparation intègrent les grands axes dégagés par cette communication. Les acteurs qui, déjà aujourd’hui, font face aux nombreuses contraintes légales et réglementaires en renforçant sensiblement leurs moyens digitaux doivent prendre conscience de ce qu’à brève échéance, il leur faudra redoubler d’effort et d’investissement pour se conformer à la vision de l’Europe financière digitale tracée par les dirigeants européens. Au-delà, la communication esquisse dans ces nouvelles contraintes un projet ferme de plus grande standardisation et interopérabilité. Mais cela ne serait-il pas antinomique avec l’innovation ? 

de nombreux avantages en facilitant l’accès à de nouveaux services, il doit être réalisé de manière organisée et sécurisée, en particulier concernant le traitement des informations ayant trait à l’identité des individus, mais également, à l’accès pour ces derniers à une information de qualité et une information standardisée.
Enfin, soulignant les avantages que la digitalisation présente, en particulier dans le contexte de pandémie de la Covid-19, la Commission s’engage à poursuivre sa politique de renforcement des exigences en matière de résilience des systèmes informatiques.

Article paru dans Option Finance le 16/11/2020


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